mai 17, 2024

The Void – Hommage Lovecraftien

De : Jeremy Gillespie et Steven Kostanki

Avec Aaron Poole, Ellen Wong, Kathleen Munroe, Kenneth Welsh

Année : 2017

Pays : Canada

Genre : Horreur

Résumé :

Un agent de police découvre un homme ensanglanté sur une route déserte et l’emmène en urgence à l’hôpital. Rapidement d’étranges individus entourent le lieu et les patients commencent à devenir fou. Le policier va alors découvrir, à l’intérieur de l’hôpital, une porte vers un monde démoniaque.

Avis :

Il existe tellement de métiers au sein du septième art que parfois, on ne sait plus trop qui sert à quoi. Mais tous ces corps de métier sont réunis autour d’une même passion, le cinéma, et bien souvent, cela donne envie de passer derrière la caméra pour réaliser ses propres films. C’est le cas pour Steven Kostanki et Jeremy Gillespie. Le premier commence tout d’abord comme maquilleur (pour The Divide de Xavier Gens) et producteur, avant de prendre la plume pour écrire des scénarios et réaliser. Le second débute comme assistant directeur technique sur le film Wolves, avant de rejoindre le premier pour écrire et réaliser des films spécialement horrifiques. Mais horrifique dans le sens potache du terme, avec un amour inconditionnel pour le trash et le gore.

Comme on le sait, ce sous-genre est souvent dénué de scénario, et si Steven Kostanki a fait un faux pas avec Leprechaun Returns, il se rattrapera avec le délirant Psycho Goreman, deux films qu’il réalisera en solo, se détachant de Jeremy Gillespie. Mais revenons plutôt à notre duo qui, avant cela, proposait un premier film d’horreur, Father’s Day, avant de plonger dans une horreur lovecraftienne qui n’a pas forcément bonne presse, et pourtant. The Void est un film d’horreur comme on en fait rarement aujourd’hui. C’est-à-dire qu’il s’agit d’un film radical, sale et méchant, qui s’octroie le droit d’utiliser des effets spéciaux artisanaux pour plonger le spectateur dans une vision infernale. Crasseux et mystérieux, The Void est un film intéressant à plus d’un titre.

« The Void va devenir un huis-clos infernal. »

Le long-métrage débute avec une séquence étonnante et relativement violente. Des coups de feu résonnent dans une maison, un homme et une femme en sortent en courant, et deux hommes les pourchassent, touchant la femme au dos et lui mettant le feu. L’homme réussit à s’enfuir dans la forêt. Ce démarrage pose un contexte assez curieux, puisque juste avant de proposer le générique de début (à l’ancienne), on aperçoit un type masqué en tenue blanche avec un triangle noir tracé sur le visage. Evoquant aussi bien le Ku Klux Klan qu’une secte sataniste, on ne sait pas trop sur quel pied danser, les deux réalisateurs jouant sur une ambiance délétère et une violence qui semble crue.

Par la suite, on va se trouver au plus près d’un flic désabusé, mais qui veut bien faire son travail. Il tombe alors sur le type qui s’est échappé de la maison, et il décide de l’amener à l’hôpital du coin, même si le lieu est un peu insalubre, suite à un incendie. Sur place, tout ce petit monde est pris en charge par un médecin, deux infirmières de garde et une stagiaire. Alors que le flic tente d’élucider l’affaire concernant l’homme blessé qu’il vient d’amener, un groupe de cultistes encercle l’hôpital, empêchant tout le monde de fuir, et l’une des infirmières perd les pédales, tuant un patient à coup de ciseaux, avant de se transformer en un monstre tentaculaire. A partir de là, The Void va devenir un huis-clos infernal, transformant l’hôpital en neuvième cercle des enfers.

« The Void possède un fond assez inattendu et plutôt plaisant. »

Car oui, le film va petit à petit tisser des éléments qui évoquent Lovecraft et ses cultistes qui veulent faire revenir les grands anciens. On aura droit à du monstre dégueulasse, mais aussi à une intrigue qui joue sur les souvenirs et les remords de ses personnages, ainsi qu’à une réflexion assez intéressante sur le deuil, et la perte d’un être cher, à savoir une fille ou un fils. De ce fait, en jouant sur ses sentiments, The Void possède un fond assez inattendu et plutôt plaisant. Les deux réalisateurs ne font pas du gore pour du gore, ou un simple hommage à un maître de l’horreur. Ici, chaque personnage se bat pour ses convictions, quitte à signer un pacte avec des forces démoniaques et que l’on ne maîtrise pas.

Si les personnages sont parfois caricaturaux, à l’image de ce flic qui se bat pour ressembler à son père, ils sont assez empathiques, même si on sait que certains ne seront que de la chair à canon pour nourrir un body count qui sera tout de même assez élevé. Et puis il y a cette relation ambigüe entre le flic et l’une des infirmières, où l’on sent bien une histoire d’amour passée, dont la perte d’un bébé a ruiné tous les espoirs. Très clairement, le film a peut-être des défauts d’écriture sur certains protagonistes, mais il fait l’effort de créer de l’épaisseur pour nombre d’entre eux, montrant surtout leurs démons du passé et leur incapacité à faire le deuil, d’un être cher ou d’un amour perdu.

« On en ressent toutes les références à des maîtres du genre comme Lovecraft ou Barker. »

Mais la grande force du film réside bien évidemment dans sa technique et sa forme. Conscient du petit budget alloué, le duo de réalisateurs décide alors de n’utiliser que des animatronics pour créer un bestiaire démoniaque. Cela évite l’emploi de CGI dégueulasses, mais surtout, cela impressionne par la qualité des maquillages et des effets spéciaux choisis. Une scène est en particulier marquante, celle où les trois hommes de l’histoire se retrouve dans une pièce rouge, avec des cadavres qui s’animent de tous les côtés. La séquence à un côté Hellraiser et l’un des personnages dit alors qu’il est en enfer, et c’est clairement un emploi parfait pour la situation. C’est gore, c’est sale et méchant, et cela annonce un twist percutant avec l’arrivée du grand méchant dans sa forme finale.

Là aussi, le film ne fait pas de cadeaux aux âmes sensibles, délivrant un bad guy immonde, dont les enjeux sont presque compréhensibles. La créature finale, même si on ressent les quelques couches de latex, demeure saisissante dans son arrivée, et le film ne fait aucune concession, que ce soit dans ses délires gores, ou encore dans la survie de ses personnages. On ne sait pas qui va vivre ou mourir, et l’histoire tient la route, délivrant un nihilisme à toute épreuve. On en ressent toutes les références à des maîtres du genre comme Lovecraft ou Barker, et même si certaines choses sont imparfaites, on ne peut que saluer le travail de dingue derrière les effets spéciaux, mais aussi le scénario qui sort des sentiers battus.

Au final, The Void est un petit film qui a tout d’un grand et qui demande sans doute un minimum de connaissance en matière de littérature horrifique. Si certains risquent d’y voir un film bordélique, sans le sou et qui fait du gore pour faire du gore, d’autres y trouveront toutes les références nécessaires à une horreur cosmique et organique. Le duo de réalisateurs s’affranchit de son faible budget en faisant un véritable travail d’artisan, délivrant alors un long-métrage fort, glauque, écho brillant aux réussites des années 80 et à une vision viscérale des enfers.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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