Avis :
Quand on évoque le mot Fauve, on pense de suite aux félins et on s’attend à une musique chaude mais aussi assez rapide et agressive. Sauf que lorsque l’on s’intéresse un tant soit peu à la musique, on ne peut passer à côté du succès fulgurant de ce groupe qui est en fait un collectif. Chose très rare dans le domaine artistique ayant du succès, Fauve a un gout pour le mystère et l’anonymat et met tout le temps en avant son aspect collectif. Le plus connu demeure le groupe qui est composé de quatre musiciens, mais le collectif est composé aussi de vidéastes, graphistes et comédiens. Fondé en 2010 et ayant un succès via les réseaux sociaux, Fauve enchaîne les bonnes nouvelles et s’est vu à la tête de plusieurs gros festivals cet été. S’axant autour d’un rap/slam que le collectif qualifie de Spoken Word, on ne peut pas dire que le groupe soit mauvais, loin de là, mais il y a une grosse transgression entre le style et l’image véhiculée par le groupe. Voulant se la jouer rappeur intello, on obtient un mélange assez désagréable de pensées totalement vides, de prise de conscience de petit bourgeois qui n’a rien à dire sauf à enfoncer des portes ouvertes. Ainsi, le groupe essaye d’échapper à son image toute propre en proposant une musique entre Stromae et Benjamin Biolay, en gardant le plus mauvais des deux, c’est-à-dire des textes lénifiants et déshumanisés avec un pseudo rap décérébré. Mais tout n’est pas à jeter dans l’album.
Le skeud s’ouvre sur un long titre de plus de six minutes. Voyou reprend en fond un morceau de musique classique et le chanteur en profite pour poser ses confidences à sa petite amie. Si le flow est plus que correct et que musicalement ça tient la route, on sera plus à même de rire devant les paroles. En effet, le chanteur le dit lui-même, il n’a jamais fait de mal à personne mais c’est un voyou. Difficile de donner un quelconque crédit à ce moment-là aux paroles. On a vraiment l’impression d’être face à un sale gosse qui fait un caprice et qui sera incapable d’exploser complètement, contrairement ce qu’il dit (il se compare à une bonbonne de gaz dans une cheminée). Néanmoins, le titre passe grâce à une musicalité bien sympathique. C’est alors que surgit Requin-Tigre, un titre anecdotique, avec une sorte de voix-off qui semble issu d’un quelconque film. On a plus l’impression d’assister à un extrait de film qu’à un vrai morceau et ce n’est pas tellement intéressant. Arrive alors Jeunesse Talking Blues et le titre possède les mêmes défauts que le premier morceau. On a une belle ligne de basse, de vrais instruments, ce qui change des sempiternelles boîtes à rythmes que les rappeurs adulent. Mais encore une fois, les paroles sont à côté de la plaque, essayant de faire de la poésie de comptoir, mettant en avant tout le mal être que peut ressentir un jeune face à la société actuelle. Le problème, c’est que l’on a l’impression que c’est totalement impersonnel et ne concerne finalement que le chanteur extériorisant son mal-être et excluant ainsi l’auditeur. On aura droit à un petit interlude avec Rag #3 qui est assez pénible, casse le rythme et montre toute la prétention du groupe avec des paroles navrantes de débilité. C’est alors qu’arrive le meilleur titre du skeud. Infirmière est un joli texte, bien écrit et bien structuré. La musique de fond est très bonne aussi, instaurant une ambiance chaude avec une gratte bien présente et une batterie discrète mais parfaite. Le refrain chanté rentre bien tête et c’est plutôt agréable.
Arrive alors le morceau De Ceux. Et là, on ne peut qu’être dubitatif devant le titre. Encore une fois, l’instrumentalisation est excellente et tient vraiment la route. Mais les paroles sont affligeantes, elles sont la démonstration d’un égoïsme incroyable et surtout d’un égo démesuré. Le vrai point faible du groupe tient à ces paroles qui sont à l’image du pauvre bourgeois parigot qui essaye d’exister dans l’ombre de ses parents. Rag #4 est un autre petit interlude qui n’a que peu d’intérêt et dont on se passera volontiers. Tunnel est un titre qui tient presque plus de l’instrumental puisque l’intro dure plus de deux minutes. C’est alors que l’on entend une voix féminine qui raconte une histoire sombre, relativement pessimiste et qui n’aura que peu d’impact à cause de la monotonie de la voix. Ici, le titre tient plus de la note d’intention que du vrai morceau de musique et il ne restera pas en tête. C’est alors qu’arrive enfin Vieux Frères, un morceau tout en piano et qui monte crescendo avec de la guitare, avec des couplets qui démarrent tous par « Vieux Frères ». Si l’instru est nickel, on ne peut pas en dire autant, encore une fois, des paroles qui sont d’une grande mégalomanie et qui en deviennent inintéressantes. Heureusement pour l’auditeur, Lettre à Zoé est un autre bon morceau du skeud. La guitare est parfaitement mélodique, et pour une fois, les paroles ne cherchent pas forcément la complexité et l’étalage de bonne éducation dans un milieu qui tient plus de la faute de syntaxe que du vingt sur vingt en dictée. L’ensemble est propre, le refrain chanté est bien trouvé et rentre bien en tête. Une belle réussite. L’album se termine sur Loterie, un morceau de rap presque classique, qui reste agréable sans pour autant révolutionner quoi que ce soit.
Au final, Vieux Frères Partie 1, le premier album de Fauve est une déception et ne mérite surement pas autant le succès qu’il a écopé. Profitant de deux morceaux bien torchés et d’un buzz sur un genre à peine nouveau, on se retrouve avec un hybride entre Grand Corps Malade, Stromae et Benjamin Biolay, donnant un enfant flou, qui se cherche et qui ne pense qu’à sa propre personne. Un album un brin mégalo qui essaye de donner des leçons de français au rap classique mais qui se perd dans une prétention inutile et dans des rythmes bien trop lents. Même si tout n’est pas mauvais, il faudra m’expliquer ce si grand succès.
- Voyou feat Georgio
- Requin-Tigre
- Jeunesse Talking Blues
- Rag #3
- Infirmière
- De Ceux
- Rag #4
- Tunnel
- Vieux Frères
- Lettre à Zoé
- Loterie
Note : 07/20
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Par AqME