avril 26, 2024

Brav – Error 404

brav-pochette

Avis :

Parmi tous les médiums permettant une expression accrue de son point de vue, la musique est l’un des plus expansibles et des plus reconnus. Mise en musique de poème, textes intimistes ou arpentant le chemin sinueux des remises en question sociétales, la chanson a toujours permis de donner un crédo à certaines personnes, un chemin à suivre ou à éviter. Et parmi tous les genres, le rap fait office de genre favori, notamment grâce à une écriture ciselée et des jeux de mots permettant une poésie que l’on retrouve mal dans d’autres styles, privilégiant soit la prouesse technique, soit l’aspect mercantile de la chose. Bien entendu, le rap n’est pas épargné par les guignols qui en profitent pour passer des messages nauséabonds à grands renforts d’images sulfureuses et d’armes à feu, mais parfois, on peut tomber sur des gens bien, qui évitent avec brio le côté commercial du rap et l’image vindicative trop souvent adulée par la jeune génération. En ce sens, Brav fait résolument partie des immanquables, de ceux qui ont non seulement une plume mais aussi et surtout une sensibilité à fleur de peau sans jamais tomber dans un misérabilisme profond. Originaire du Havre, le jeune rappeur sort son premier album en 2015 avec Sous France et enchaine rapidement avec un deuxième skeud conceptuel, Error 404, qui va montrer toute l’étendue de son talent et l’importance de son message.

L’album est pensé comme un bug informatique. En ce sens, il faut comprendre que toutes les chansons durent exactement 4 minutes et 4 secondes afin d’obtenir le nombre 404 à chaque fois, référence à l’erreur que l’on retrouve parfois sur nos maudits ordinateurs. Seule l’avant-dernière chanson double son temps d’écoute. Si l’idée est bonne et pleine de bonne volonté, il y a tout de même un léger revers de médaille, c’est que parfois, on sent que les morceaux auraient gagné à être moins longs, la fin de certains titres sentant parfois le remplissage mélodique alors qu’il n’y a pas vraiment grand-chose à raconter. Mais cela reste clairement un détail tant l’album brille par sa qualité d’écriture et de composition et reste à mille lieues de ce qu’il se fait aujourd’hui. Commençant avec Revolving, Brav annonce la couleur d’un album gris, triste, cynique, mais très mélodieux. Loin des boîtes à rythme qui font les mauvais jours d’un rap mercantile, le rappeur préfère s’accompagner d’un piano et d’un minimalisme qui fait mouche à chaque fois. Ou quasiment. Si l’on veut être vraiment critique, il est vrai que parfois, certains titres demeurent moins percutants que d’autres, l’instar de Bagarrer ou En Attendant, qui, même s’ils restent de très bons morceaux, sont plus calibrés et moins originaux.

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Néanmoins, juger sur simplement une paire de titres serait de mauvaise foi, surtout que tout le reste est bien au-dessus du niveau actuel, aussi bien dans les textes que dans cette volonté de dégager quelque chose d’intelligent, et finalement, malgré une certaine morosité, un message plutôt positif. Si Revolving est très sombre, le rappeur rebondit avec Error 404, titre à l’écriture ahurissante et détruisant de manière cohérente notre rapport aux écrans et aux réseaux sociaux. Entre une voix rappeuse, un texte rageur et une mélodie mélancolique, l’artiste fait mouche. Mais ce n’est pas tout, en dehors des textes sociaux, Brav s’attaque aussi à l’amour avec Marla Singer, une magnifique ode pour une femme qui doit vraiment valoir le coup et il démontre avec Intro (Anomalie) que tous les codes que l’on connait ne rentrent plus dans une société de plus en plus inhumaine et insensible. Enfin, difficile de passer outre Post Scriptum, un long titre dépassant les huit minutes et qui est d’une finesse incroyable, simplement accompagné d’un piano et de quelques violons. En fait, la force réelle de Brav, c’est qu’il officie dans un rap dénonciateur, mais sans jamais être trop violent dans le choix de ses mots et ne prônant jamais une réponse par la violence. C’est fin, c’est clair et c’est tout simplement intelligent dans la façon de faire, ne prenant pas l’auditeur pour un crétin et lui donnant matière à réflexion. D’autre part, le rappeur trouve toujours le juste milieu pour faire un rap bien scandé et intégrer des refrains doux, adoucissant le propos, mais réussissant toujours à marquer les esprits.

Au final, Error 404 est un album brillant et parfaitement exécuté. Il est tellement puissant que l’on pardonne aisément les quelques scories propre au concept, rallongeant inutilement certains titres. Possédant une écriture ciselée, des messages importants et touchants, Brav fait résolument partie des rappeurs importants du moment, que chaque jeune devrait écouter afin de sortir de la bêtise d’autres rappeurs faisant l’apologie de la violence dans un déluge d’autotune et de fautes d’orthographe. Bref, Error 404 est un véritable coup de cœur dans le milieu du rap qui mérite à être plus connu.

  1. Revolving
  2. Delirium Tremens
  3. Error 404
  4. Raoni
  5. Intro (Anomalie)
  6. Marla Singer
  7. Seigneur
  8. En Attendant
  9. Bagarrer
  10. 25 Minutes
  11. Préviens les Autres
  12. Post Scriptum
  13. I Hate Love (Acoustic)

Note : 19/20

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=mrXTBS0F3cE[/youtube]

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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