
Auteur : Laurent Genefort
Editeur : Albin Michel
Genre : Steampunk
Résumé :
En ce début de XXe siècle où règne l’antigravité, bâtiments, camions, voitures, navires parcourent le ciel. Les majestueux transatlantiques traversent mers et océans puis, une fois la côte atteinte, sont remorqués par des locomotives et se transforment en paquebots transcontinentaux.
En 1923, lorsque l’Agénor appareille et que débute la croisière bleue, la quête de nouveaux gisements de cavorite exacerbe les luttes entre grandes puissances. À bord de l’Agénor, le transcontinental reliant l’Europe aux confins de l’Asie, un meurtre inexplicable a lieu.
Gaspard, agent du Deuxième Bureau français, est chargé de l’enquête. Il ne tarde pas à découvrir que la victime est un espion anglais et que les puissances qui se cachent derrière cet assassinat pourraient bien faire couler l’Agénor et, dans son sillage, le monde ancien tout entier.
Avis :
Auteur versé dans la littérature de l’imaginaire, Laurent Genefort a étayé une œuvre impressionnante en près d’une quarantaine d’années de carrière. Dernièrement, il s’est illustré dans le domaine de l’uchronie avec Les Temps ultramodernes. Cette excellente incursion entremêlait une imagination foisonnante avec un contexte sociopolitique maîtrisé et pertinent. Si ce livre n’appelait pas forcément à une suite, la période et l’univers dépeints présageaient toutefois du contraire, tant cette réalité historique alternative s’avérait cohérente. La Croisière bleue est donc l’occasion de s’immerger à nouveau dans une société où la course du progrès est bien souvent synonyme de perdition…
Contrairement à son prédécesseur, le présent ouvrage n’est pas un roman, mais un recueil de nouvelles. De prime abord, l’approche n’est pas pour déplaire. Il n’est pas rare de choisir un ensemble d’histoires courtes pour développer un concept ou un monde, ne serait-ce que pour lui donner davantage de vraisemblance au travers de brèves intrigues. D’ailleurs, le format évite de se perdre en préambules et d’étirer sur la longueur des récits qui n’en demandent pas tant. En guise de fil directeur, on a droit à des intermèdes intitulés Cavorite, en référence au métal éponyme et à ses extraordinaires facultés.
Dans les intentions, Cavorite pourrait constituer le liant entre chaque évocation de ces temps ultramodernes. L’idée d’opter pour une retranscription sous forme de coupures de presse demeure aussi intéressante. Pour autant, l’exposition des faits divers va se montrer décousue. Cela vaut autant pour la chronologie que pour la teneur de ces mésaventures et autres histoires. Il est difficile d’entrevoir la pertinence d’une telle sélection. On songe à leur déroulement, comme à la brièveté de la description. On a beau rester conscient qu’il s’agit d’articles, la lecture les fait s’enchaîner sans interpeller ni retenir l’attention. Un peu comme la consommation de l’actualité du jour pour les oublier presque aussitôt…
En ce qui concerne les nouvelles elles-mêmes, on souffle le chaud et le froid en matière d’intérêt et d’originalité. Le Facteur Pégase demeure l’histoire qui dégage la plus grande portée émotionnelle, au travers d’une relation père/fille bien amenée et de l’obsession d’un homme pour un projet qui relève de l’utopie. Elle augurait donc d’excellentes bases pour amorcer le recueil. Censée être le point de mire du livre, La Croisière bleue se révèle plus confuse pour étayer des investigations qui s’orientent très vite vers de sombres affaires d’espionnage. Malgré la singularité du cadre et de la situation, on peine à se laisser embarquer dans cette croisière terrestre qui va de mal en pis. La faute à des évènements et des retournements narratifs abrupts, à l’image de son dénouement.
Par la suite, on se tourne vers l’exploration spatiale permise par la cavorite. Là encore, l’idée est bonne. Cinquante hectares sur Mars interpelle par son traitement épistolaire. L’immigration du protagoniste est un prétexte pour découvrir ses premiers pas sur la planète rouge et les péripéties qui s’ensuivent. En l’occurrence, on s’éloigne du récit uchronique pure pour une science-fiction plus classique. Le résultat est intéressant, même s’il reste trop conventionnel au regard de ce que peut proposer cet univers. Ce constat est valable pour les deux dernières nouvelles. Le Sisyphe cosmique s’attarde sur l’exploration des ressources galactiques, tandis qu’À la poursuite de l’anticavorium évoque une fin du monde précipitée et torpide, guère à l’aune de l’apocalypse en devenir.
Au final, La Croisière bleue s’avance comme un recueil de nouvelles inégales et, globalement, une incursion décevante au cœur des temps ultramodernes. Le panel de personnages ne retient que peu l’attention. La faute à une caractérisation minimaliste, des relations guères développées et des évènements qu’ils subissent, au lieu d’influer sur leur cours. Certes, on retrouve toujours l’approche rigoureuse et cette volonté à dépeindre les dérives du progrès sous le prisme du divertissement. On regrette toutefois des histoires guère percutantes, au regard du monde dans lequel elles se déroulent. Le format du roman convient davantage pour s’immerger dans cet univers, en apprécier les nombreuses subtilités et les atours indéniables. Attrayant aux premiers abords, mais moins mémorable que le premier volume.
Note : 12/20
Par Dante