
De : Charlie Steeds
Avec Derek Nelson, Makenna Guyler, Kane Surry, Tim Cartwright
Année : 2023
Pays : Angleterre
Genre : Horreur
Résumé :
Lors d’une mission audacieuse, une équipe de sous-marins de haute mer découvre une ouverture mystérieuse au fond de l’océan. L’équipage s’engouffre dans la faille et se retrouve face à un monde sous-marin perdu peuplé d’êtres venus d’un autre monde…
Avis :
L’œuvre de Lovecraft présente un caractère intemporel dont la portée n’a de cesse de fasciner. Elle s’est déclinée sous tous les formats culturels, dont le septième art. Si l’on compte de nombreuses adaptations, plus ou moins libres, peu d’entre elles sont parvenues à retranscrire l’ambiance si particulière des histoires du maître de Providence. De mémoire, on peut toutefois évoquer La Malédiction d’Arkham, La Couleur tombée du ciel ou The Void. Avec un budget modeste, ce dernier constituait une véritable surprise, nanti d’une atmosphère dérangeante. Aussi, il n’est pas invraisemblable d’entrevoir un potentiel similaire avec Gods of the Deep, du moins dans les intentions…

Sur le papier, le principe demeure intéressant. Le scénario s’appuie sur un prétexte intrigant pour organiser une expédition dans les abysses, en Antarctique. D’emblée, on distingue plusieurs occurrences à Lovecraft, sans toutefois nommer les références de manière explicite. Les nombreux clins d’œil tiennent à des patronymes, plus ou moins éloignés de leurs histoires respectives ou des repères géographiques auxquels ils s’attachent. Quant au cœur du récit, il est aisé d’y entrevoir les fondamentaux propres au mythe des Grands Anciens, en particulier Cthulhu et Dagon. Bref, le film de Charlie Steeds s’amorce sur des bases saines, encore faut-il parvenir à déployer les moyens nécessaires pour décrire un huis clos maritime à 11 000 mètres de profondeur.
« un casting d’amateurs, inaptes à traduire une émotion »
L’incapacité du réalisateur à s’affranchir de sa patine miséreuse envoie par le fond ses ambitions initiales. On ne s’attardera guère sur un casting d’amateurs, inaptes à traduire une émotion ou un comportement de manière adéquate. Au-delà d’une interprétation improvisée et sans allant, les dialogues sont d’une pauvreté abyssale. Il faut se contenter de réparties convenues et sans intérêt. Il aurait été préférable d’instaurer des silences embarrassants plutôt que de débiter des propos où l’évidence même se pare des atours de l’incongruité. Bien qu’il demeure involontaire, le résultat n’en reste pas moins déplorable dans la narration et la progression de l’intrigue. Pourtant, celle-ci ne manque pas de rythme.
Il est d’autant plus dommage que le récit présente une dimension psychologique qui n’est pas pour déplaire. À l’enthousiasme d’une découverte scientifique sans précédent, on bascule vers des considérations impensables pour l’esprit humain. Indissociable de son homologue littéraire, cet aspect marque une descente graduelle dans les affres de la folie. Il s’agit du seul point notable du film. Cette propension à multiplier des comportements aberrants, à sombrer dans des tourments où l’existence matérielle en devient futile, sinon risible. L’aliénation se présente à différentes strates de démence auprès de chaque protagoniste. Là encore, la forme pour traduire cette orientation vient annihiler toute initiative louable.
« il est difficile d’éprouver le sentiment d’oppression qui émane du cadre. »
En l’occurrence, il est difficile d’éprouver le sentiment d’oppression qui émane du cadre. Les espaces du sous-marin sont beaucoup trop vastes pour suggérer une quelconque claustrophobie. Par ailleurs, l’engin ne semble guère soumis aux lois de la physique, en particulier sur la pression de l’eau. Une seule des nombreuses avaries rencontrées aurait dû suffire à le couler ou provoquer une implosion. Cela étant dit, on observe des éléments de décors douteux, comme ce rideau de perles à l’entrée du laboratoire ou ces moniteurs issus d’un autre âge. Plus que de finitions, l’ensemble manque de cohérence. Afin de dissimuler l’indigence de l’entreprise, le cadrage reste assez restreint pour réduire les perspectives du public.

Au final, Gods of the Deep demeure un film raté, réalisé sans grande conviction. Le pitch de départ aurait pu amener à un huis clos maîtrisé, et ce, en dépit des moyens malingres déployés. Très vite, on assiste à un spectacle qui a tendance à sombrer dans l’absurde et la simplicité, exception faite d’une folie contagieuse qui gagne progressivement l’équipage. On s’empêtre alors dans les affres de la série Z, tant la mise en scène et l’interprétation s’avèrent catastrophiques. La reconstitution du sous-marin fait peine à contempler, tandis que le déroulement de l’histoire s’oriente davantage vers une approche décérébrée, reléguant les quelques intentions louables au rang de promesses non tenues. L’immersion n’est guère au rendez-vous, encore moins dans les tréfonds des abysses pour entrevoir l’indicible.
Note : 07/20
Par Dante