mars 19, 2024

Le Chant du Loup – Touché Coulé

De : Antonin Baudry

Avec François Civil, Omar Sy, Reda Kateb, Mathieu Kassovitz

Année : 2019

Pays : France

Genre : Drame, Thriller

Résumé :

Un jeune homme a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui, l’Oreille d’Or.
Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique.
Dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable.

Avis :

Le film de sous-marin est un sous-genre très codifié et qui n’a pas beaucoup de références dans le domaine du septième. Néanmoins, il existe deux types de film de sous-marin, le réaliste, comme Das Boot, ou alors le divertissement qui ne s’embête pas avec le réalisme comme pour A la Poursuite d’Octobre Rouge par exemple. Des films qui ont fait leur preuve mais qui n’a pas eu valeur de référence pour Antonin Baudry. Ancien conseiller politique, scénariste du film Quai des Orfèvres, il va décider de faire ce film tout en occultant tout médium en rapport avec les sous-marins. Il a voulu faire avec Le Chant du Loup un film vierge de toute référence afin d’avoir les coudées franches et de faire ce qu’il lui semblait bien. Dans des décors à la véritable échelle, sans créer d’espace supplémentaire pour poser sa caméra, Antonin Baudry tente de relever un défi pas si évidemment que cela. Le réussit-il ?

L’histoire prend place dans un contexte politique très froid, dans un futur plus ou moins proche. La Russie est en pleine guerre froide avec le reste de l’Europe et tente même d’envahir la Finlande. Mais la Russie n’est pas le seul ennemi du continent, puisque les djihadistes sont toujours présents et le film s’ouvre sur une mission d’exfiltration de quatre soldats qui doivent fuir à bord d’un sous-marin français. Malheureusement, le sous-marin se fait repérer suite à une mauvaise interprétation de l’oreille d’or et le sauvetage s’avère plus compliqué que prévu. Cependant, à son retour, Chanteraide, oreille d’or de bord, est persuadé d’avoir entendu un sous-marin non classifié. Il mène ses recherches et aboutit à une drôle de découverte. Ceci n’est que le début du film et il ne faut pas en dire plus si l’on ne veut pas spoiler le métrage. En effet, Le Chant du Loup joue beaucoup sur sa seconde moitié et sa tension ultra palpable qui remet en cause de façon frontale les protocoles de l’armée et la crise dans laquelle cela peut nous mettre. Le scénario se révèle très intelligent car il joue sur deux tableaux, les personnages et leurs doutes, mais aussi et surtout les enjeux de la géopolitique. Dit comme ça, on pourrait croire que le film va être très ennuyeux, mais c’est tout le contraire, car le réalisateur va savoir manier avec brio l’angoisse montante du film.

D’entrée de jeu, le réalisateur affiche ses ambitions et offre une longue introduction percutante, avec une certaine maîtrise de la tension. L’ambiance est très anxiogène du fait de l’étroitesse du sous-marin, mais aussi par les silences qui parcourent ce moment. Le silence de la mer, car l’oreille d’or doit entendre tout ce qui se passe sur l’eau et dans l’eau, mais aussi le silence des soldats qui sont encerclés par des djihadistes entrainés. Cette tension ne va faire que monter, et ne redescendra jamais vraiment, même lors des moments hors de l’eau. Jouant constamment sur les sons étouffés et les bruits marins, on va retrouver nos personnages dans des situations du quotidien, surtout François Civil, afin de leur donner de l’épaisseur, mais sans qu’ils soient vraiment détendus. Il y a toujours de l’électricité dans l’air, que ce soit par le savon que passe Mathieu Kassovitz à ses officiers ou par la recherche que mène François Civil afin de prouver ses dires. Antonin Baudry ne relâche jamais cette pression et fait tout pour que le spectateur se sente à l’étroit, même dans des scènes plus intimistes ou plus conventionnelles. Mais la tension touche à son paroxysme dans la seconde moitié du film, qui devient très dure et met nos nerfs à rude épreuve à cause de l’enjeu même du métrage.

Car si la tension est si palpable et transmissible, c’est aussi parce que le scénario est intéressant et pointe du doigt certaines méthodes qui peuvent causer du tort à toute la nation. Il faut savoir que le film s’appuie sur des protocoles qui existent vraiment et des sous-marins que la France possède. Ainsi donc, on va pouvoir se rendre compte de l’imbécilité de certaines décisions ou d’un protocole archaïque qui ne prend aucunement l’humain en compte. Les choix vont être cruciaux et absolument horribles à prendre et Le Chant du Loup va vraiment au bout de ses ambitions et des messages qu’il veut faire passer. On aura aussi quelques critiques envers la Marine et l’armée dans son sens global, avec sa discipline intransigeante, même pour une bêtise qui n’est pas la faute de celui qui est puni, ou encore avec ses ordres qui sont parfois inhumains, ne laissant que peu de place aux sentiments et à la famille. C’est d’ailleurs pour cela que le film dresse des portraits sobres et sans ambages. Les acteurs s’en sortent à merveille, notamment Reda Kateb qui est très bon, mais surtout François Civil, extrêmement touchant dans son humanité et dans son combat intérieur et extérieur pour prouver qu’il a raison. Omar Sy fait le taf sans pour autant prendre trop d’importance et Mathieu Kassovitz trouve un rôle à sa hauteur, où il n’en fait pas des tonnes, mais qui arrive à se rendre touchant malgré sa dureté et le caractère irascible de son personnage.

Alors oui, le film n’est pas parfait pour autant, même s’il demeure très bon. Certaines situations sont assez ubuesques et on aura du mal à croire en certains passages. L’amourette sert surtout à renforcer le personnage de Chanteraide, mais globalement, elle n’aurait pas été là que cela n’aurait pas manqué. On peut aussi regretter la trop grosse simplicité de certains personnages, Reda Kateb en tête, qui manque de profondeur afin de toucher encore plus le spectateur. Mais doit-on vraiment crier au loup avec ce film ? Il s’agit d’un premier métrage et en ce sens, c’est très impressionnant, aussi bien dans la mise en scène que dans sa maîtrise de la tension. Il s’agit aussi d’un projet ambitieux dans le sillage du film français et on sent un vrai savoir-faire, prouvant que l’on peut aller au-delà des comédies ringardes et des drames pathos. Il faut donc encourager ce genre d’entreprise, qui prend des risques et qui peut aisément concurrencer les américains.

Au final, Le Chant du Loup est une véritable petite surprise. Pour un premier film, Antonin Baudry tape fort et montre qu’il est possible, en France, de viser haut en matière de qualité et de film de genre. Car ne nous y trompons pas, ce film tient plus du thriller que du drame et il y a une véritable maîtrise de la tension et de la mise en scène. Anxiogène à souhait, plausible dans son histoire et joué par des acteurs très bons, Le Chant du Loup résonne comme un renouveau du cinéma français et ça fait plaisir à voir.

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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