
Avis :
Ne plus avoir aucun membre d’origine dans son groupe, c’est presque monnaie courante dans le métal. Entre des personnes qui ne s’entendent plus, des divergences musicales, ou encore des rythmes de tournées qui pèsent sur les vies de familles, il est presque normal d’avoir des turnovers au sein des formations. Si on couple à cela les difficultés financières dans un genre de niche pour les « petits » groupes, forcément, les changements de line-up au fil des ans sont inévitables. Et quand le changement se fait membre après membre, il n’est guère étonnant qu’au bout d’un moment, ledit groupe n’a plus personne d’origine. C’est le cas par exemple des suédois de chez Manegarm. Groupe de Black/Folk qui narre des bagarres vikings, Manegarm se fonde en 1995 sous le nom d’Antikrist avant de choisir son nom définitif en hommage aux loups de la mythologie scandinave.
Avant même que le groupe ne sorte la moindre démo, deux membres décident de voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Ils sont alors remplacés au pied levé, puis en 2010, le batteur passe à la basse et laisse donc sa place à un camarade. D’ailleurs, ce batteur devenu bassiste est aussi le chanteur du groupe, et être debout est sans doute plus facile pour faire quelques chants vikings. Bref, tout ça pour dire qu’avec tous ces changements, Manegarm reste quand même actif, et se permet même de sortir des albums de façon régulière. Edsvuren est d’ailleurs le onzième album de la formation suédoise, et il arrive trois ans après le précédent opus, ce qui semble être le rythme de croisière du trio. Un trio qui carbure fort, avec une galette puissante et douce, qui embrasse pleinement le Black et la Folk dans un mélange osmotique.
Tout commence avec I Skogsfruns Famn, et on ne peut faire plus classique comme entrée en matière. Le titre est un mélange de Black énervé à grands coups de blast, avec un chant crié typique, puis on se retrouve avec plusieurs breaks de zinzin où le chant clair est de mise, ainsi que des instrus folks fortement plaisantes. L’ensemble nous emporte en plein cœur d’un camp viking, entre disputes viriles et moments plus gracieux, voire joyeux. Non content de nous avoir attraper avec ce premier morceau, le groupe revient à la charge avec Lögrinns Värn, un titre plus court, plus concis, mais qui arrive à trouver le parfait équilibre entre un Black maîtrisé, et un aspect folk en arrière-plan qui tient bien la route. Et que dire du refrain qui reste un long moment en tête, même si on ne comprend rien à ce que l’on chante.

En Blodvittneskrans est un morceau qui tient bien la route aussi, mais avec un côté plus lumineux. Alors certes, on a toujours envie de partir à la conquête des terres chrétiennes avec ce titre, mais il s’en dégage une certaine joie qui n’est pas forcément présente dans les deux morceaux précédents. Puis après cela, on a droit au bruit des vagues, et à la ballade folk Rodhins Hav chanté par Ellinor Videfors. Cette pause bucolique permet de mettre en avant une autre facette du groupe, qui essaye de nous conter une véritable épopée, avec sa hargne, mais aussi ses moments de pause. C’est doux, et c’est parfaitement maîtrisé. Till Gudars Följe sera un titre acoustique et purement Folk qui permettra alors au titre suivant de bien nous rentrer dans le lard. En Nidings Dad est un long titre de plus de six minutes qui prend des allures de Post-Black.
Le groupe prend alors son temps pour fournir un morceau à la fois mélancolique et puissant, où les instruments folkloriques côtoient les riffs saturés des grattes et le chant crié. Forcément, les émotions sont décuplées, et on prend un plaisir monstre à l’écoute. Hör Mitt Kall sera un titre un peu plus transparent. Plus court, le morceau demeure plaisant, mais il ne marque pas comme le reste. Heureusement, I Runor Ristades Orden nous touchera en plein cœur. Cette ballade est une réussite sur tous les points, et c’est tout simplement magistral. De plus, cela donne du mordant au morceau-fleuve Skild Fran Hugen, du pur Viking Metal, grandiloquent, puissant et plein de nuances. Likgökens Fest s’insinuera alors dans un délire Post-Black puissant, alors que Edsvuren sera plus doux et siérait magnifiquement à un film de viking. Ofredsfylgjor clôture alors l’ensemble sur une instru profonde et poignante.
Au final, Edsvuren, le dernier album de Manegarm, est une superbe réussite, oscillant constamment entre Black, Post-Black, Folk et Viking métal. Trouvant un parfait équilibre entre tous les genres, les suédois offrent une galette de grande qualité, à la fois percutante et touchante, jouant sur les textures, et donnant une furieuse envie de mettre une peau de bête sur le dos et partir sur un drakkar à la conquête de terres à piller. Bref, une excellente surprise !
- I Skogsfruns Famn
- Lögrinns Värn
- En Blodvittneskrans
- Rodhins Hav
- Till Gudars Följe
- En Nidings Dåd
- Hör Mitt Kall
- I Runor Ristades Orden
- Skild Från Hugen
- Likgökens Fest
- Edsvuren
- Ofredsfylgjor
Note : 17/20
Par AqME