février 10, 2025

Good Kill – Drone de Bataille

De : Andrew Niccol

Avec Ethan Hawke, Bruce Greenwood, Zoë Kravitz, Jake Abel

Année : 2015

Pays : Etats-Unis

Genre : Thriller

Résumé :

Le Commandant Tommy Egan, pilote de chasse reconverti en pilote de drone, combat douze heures par jour les Talibans derrière sa télécommande, depuis sa base, à Las Vegas. De retour chez lui, il passe l’autre moitié de la journée à se quereller avec sa femme, Molly et ses enfants. Tommy remet cependant sa mission en question. Ne serait-il pas en train de générer davantage de terroristes qu’il n’en extermine ? L’histoire d’un soldat, une épopée lourde de conséquences.

Avis :

Le cinéma est un terreau privilégié pour évoquer tous les conflits du monde. Le neuvième art permet alors de mettre en avant des soldats courageux et des combats inconnus, mais parfois, cela peut virer au patriotisme, et les américains sont les rois du manichéisme. C’est pour cela qu’en 2015, Andrew Niccol va susciter la polémique auprès de l’armée américaine avec son film Good Kill. Evoquant la guerre menée en Afghanistan après les attentats du 11 Septembre, le réalisateur, qui avait déjà secoué pas mal de monde avec Lord of War, va pointer du doigt les dérives de l’armée américaine, combattant surtout via des drones, et utilisant les mêmes méthodes que les terroristes pour tuer le plus de victimes possibles. Pas étonnant, dès lors, que les militaires du pays de l’oncle Sam n’aient pas apprécié ce long-métrage relativement critique.

Ici, on nous place au plus près du commandant Thomas Egan, un ancien pilote de chasse qui se reconverti en pilote de drones. Bien installé à Las Vegas, il se rend tous les jours à son travail, s’assoit sur une chaise, se connecte à son drone, et pilonne des groupes de personnes en Afghanistan, plus ou moins à l’aveugle. Cependant, ce travail ne lui convient pas. Il sait qu’il tue des innocents, qu’il ne prend pas de risque, et dénonce à quelque part ces actes barbares qui ne valent guère mieux que les terroristes islamistes. Dès le début, le cinéaste veut nous plonger dans le mal-être de cet homme, mutique, tirant la tronche, n’étant pas heureux, et se posant des questions sur son métier, et sa légitimité. Ce qui est très intéressant, c’est que pour approfondir ce mal-être, on va aussi aller dans son intimité.

« Andrew Niccol ne s’est pas fait que des amis. »

Sa femme et ses enfants sont heureux de le voir rentrer tous les soirs, mais lui ne parvient pas à trouver le bonheur. Son métier le pèse et il n’arrive pas forcément à en parler. Ce côté dramatique donne de la profondeur au personnage, et cela se syncrétise lorsqu’il soupçonne sa femme de le tromper, et qu’il part complètement en vrille. Il est dommage, néanmoins, que le film ne mette pas plus en avant les personnages secondaires, que ce soit du côté des autres militaires, ou encore de sa famille. Sa femme reste dans l’incompréhension, et on en sait peu sur elle, sinon qu’elle fut une danseuse dans un des casinos de Las Vegas. Et parmi ses collègues, on retrouvera une femme qui doute de sa mission (Zoë Kravitz), deux collègues qui assument pleinement les massacres, et un supérieur qui a une conscience, mais écoute les ordres.

Malgré le peu de travail effectué sur les personnages secondaires, ils possèdent néanmoins quelques passages importants, qui démontrent le travail de sape de l’armée américaine, ainsi que des ordres venant de bureaucrates complètement déshumanisés. Par exemple, on ne voit jamais ces supérieurs qui annoncent bombarder des zones avec des civils, refusant alors de donner corps à des hommes hors-sol et sans aucune compassion. On peut aussi citer cette discussion houleuse entre membres de l’équipe, où les deux soldats fiers de leur métier évoquent sauver des vies aux States en tuant des hommes et des femmes en Afghanistan, et estimant que ce pouvoir leur vient de Dieu. Toute cette réflexion s’avère très intéressante, et pour une fois, on n’a pas un film qui est en l’honneur de l’armée, mais qui pointe plutôt ses dérives destructrices. Andrew Niccol ne s’est pas fait que des amis.

« on peut reprocher au film une réalisation un peu trop proprette »

A l’emporte-pièces, comme ça, on serait tenté de dire que Good Kill est un excellent film, mais dans les faits, hormis son scénario plutôt plaisant, et son final qui fait résonner son titre (donnant du sens à la mission du commandant), il manque pas mal de petites choses pour en faire un très bon long-métrage. Outre les personnages secondaires trop peu travaillés, on peut reprocher au film une réalisation un peu trop proprette, et qui ne contient pas vraiment de moments intéressants à se mettre sous les yeux. En l’état, c’est plutôt bien filmé, mais on reste sur du champ/contre-champ sans prise de risque. On n’aura jamais les points de vue du drone, se plaçant toujours derrière un écran. Et c’est dommage, car si c’est plus réaliste, c’est aussi anti-spectaculaire, et a moins d’impact sur le spectateur. Et ce ne sont pas les plans de Vegas qui apporteront du neuf.

On peut aussi évoquer le casting. Ethan Hawke tient le rôle principal, et on ne peut nier qu’il est très bon. Cependant, il est aussi mutique et tire la tronche sans arrêt. Si c’est son rôle qui veut ça, on a parfois une répétition de plans où il fait la moue qui vire presque au running gag. January Jones, qui joue la femme du personnage principal, est transparente au possible. Quant à Zoë Kravitz, si ses quelques apparitions ont de la percussion, étant le moteur de la prise de conscience de ces frappes injustes, elle survole l’ensemble, mais n’est pas assez présente. Quant à Bruce Greenwood, il est bon, mais n’a pas l’impact qu’il devrait avoir. Bref, le casting est bon, mais ils sont sous-exploités, et c’est dommage.

Au final, Good Kill est un bon film, mais il aurait pu être sacrément meilleur. Puissant dans sa critique de l’armée américaine, et dans les méthodes employées pour tuer des innocents à l’autre bout du monde sous prétexte de protéger ses ressortissants, il manque tout de même au film une mise en scène un peu moins intimiste et des personnages secondaires plus forts, ou plus torturés. Andrew Niccol signe un pamphlet efficace, mais qui n’a pas l’ampleur qu’il aurait pu avoir, et on ne peut que regretter cela.

Note : 13/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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