janvier 17, 2025

Wrong – Trop de Non-Sens Tue le Non-Sens

De : Quentin Dupieux

Avec Jack Plotnick, Eric Judor, William Fichtner, Steve Little

Année : 2012

Pays : France, Etats-Unis

Genre : Comédie, Drame

Résumé :

Dolph a perdu son chien, Paul.

Le mystérieux Master Chang pourrait en être la cause. Le détective Ronnie, la solution.

Emma, la vendeuse de pizzas, serait un remède, et son jardinier, une diversion?

Ou le contraire. Car Paul est parti, et Dolph a perdu la tête.

Avis :

S’il y a bien un réalisateur français qui ne suit aucun code, c’est Quentin Dupieux. Musicien, artiste touche-à-tout jouant les trublions des grands écrans, il a bâti sa carrière sur de l’ubuesque, du non-sens et une envie aigue de jouer avec l’absurde. Un absurde qui survient dans une réalité banale, et qui ne peut que surprendre le spectateur, comme ses personnages qu’il manipule au gré de ses envies. Le problème avec Quentin Dupieux, c’est qu’il est si radical dans ses idées et sa volonté de bousculer les attentes, que parfois, il va bien trop loin et peut perdre son spectateur. Ce fut le cas pour Rubber avec son pneu tueur en série, ou encore avec Incroyable Mais Vrai et sa maison qui possède un passage dans le temps. Wrong s’inscrit dans une démarche radicale là aussi.

Le réalisateur nous propose de suivre Doug, un homme qui se lève un bon matin, et découvre qu’il a perdu son chien. En le cherchant, il tombe sur son voisin qui est assez agressif et décide de partir loin avec sa voiture. Errant et faisant des rencontres toutes plus ubuesques les unes que les autres, Doug commence à désespérer de retrouver son chien, jusqu’à ce qu’un Master Chang l’appelle pour lui dire qu’il a kidnappé son chien, afin qu’il se rende compte à quel point il aime son animal. Déroutant, difficile à suivre, ce troisième film pour Quentin Dupieux est une synthèse parfaite du cinéma de son réalisateur, qui ne veut tomber dans aucun code connu, et qui filme au gré de ses envies et de ses idées, sans donner de véritable ligne directrice à son contenu. Et si cela fonctionne à certains moments, à d’autres, c’est plus compliqué.

« ce troisième film pour Quentin Dupieux est une synthèse parfaite du cinéma de son réalisateur »

Doug va de rencontre en rencontre au début, et entre son voisin assez agressif, son jardinier un peu teubé, ses collègues de boulot qui le dénigrent, son appel à une pizzeria pour comprendre le logo de l’entreprise ou encore ce fameux Master Chang qui fait de la thérapie pour bien éduquer son chien, on navigue en plein délire qui ne fera que s’accentuer au fur et à mesure de l’avancée du long-métrage. Si on retrouve quelques répliques assez drôles, ou des passages tellement improbables que cela force le sourire, on notera toutefois qu’il sera très compliqué de s’attacher à tous ces personnages, tant ils sont aux antipodes de la « normalité ». Une norme que se refuse le réalisateur, mais à un tel point qu’il n’arrive pas à nous accrocher avec qui que ce soit, ni même à ressentir de l’empathie. Il sera donc très difficile de suivre ce film.

D’autant plus qu’il n’y a pas vraiment de ligne directrice. Doug perd son chien, mais il se perd lui-même dans des vicissitudes incompréhensibles, retournant à son boulot alors qu’il a été licencié, passant un coup de fil pour interroger une pizzeria et non pour commander à manger, ou encore en faisant remplacer son sapin par un palmier. Si on aurait pu s’attacher à cet homme perdu, il est tellement en dehors des codes, ne se posant même pas la question de l’anormalité de son quotidien, que l’on finit sur le bas-côté à entendre que les choses doivent se passer. Encore pire lorsque certains personnages sont tellement décalés qu’ils en deviennent ridicules, à l’image de cette jeune femme qui pense que son mari change de visage quand il le veut, et accouche en quelques jours d’un enfant déjà adolescent. Ouais, on navigue vraiment en eaux troubles.

« ce film est peut-être le plus abouti de Dupieux en termes de cinéma pur »

Une eau si trouble que certaines situations demeurent des mystères. Pourquoi la pluie tombe-t-elle dans les locaux du bureau du personnage central ? Pourquoi le jardinier, campé par Eric Judor, meurt-il et revient ensuite dans l’histoire ? Tout cela rentre parfaitement dans le cadre délirant du cinéaste, mais on aurait aimé avoir quelques explications pour rentrer aussi dans le délire. On entend bien que Quentin Dupieux s’inspire de David Lynch pour ce film, et notamment de Eraserhead, mais on n’est pas sur un même pied d’égalité, notamment sur la technique et la réalisation. Car même si ce film est peut-être le plus abouti de Dupieux en termes de cinéma pur, il ne possède pas vraiment d’ambiance, d’atmosphère particulière. Alors oui, cela appuie l’irréalité dans le réel, mais ça reste bien trop fade.

Et puis il y a un autre problème de taille, que veut nous raconter le film ? Si on se réfère aux dires de son créateur, Quentin Dupieux avait l’intention de parler de l’attachement que l’on a à nos chiens, puisqu’il adore ces petites bêtes. Et effectivement, la recherche et la perdition de Doug montre à quel point il aime son animal de compagnie. Mais en dehors de ça, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous les yeux. Sinon celui d’un quotidien ennuyeux, qui peut laisser place à une imagination débridée, menant à la folie. Mais ça, il faut vraiment gratter très fort le vernis burlesque de l’ensemble.

Au final, Wrong est un film qui est déroutant. Mais il est tellement déroutant qu’il nous laisse sur le carreau au bout de quelques minutes seulement. Si l’histoire du jardinier peut être drôle grâce au talent d’Eric Judor, pour le reste, on se demande encore ce que ça raconte. De plus, mettre en avant des personnages qui sont tous antipathiques n’est pas vraiment une bonne idée, nous plongeant alors dans un quotidien pénible, confinant Wrong à un cauchemar ensoleillé, mais qui manque cruellement de fond et d’une ligne directrice un peu plus claire. Ou il faut se laisser porter, mais c’est un choix audacieux, et pas forcément payant.

Note : 07/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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