De : Joel et Ethan Coen
Avec Jeff Bridges, John Goodman, Steve Buscemi, Julianne Moore
Année: 1998
Pays: Etats-Unis
Genre: Comédie
Résumé:
Jeff Lebowski, prénommé le Duc, est un paresseux qui passe son temps à boire des coups avec son copain Walter et à jouer au bowling, jeu dont il est fanatique. Un jour deux malfrats le passent à tabac. Il semblerait qu’un certain Jackie Treehorn veuille récupérer une somme d’argent que lui doit la femme de Jeff. Seulement Lebowski n’est pas marié. C’est une méprise, le Lebowski recherché est un millionnaire de Pasadena. Le Duc part alors en quête d’un dédommagement auprès de son richissime homonyme…
Avis:
La filmographie des frères Coen est remplie de films devenus cultes au fur et à mesure des années. Si Fargo est certainement le point culminant des deux frères, d’autres films ont marqué les cinéphiles, à l’image de The Big Lebowski. Métrage surestimé pour certains, cette comédie douce-amère est un chef d’œuvre pour de nombreuses personnes, notamment à cause de la philosophie du personnage principal, le Duc. Mais au-delà de ça, le film reste dans la veine de ce que savent faire les frères Coen, c’est-à-dire dresser des personnages hauts en couleur dans une histoire rocambolesque tout en critiquant de manière fine un système corrompu et des personnes prêtes à tout pour de l’argent.
Jeff Lebowski est un branleur invétéré qui n’a pour seul passion le bowling et le White Russian. Un beau jour, il se fait casser la gueule à cause des ardoises laissées par sa femme. Le problème, c’est que Jeff Lebowski, que l’on surnomme le Duc, n’a pas de femme et encore moins d’argent. Il s’aperçoit alors qu’il possède un homonyme, un riche homme d’affaires. Poussé par son meilleur ami, il décide d’aller voir ce riche personnage pour se faire rembourser son petit sur lequel l’un des deux voyous a pissé. Mais lorsque la femme du vrai Jeff Lebowski se faire kidnapper, le riche homme fait appel au Duc pour transporter l’argent de la rançon.
Les frères Coen se sont essayés à de nombreux styles et leur parcours est quasiment un sans faute, surtout si l’on excepte A Serious Man, qui était fort chiant. Comédie déjantée, The Big Lebowski fait plusieurs références au cinéma des deux frères avec toutes les caractérisations qui font leur art. Ainsi, un énorme travail a été apporté sur les personnages qui sont tou très bien travaillés et recherchés. Alors effectivement, on tombe souvent dans la surenchère mais ce n’est pas pour rien. Le Duc est le personnage central du film, celui que l’on voit dans tous les plans. Il est l’homme le plus cool du monde, qui ne se prend la tête pour rien et qui vit sa vie comme il l’entend. Mais sa philosophie va en prendre un coup lorsqu’il se voit à la tête d’une grande responsabilité, la vie d’une personne. Bien entendu, la force du film est de continuer à le rendre cool malgré les situations et tous les dialogues sont savoureux. Son meilleur ami, un homme qui s’est converti au judaïsme, est un ancien de l’armée et demeure son antagonisme. Tout le temps sur la brèche, tout le temps sur les nerfs, il est l’opposé du Duc, mais reste terriblement attachant par ses choix et ses convictions. Ainsi, aucun personnage, dans l’entourage du Duc ne sera détestable, bien au contraire, à l’image de Donny, un homme discret, timide, et qui se fait rabrouer à chaque fois qu’il parle.
Mais le duo n’oublie aussi le côté versatile de l’être humain avec des personnages hautement détestables. Ainsi, le Jeff Lebowski version millionnaire est une ordure, maltraitant les hommes plus faibles que lui et ayant un rapport maladif avec la réussite et l’argent. On pourra aussi voir son ex-femme, Maud, un dominatrice et artiste qui ne croit qu’en son art et qui vit dans son monde. Le personnage est résolument odieux et montre sa volonté de dominance en faisant un enfant tout seul dans le dos du Duc. On peut aussi citer tous les personnages secondaires, ami comme majordome, qui sont résolument des profiteurs et des gens dénués de toute réalité. Les nihilistes sont eux aussi affreux, bien que drôles par bien des aspects.
D’ailleurs, quand on y réfléchit deux minutes, The Big Lebowski est non seulement un film critiquant le système et l’argent, mais aussi la religion et les croyances. On peut voir les nihilistes comme des hommes dangereux, prêt à tout pour de l’argent. Si dans un sens ce sont des gens qui ne croient en rien, on sent bien que le nihilisme est perçu comme une forme de religion. Ensuite, on peut voir une critique assez drôle du judaïsme (et des autres religions par extension) lorsque le personnage du juif, meilleur ami du Duc, refuse de jouer au bowling un samedi car c’est Shabbat et qu’il ne doit rien faire, même conduire. Fort heureusement, il va aller au-delà de ses croyances pour aider son meilleur ami, non sans réticence. Et comment ne pas voir une allégorie au christianisme et aux polémiques de pédophilie avec le personnage de Jesus (exceptionnel John Turturro), un personnage hilarant mais possédant un passé difficile.
Au niveau de la réalisation, on regrettera quelques passages hallucinés, notamment lorsque le Duc rêve et que l’on voit les effets spéciaux (on est en 1998), même si ces passages sont très drôles, avec de nombreuses allusions au sexe.
Au final, The Big Lebowski est un très grand film des frères Coen. Le film a tellement eu de succès et de fans, que la philosophie du Duc s’est vue adoptée par une église (surement parodique) qui annonce 160 000 prêtres en 2012. Il s’agit d’une comédie merveilleuse où les dialogues ont une importance capitale et où chaque acteur est incroyable (John Goodman est formidable, Jeff Bridges est incroyable, sans parler de Philip Seymour Hoffman, Julianne Moore ou encore Steve Buscemi). Une des rares comédies à ne pas se reposer sur des gags enfantins ou sur des rapports au sexe. Quasiment vingt ans plus tard, cette comédie reste autant d’actualité et puissante.
Note : 19/20
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Par AqME