octobre 9, 2024

Pour la France – Justice Pour Aïssa

De : Rachid Hami

Avec Karim Leklou, Shaïn Boumedine, Lubna Azabal, Samir Guesmi

Année : 2023

Pays : France, Taïwan

Genre : Drame

Résumé :

Lors d’un rituel d’intégration dans la prestigieuse École Militaire de Saint-Cyr, Aïssa, 23 ans, perd la vie. Face à une Armée qui peine à reconnaître ses responsabilités, Ismaël, son grand frère, se lance dans une bataille pour la vérité. Son enquête sur le parcours de son cadet va faire ressurgir ses souvenirs, de leur enfance à Alger aux derniers moments ensemble à Taipei.

Avis :

Depuis qu’il a découvert le cinéma, Rachid Hami a toujours voulu réaliser des films. Enfant de Saint-Denis, il a eu la chance de rencontrer Abdellatif Kechiche et, adolescent très insistant, le jeune Rachid Hami a réussi à convaincre Kechiche de l’engager sur son film, mais pas à la place où il voulait. En effet, Kechiche engage Rachid Hami en tant que comédien sur « L’esquive« , lui expliquant que s’il voulait être réalisateur, il lui fallait comprendre les acteurs et « vivre » comme un acteur. Depuis cette expérience en 2003, la vie de Rachid Hami a été bien remplie, passant à la production aux côtés de Sylvie Pialat, réalisant quelques courts-métrages pour se faire la main, dont un qui aura une certaine renommée, « choisir d’aimer » en 2007. Par la suite, Rachid Hami réalisera son premier film, « La mélodie« , en 2017.

Au milieu de sa vie, Rachid Hami a vécu un grand drame, puisque le réalisateur a perdu son petit frère Jallal Hami, et cette disparition avait fait couler pas mal d’encre à l’époque, puisque le jeune homme a trouvé la mort à Saint-Cyr pendant qu’il y faisait ses classes. De ce triste et terrible drame, Rachid Hami aura pris du temps pour l’exorciser. Dix ans pour en parler, ou du moins pour savoir quoi en faire, si toutefois, il pouvait faire quelque chose « avec ». Plusieurs années pour accepter aussi la possibilité d’écrire, filmer et mettre en scène ce drame.

« Rachid Hami livre un drame humain très touchant. »

« Pour la France » est le résultat d’une partie de ses interrogations, et derrière ça, c’est surtout le film auquel on ne s’attendait pas. De cette histoire ô combien tragique, Rachid Hami va la transformer en un sublime hommage, qui va peindre avec regrets et souvenirs une relation fraternelle. N’allant jamais dans le jugement, ne basculant pas dans le film judiciaire qu’on aurait pu penser trouver, Rachid Hami livre un drame humain très touchant, où les sentiments sont les maîtres-mots aussi bien du passé que du présent, et de l’avenir.

Lors d’une soirée d’intégration à la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr, qui ressemble plus à un bizutage qu’autre chose, Aïssa perd la vie. Dans la famille du jeune homme, ce décès prématuré est une déflagration, d’autant plus que l’armée a bien du mal à reconnaître ses torts et assumer ses responsabilités. Alors que les procédures et les choix autour des funérailles s’enchaînent, le grand frère d’Aïssa, Ismäel, se souvient de son jeune frère et de ce qui les a uni, autant que de ce qui leur a fait prendre des chemins différents…

Lorsque je suis allé voir « Pour la France« , je me suis laissé convaincre par le synopsis qu’on trouvait autour du film. De mon côté, je connaissais l’histoire de Jallal Hami, mais simplement de par ce que j’en avais entendu à la radio et dans les informations. Avec ces deux éléments en poche, je pensais alors me trouver devant un film judiciaire, qui allait retracer les faits et les procédures et autres procès qui allaient suivre. Et c’est avec étonnement que Rachid Hami s’est aventuré autre part avec cette histoire. Alors que je pensais trouver un film en colère, le réalisateur a livré tout autre chose, et ce fut bien mieux, et surtout bien plus touchant.

« C’est une déclaration d’amour à un frère disparu trop tôt. »

« Pour la France » est un film très riche et complet. « Pour la France« , c’est une déclaration d’amour à un frère disparu trop tôt. Construit de manière cyclique, faisant des allers-retours entre le présent et le passé, Rachid Hami a écrit un scénario très juste, qui fait la part belle aux souvenirs. Des souvenirs qui sont empreints d’histoires, de regrets, de remords, mais aussi de joie et d’amour. « Pour la France« , c’est un film qui prend le temps de raconter le drame, et une partie des procédures qui ont suivi, avec d’un côté les derniers adieux, et de l’autre, la façon dont l’armée, petit à petit, renonce à ce qu’elle avait pu promettre.

Comme je le disais, de ce côté-là, il n’y a point de colère, même si le réalisateur pointe les injustices et le manque flagrant du corps armé à assumer les conséquences de ses actes et traditions. Mais derrière ça, le réalisateur ne tombe pas dans l’écueil de la revendication, bien au contraire, en pesant toutes les nuances de son récit, en pesant les mélanges de ces cultures, en pesant les droits et les devoirs de ses personnages, en pesant l’héritage, Rachid Hami adresse une belle et triste déclaration d’amour à la France, son pays d’adoption et plus loin encore de cœur.

Puis comme je le disais aussi, en parallèle de ça, dans les souvenirs, alors que le drame est terrible, Rachid Hami nous entraîne avec tendresse et émotion dans des histoires vécues et volées. Des histoires qui peuvent être terribles (toute la partie en Algérie), mais aussi et surtout des histoires qui sont belles, empreintes d’aventures, de sourire, de réunions de famille, de culture et surtout d’une relation de frères qui se construit. Certes, parfois, il peut y avoir des engueulades, des incompréhensions, des jugements, mais au fond, c’est bien de l’amour dont il est question. Un amour qui prend une ampleur plus dramatique avec le drame qui surviendra deux ans plus tard. En fait, ces moments partagés, notamment à Taipei, résonnent avec beaucoup de force, lorsque l’on sait déjà ce qui va se passer. Avec ce drame à venir, « Pour la France » nous fait prendre la mesure de chaque instant. Il faut prendre le temps de vivre, car la mort arrive vite.

« Le réalisateur a fait le choix de l’amour face à la colère. »

Si les émotions passent aussi très bien dans ce film, c’est grâce à la force de ses personnages et des acteurs qui les incarnent. Ici et là, on trouvera Lubna Azabal, Samir Guesmi, Laurent Lafitte, Laurent Capelluto, Lyes Salem, Slimane Dazi, mais derrière eux, c’est sans contexte le duo fraternel Karim Leklou et Shaïn Boumedine qui nous emporte. Les deux acteurs sont excellents et tellement touchants de par le regard qu’ils portent chacun sur l’autre, même si parfois, ce même regard peut être froid ou dur.

« Pour la France » est loin du film auquel je m’attendais de manière générale, et plus particulièrement dans l’évocation de ce terrible drame. Intéressant, profond, touchant, généreux dans ses sujets, dans sa culture et son histoire (Le film nous fait voyager entre l’Algérie, la France, Taipei, les banlieues, mais aussi les hautes sphères militaires), intelligent dans sa forme, bien employé, bien construit, ce deuxième film pour Rachid Hami est une belle réussite. Le réalisateur a fait le choix de l’amour face à la colère, et ne serait-ce que pour ça, et la relation superbe entre ces deux frères et comédiens, « Pour la France » se posera comme l’une des meilleures sorties de cette semaine du 8 Février 2023.

Note : 14/20

Par Cinéted

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