D’Après une Idée de : Phoebe Waller-Bridge
Avec Phoebe Waller-Bridge, Brett Gelman, Olivia Colman, Bill Paterson
Pays : Angleterre
Nombre d’Episodes : 6
Genre : Comédie, Drame
Résumé :
Le quotidien à la fois drôle et touchant de Fleabag, une femme à la répartie cinglante, portée sur le sexe, en colère et assaillie par le deuil, qui fait ce qu’elle peut pour survivre à la vie moderne londonienne.
Avis :
Phoebe Waller-Bridge est une actrice qui s’est fait connaître à la fin des années 2010 grâce à sa série Fleabag (qui nous préoccupe entre ces lignes). Pour autant, la jeune femme n’est pas une novice dans le cinéma, la télé ou même le théâtre. Elle sort diplômée d’une école d’art dramatique de Londres, elle va alors jouer dans plusieurs pièces à succès, puis elle va décrocher quelques rôles dans des séries, notamment Broadchurch, et même au cinéma, comme sur Albert Nobbs ou La Dame de Fer. Cependant, elle connaît un vrai succès avec son one-woman show, Fleabag, qu’elle décide de mettre en boîte en 2016. La série va connaître un énorme succès, lui permettant de s’octroyer trois Golden Globes, et de resplendir à l’international, où elle décrochera même un rôle important dans le dernier Indiana Jones. Mais pour en revenir à Fleabag, est-ce si bien que ça ?
Le pitch de la série est extrêmement simple. On va suivre ici une jeune trentenaire désabusée, à l’humour grinçant, qui enchaîne les coups d’un soir pour ne plus penser à sa meilleure amie, victime d’un accident. On va donc suivre le quotidien de cette jeune femme qui brise constamment le quatrième mur pour s’adresser à nous, et dire le fond de ses pensées, qui sont souvent en désaccord avec ce qu’elle montre au public. Sa relation complexe avec sa sœur et son père, son café qui ne marche absolument pas, son incapacité à dire non à un garçon lorsqu’il veut coucher avec elle, on aura droit à toute sa vie, partagé entre humour grotesque, humour noir et tragédie. Car oui, au-delà d’être très drôle, Fleabag est aussi une série dramatique qui dresse le portrait touchant d’une jeune femme à la dérive.
La série est relativement courte, puisque la première saison n’est composée que de six épisodes de vingt-cinq minutes. On ne perd pas de temps en tergiversations ou en élucubrations inutiles, Fleabag va droit au but et montre rapidement la vie décousue de cette femme qui joue les fortes, alors même qu’elle est pleine de fissures. Le début est très acerbe sur sa vie, avec notamment son addiction au sexe, n’arrivant pas à dire non à un garçon, même lorsque celui-ci est laid. Elle le dit elle-même, elle cherche des gens qui désire son corps, plus qu’ils ne cherchent l’amour, montrant sa maladie face aux émotions. Une maladie qui se traduit dans toutes les strates de sa vie, que ce soit avec son père, sa sœur ou encore ses conquêtes. La série est très intelligente là-dessus, car elle joue sur deux tableaux au niveau de la narration.
Une narration qui brise constamment le quatrième mur afin de nous expliquer le fond des pensées de l’héroïne. Une jeune femme blessée par le décès de sa meilleure amie, qui n’arrive pas à faire le deuil, et qui décide de cacher ses sentiments plutôt que de les avouer. Fleabag n’est pas un nom lancé au hasard, puisqu’elle pense vraiment être un sac à puces, ce genre de chien affectueux mais que personne ne veut à cause de son aspect. Ainsi donc, la série prend un ton très grinçant sur son humour, afin de montrer une famille dysfonctionnelle, en mal d’amour et de dialogues. La relation entre sœurs est compliquée, perdue entre un beau-frère toxique et alcoolique, et une sœur carriériste mal dans sa peau, mais qui se refuse d’en parler. Tout au long de la saison, on sent que l’héroïne veut aider sa sœur, alors qu’elle souffre autant.
Et c’est là toute l’intelligence de cette série, qui va réussir à devenir dramatique dans chacun de ses instants, alors même que l’on rigole. Les déboires amoureux de Fleabag sont délicieux, mais ils prouvent un profond mal-être. Tout comme le burlesque de certaines situations amène à chaque fois une réflexion sur un sujet précis, à l’instar de cet homme aux grandes dents qui ne comprend pas grand-chose aux choses de l’amour, ou encore ce beau gosse qui ne peut s’empêcher de draguer à tout va, et va briser le cœur déjà émietté de l’héroïne. Ce tragi-comique est réellement bien écrit, et est porté par des personnages qui peuvent être attachants comme détestables. Difficile de passer outre cette sœur mentalement instable, qui refuse de quitter son mari, alors que c’est un véritable connard. Ou encore ce père qui ne sait pas comment communiquer avec ses filles.
Fleabag est donc une série relativement riche, malgré le peu de temps qu’elle dure. Elle aborde aussi d’autres sujets importants et intelligents, en dehors des conflits de famille ou du mal-être d’une personne dont tout le monde se fout. A plusieurs reprises, les épisodes évoquent la vie chère de Londres, qui arnaque les gens autour de quelques sandwichs dégueulasses. L’art est aussi abordé en filigrane, avec notamment cette belle-mère (incroyable Olivia Colman) qui fait une exposition sur le sexe de manière totalement décomplexé, en évoquant, en prime, des explications ubuesques sur ses œuvres d’art. Bref, malgré le peu d’épisode, et le peu de temps, Fleabag fait montre d’un contexte riche et abondant.
Au final, cette première saison de Fleabag est une réelle réussite, où la simplicité de la mise en scène permet de se focaliser sur le récit de vie de cette jeune femme perdue dans son corps et dans ses émotions. Embrassant pleinement le côté tragi-comique de la situation, Phoebe Waller-Bridge délivre une prestation impressionnante de justesse, à la fois drôle et touchante, où la toute dernière scène offre un semblant de rayon de soleil dans une vie morose et triste.
Note : 17/20
Par AqME