avril 24, 2024

Kontroll

De : Nimrod Antal

Avec Sandor Csanyi, Zoltan Mucsi, Csaba Pindroch, Sandor Badar

Année : 2003

Pays : Hongrie

Genre : Thriller

Résumé :

Bucsu est un contrôleur du métro de Budapest qui passe ses jours et ses nuits à errer dans les couloirs. Refusant de remonter à la surface, il se heurte au mépris et à la violence des usagers et de ses collègues.

Avis :

De nombreux réalisateurs étrangers sont partis vivre le rêve américain après un premier film qui a cartonné dans leur pays. C’est le cas pour Nimrod Antal. Cinéaste d’origine hongroise, il va proposer un premier film, Kontroll, qui sera même sélectionné pour le festival de Cannes dans la catégorie un certain regard. Le film va se faire un petit nom, d’autant plus que cela faisait plus de vingt ans qu’un film hongrois n’avait pas été sélectionné. Par la suite, Nimrod Antal part aux States et réalise coup sur coup deux petits films efficaces, Motel et Blindés. Fort de cette expérience et gagnant la confiance des producteurs, on lui confie Predators. Sans être un énorme ratage comme on l’entend un peu partout, le film reste décevant et sera une mauvaise expérience pour le hongrois. Derrière, il met en scène le film de Metallica, Through the Never, puis repart dans son pays d’origine.

L’enfer, c’est les autres

Mais revenons plutôt vers son premier projet, Kontroll, un film à la lisière du drame et du thriller, qui met en scène un groupe de contrôleurs de tickets dans le métro de Budapest. Il est assez étrange de voir comment débute le film. Car avant même le générique de début, on a le chef des transports qui lit un petit laïus sur ledit film, pour prévenir que le métro de Budapest n’est pas comme ça, et qu’il s’agit ici d’une métaphore. Un message préventif assez étonnant, mais on va vite comprendre pourquoi. En effet, on va suivre Bucsu, un contrôleur qui vit dans le métro et qui semble incapable d’en sortir pour voir la lumière du jour. Coincé entre des passagers irrespectueux et un tueur qui pousse les gens sous les roues du train souterrain, Bucsu vit un véritable enfer.

Le réalisateur dépeint alors une société pervertie, mauvaise, et qui se joue de tous les détours pour ne pas payer son ticket de transport. Il se dégage du film une véritable ambiance poisseuse et désagréable. Tous les personnages sont étranges, malsains, que ce soit dans les contrôleurs de ticket ou chez les passagers. On aura droit à des personnages antipathiques, avec des branleurs qui font ce métier pour bouffer, ou encore des gens violents qui n’hésitent pas à taper pour ne pas payer. Prostituées, maquereau, touristes irrespectueux, fous furieux et autres racistes seront de la partie. Nimrod Antal égratigne à tours de bras une société hongroise et se joue des clichés de l’Europe de l’Est en mettant en avant des personnages sales, douteux, qui ressemblent plus à des sans-abris qu’à des contrôleurs de métro. Il pousse même le vice jusqu’à faire des parallèles avec les nazis et leur insigne rouge.

Le métro, l’enfer

Avec une telle ambiance et de tels personnages, on comprend aisément pourquoi le gouvernement hongrois a voulu mettre un petit message d’alerte avant le film. Mais il faut aussi reconnaître que le film est une immense métaphore autour du personnage de Bucsu, complètement perdu et incapable d’aller à la surface. On voit que le protagoniste est bloqué dans cet endroit et qu’il n’arrive pas à se sortir de sa condition. Il vit un enfer, en enfer, aux côtés de personnages qui lui font du mal. Mais il prend cela comme une punition méritée, d’autant plus que l’on apprend qu’il a échoué dans sa vie professionnelle, alors qu’il avait les moyens de faire bien plus. Le réalisateur utilise alors le métro et les sous-sols comme un purgatoire duquel il est complexe de se sortir. Et tous les autres personnages ne sont finalement que le reflet d’une humanité à la dérive.

Histoire de peaufiner sa métaphore, Nimrod Antal va utiliser à bon escient tout ce que le métro lui offre en termes de décors et d’éclairage. Ainsi, la mise en scène va être inspirée, avec des plans qui sont sublimes alors même que les murs sont gris et les néons blafards. Ce qui rend cela beau est tout simplement le message que cela renvoie. Le réalisateur en fait des plans iconiques autour du personnage de Bucsu, qui se retrouve complètement bloqué dans un univers glauque, sale, terne. Certaines images restent longtemps en tête, comme ce fameux moment où le « héros » se trouve face à une impasse, avec deux gros néons blancs qui éclairent un mur gris. Il y a des choix esthétiques qui sont intéressants, et qui ne sont pas innocents, renforçant un aspect infernal qui sied parfaitement à l’aventure.

Tortueux

En fait, le seul défaut de Kontroll, c’est clairement son scénario qui part parfois dans tous les sens, qui a du mal à trouver un fil rouge conducteur. Il y a une certaine redondance dans le film qui s’installe, avec les journées de travail où l’on retrouve les mêmes personnages qui ne veulent pas payer leur ticket, et le soir, avec la vie secrète de Bucsu, qui cherche un sens à sa vie. On aura alors droit à des courses à pied dans le métro et la recherche d’un tueur mystérieux. Sauf que cette recherche se perd dans les errances de Bucsu, et dans les rencontres qu’il peut faire. L’aspect thriller s’efface progressivement pour laisser place à une sorte de drame infernale, présentant un métier ingrat et des gens qui le sont tout autant. C’est brouillon, et c’est sûrement le point faible du film, qui peut faire décrocher certains spectateurs.

Au final, Kontroll est un premier film ambitieux et réussi. Nimrod Antal fait preuve d’une grande maturité en plongeant le spectateur dans un univers crédible et infernal, où l’image est aussi importante que l’histoire. Si on peut regretter un scénario un peu nébuleux qui part dans tous les sens, force est de constater que cette métaphore de l’enfer et de cet homme enfermé malgré lui dans un contexte ignoble est vraiment bien fichue et intéressante. Peignant une société qui part à vau l’eau et baignant son film dans une sorte de déchéance sociale, le cinéaste hongrois montre un savoir-faire impressionnant, ce qui le propulsera, peut-être un peu trop vite, dans les tentacules d’un Hollywood affamé.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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