Titre Original : Arsenic and Old Lace
De : Frank Capra
Avec Cary Grant, Priscilla Lane, Peter Lorre, Raymond Massey
Année : 1944
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie, Thriller
Résumé :
Deux exquises vieilles dames font disparaître de vieux messieurs. Mortimer, leur neveu découvre l’affaire. Mais, l’affaire se corse pour lui quand il découvre que ses cousins, l’un gentil, l’autre méchant, sont également mêlés à l’histoire et que les cadavres s’amoncellent dans la cave.
Avis :
Parmi les différents genres cinématographiques, la comédie constitue l’un des plus délicats à mettre en œuvre. Que l’on opte pour un registre badin, noir, absurde ou sarcastique, la tonalité humoristique ne touche pas tous les publics. Elle peut amuser, comme laisser de marbre ou indigner. Il est donc difficile d’obtenir l’assentiment général sur un tel exercice. À l’image des grandes productions du burlesque de la période expressionniste, il existe toutefois des classiques intemporels qui parviennent à faire l’unanimité. Parmi ceux-ci, Arsenic et vieilles dentelles constitue l’une des plus réjouissantes occurrences en la matière, et ce, à plus d’un titre.
Sous couvert de l’aventure, du drame ou même de la romance, on connaît Frank Capra pour ses œuvres engagées, généreuses et bienveillantes. Au septième art, le cinéaste offre un legs remarquable. Avec le présent métrage, on pourrait penser qu’il sort de sa zone de confort. Certes, il a déjà officié dans un style similaire avec des productions telles que Monsieur Smith au sénat ou L’Extravagant Mr Deeds. Pour autant, Arsenic et vieilles dentelles constitue un projet à part dans sa carrière. D’une part, le tournage a lieu en pleine Seconde Guerre mondiale. L’armée américaine le sollicite pour réaliser une série documentaire de propagande : Pourquoi nous combattons. D’autre part, il s’agit de l’adaptation d’une pièce de théâtre qui a fait les beaux jours de Broadway.
« Frank Capra excelle dans cette capacité à fédérer l’attention. »
La transition entre les deux médias peut se révéler délicate à bien des égards. Cela vaut surtout pour les unités de temps et de cadre où le théâtre réduit à minima ces changements. Au cinéma, le spectateur est davantage dans l’attente d’une plus grande variété, d’un dynamisme qui ne tient pas seulement aux réparties. Or, Frank Capra excelle dans cette capacité à fédérer l’attention autour des enjeux et de l’évolution de la situation. À quelques exceptions prêtes, on reste dans le cadre de la maison familiale et de la rue qui la borde. On pourrait même restreindre l’action à la principale pièce à vivre du logement puisque les incursions dans la cave, l’étage ou la cuisine demeurent rares et furtives.
En plus d’une réalisation autant fluide que maîtrisée, le film bénéficie d’une qualité de narration stupéfiante. D’un postulat de départ simple, on s’insinue dans une situation qui ne cesse de se complexifier. Il n’est pas question de rendre l’intrigue confuse, mais d’entretenir l’intérêt au travers de confrontations avec de nouveaux intervenants. De quiproquos en querelles familiales, on assiste à un embrouillamini de relations qui rendent l’ensemble aussi imprévisible que délectable. Tout va de mal en pis à un point tel que l’on sombre progressivement dans la folie, état d’esprit représenté par le personnage de Cary Grant.
« L’ambiance profite d’effets cocasses bien sentis. »
Saugrenue au possible, l’ambiance profite d’effets cocasses bien sentis, le tout soutenu par des dialogues recherchés, subtils et énergiques dans leur enchaînement. L’interprétation est très spontanée et renvoie presque à quelques élans d’improvisation théâtrale, tant certaines séquences partent dans tous les sens. On apprécie cette capacité à traiter avec légèreté un sujet glauque, a fortiori inspiré d’une histoire vraie. Si l’intrigue demeure comique, on touche aussi au film noir, voire à l’épouvante. L’exercice du huis clos intègre quelques sympathiques clins d’œil à d’autres chefs d’œuvre. On songe, entre autres, à la scène de la cave et le jeu d’ombres qui renvoie à M le maudit.
Au final, Arsenic et vieilles dentelles s’avère une comédie noire à la fois savoureuse et légère. Sorte de vaudeville porté sur grand écran, le film de Frank Capra se démarque par son caractère loufoque, son casting ahuri et son histoire menée avec une pleine maîtrise. Il fait partie de ces métrages qui ne vieillissent pas, tant la virtuosité de l’ensemble demeure universelle, intergénérationnelle. Malgré des apparats simples et débonnaires, son humour fonctionne avec des situations cocasses, cohérentes et orchestrées avec un talent indéniable. Il en ressort une œuvre distrayante, qui ne se prend guère au sérieux. Très drôle et plaisante, une magistrale leçon de comédie et de cinéma.
Note : 19/20
Par Dante