
Auteur : Maxime Chattam
Editeur : Albin Michel
Genre : Thriller
Résumé :
Ils l’ont surnommé Charon, le passeur des morts. De son mode opératoire, on ignore tout, sauf sa signature, singulière : une tête d’oiseau. Il n’a jamais été arrêté, jamais identifié, malgré le nombre considérable de victimes qu’il a laissées derrière lui. Jusqu’à ce que ses crimes resurgissent du passé, dans les profondeurs d’une mine abandonnée…
Plongez avec Ludivine Vancker dans le département des sciences du comportement, les profilers, jusque dans l’âme d’un monstre.
Avis :
Le thriller français ne s’est jamais aussi bien porté qu’en ce moment, avec une pléthore d’écrivains qui nous fournissent notre ration en sensations fortes littéraires. Si on peut compter sur des noms connus comme Jean-Christophe Grangé, Olivier Norek, Jérôme Loubry et consorts, Maxime Chattam fait partie des plus gros vendeurs de best-sellers, oscillant constamment entre thriller, horreur, fantastique, et parfois fantasy. Nous gratifiant de quasiment un roman par an, l’auteur nous avait plutôt déçu en 2020 avec L’Illusion, une histoire de magicien cloîtré dans une station de ski et de personnes disparaissant au compte-goutte. Sorte de huis-clos à la conclusion apocalyptique, l’ambiance restait trop délétère pour vraiment nous marquer. C’est donc deux ans plus tard qu’il revient avec un thriller pur jus, La Constance du Prédateur, remettant sur le devant de la scène son personnage fétiche, Ludivine Vancker. Et que ça fait du bien de retrouver Maxime Chattam !
Quatrième enquête pour Ludivine, après La Conjuration Primitive, La Patience du Diable et L’Appel du Néant, La Constance du Prédateur prend place dans l’Est de la France, au milieu des mines abandonnées. Ici, un adepte d’urbex fait une macabre découverte, avec pas moins de dix-sept cadavres de femmes datant des années 70/80. La particularité des corps est une petite incision au niveau des yeux, et une tête d’oiseau dans le vagin. Ludivine Vancker entre alors dans le DSC (Département des Sciences du Comportement), et avec Lucie Torrens, sa supérieure, elle va mener l’enquête pour retrouver le tueur en série. Mais les choses se compliquent quand d’autres cadavres sont retrouvés dans une autre mine, datant cette fois-ci des années 30. Et ce n’est rien lorsque des cadavres sont retrouvés du côté de Bordeaux, avec un modus operandi similaire. Le criminel serait alors un type proche du centenaire ?
Maxime Chattam renoue avec ses premiers amours. Ici, on a un mystère à résoudre, avec un ADN que l’on retrouve sur toutes les victimes, ce qui n’a pas de sens, compte tenu de la durée entre les différents charniers. Bien évidemment, au fur et à mesure des pages, le mystère se dilue pour trouver des résolutions intéressantes, avec notamment une intrigue autour de la filiation et de l’héritage. Une fois de plus, l’auteur nous plonge dans la psyché infernale de l’âme humaine, explorant cette fois-ci des recoins extrêmes, qui trouvent quelques échos avec des individus ayant réellement existés. Le début est très intéressant car il pose une énigme qui devient de plus en plus nébuleuse lorsque l’on retrouve de plus en plus de cadavres. On se rend compte de l’obsession de la mort chez le meurtrier, et les recoupements sont parfois hasardeux mais trouvent sens dans la mythologie.
Bien évidemment, Maxime Chattam n’est pas avare de détails et de passages relativement crus. On alterne des chapitres où l’on suit l’héroïne dans ses pérégrinations, et ses erreurs, avec des chapitres qui nous place aux côtés de la victime, une jeune femme qui va subir les pires sévices possibles. Il faudra attendre la toute fin pour atteindre le mode de pensée du tueur, pourquoi il fait cela et ses motivations, et encore une fois, on sombre dans une noirceur totale. La patte de l’écrivain est bien lisible sur le dernier tiers, qui offre un suspens haletant, malgré quelques actions prévisibles. Mais Maxime Chattam est un bon conteur, et son livre est un vrai page turner, où l’on veut constamment savoir la suite, pour trouver qui est le tueur, pourquoi il agit comme cela, et si la dernière victime va être sauvée. C’est prenant et fait intelligemment.
Et histoire de peaufiner l’ambiance et notre projection dans cette histoire, l’auteur ne va pas hésiter à approfondir son personnage principal. Certes, il y a déjà eu trois histoires auparavant, et on aura quelques références à celles-ci (sans que cela ne soit un obstacle à la compréhension si on n’a pas lu les livres précédents) mais Ludivine va prendre de plus en plus d’ampleur. Ou tout du moins, elle va devenir de plus en plus humaine. Véritable machine sans émotion qui se met à la place des tueurs lors des romans précédents, elle va ici parler de sa relation avec son amoureux, de son besoin d’exprimer ses sentiments, ou encore de se mettre cette fois-ci à la place de la victime pour devenir plus hargneuse et espérer la sauver. Les choses se font de façon fluide, et on va ressentir une forte empathie pour elle.
Au final, La Constance du Prédateur est un roman réussi de la part de Maxime Chattam, avec qui on se réconcilie, suite à une déception avec L’Illusion (même si ça reste fortement sympathique). Il s’agit-là d’un thriller noir puissant, sombre, qui n’hésite pas à présente un tueur qui n’a plus rien d’humain, et qui pourrait se comparer à un requin dénué de toute émotion. Profitant alors d’approfondir son personnage fétiche, de la rendre plus humaine et touchante, l’auteur délivre un roman de haute volée, lugubre et pourtant addictif.
Note : 17/20
Par AqME