
Titre Original : Never Let Go
De : Alexandre Aja
Avec Halle Berry, Percy Daggs IV, Anthony B. Jenkins, William Catlett
Année : 2024
Pays : Etats-Unis
Genre : Thriller, Horreur
Résumé :
Depuis la fin du monde, June protège ses fils Samuel et Nolan, en les confinant dans une maison isolée. Ils chassent et cherchent de quoi survivre dans la forêt voisine, constamment reliés à leur maison par une corde que leur mère leur demande de ne surtout « jamais lâcher. » Car, si l’on en croit June, la vieille cabane est le seul endroit où la famille est à l’abri du « Mal » qui règne sur la Terre. Mais un jour, la corde est rompue, et ils n’ont d’autre choix que de s’engager dans une lutte terrifiante pour leur propre survie…
Avis :
Alexandre Aja est l’un de nos réalisateurs français les plus américains que l’on puisse trouver. Comme on le sait, après deux films chez nous à la fin des années 90, Alexandra Aja s’en est allé aux Etats-Unis et il a trouvé le succès qu’on lui connaît. « Mother Land » marque le retour d’Alexandre Aja dans les salles obscures, cinq ans après « Crawl« , son film de crocodiles (même si entre temps, le metteur en scène avait fait un tour chez Netflix). En Août 2020, 21 Laps Entertainment achète le scénario de « Mother Land« , et presque un an après, il est annoncé que Mark Romanek réalisera le film. Romanek est l’homme à qui l’on doit les films « Photos Obsessions« , et « Never let Me Go« , mais très vite après cette annonce, le cinéaste quitte le projet, et sera alors remplacé par Alexandra Aja.

Petite sortie de la fin du mois de Septembre, « Mother Land » est un film qui n’a pas l’air de rencontrer son public, et c’est bien dommage, car ce nouvel Aja est un film franchement intéressant, aussi bien dans sa démarche que dans ce qu’il raconte. Film mystérieux autour d’une possible fin du monde et d’une mère qui lutte comme elle le peut pour survivre dans un monde hostile, « Mother Land » est surtout un drame humain qui mélange des éléments fantastiques, pour livrer un film un chouilla angoissant, mais surtout un film qui laisse le spectateur totalement libre d’interprétation de l’histoire, ou plutôt du drame qui lui est raconté, et c’est là que le nouveau film d’Alexandre Aja se fait prenant, voire passionnant.
« Alexandre Aja livre l’un de ses films les plus ambigus. »
Depuis que monde a cessé d’être, June essaie de protéger ses enfants du mal absolu en les confinant dans une maison en plein milieu de la forêt. Leur vie est tenue par tout un tas de règles, mais la plus importante est celle qui rappelle qu’il ne faut absolument jamais lâcher la corde. En effet, le mal est partout, et si les enfants et leur mère doivent sortir de la maison, il faut absolument qu’ils soient rattachés à une corde qui les relie à la maison. Ça, c’est le seul moyen pour que le mal ne les touche pas. Mais que se passerait-il vraiment si un jour la corde se rompt…
« Mother Land » est un film qui est loin d’être évident, car avec cette histoire, où le mal est omniprésent et le seul lieu sûr est une vieille cabane dans les bois, Alexandre Aja livre l’un de ses films les plus ambigus, car au fil de son récit, il y a quelque chose qui fait que son spectateur est tenu dans un entre-deux. Il est tenu quelque part entre le réel et le fantastique et alors que le cinéma d’aujourd’hui nous a habitués à nous donner des réponses évidentes, ici, ce ne sera pas le cas. Mieux encore, ici, on ne sait pas si tout est vrai ou tout est faux, et ça, c’est absolument terrible.
« Mother Land » se perçoit donc de manière assez différente, et pour ma part, ce fut un excellent moment de cinéma, car si j’apprécie le cinéma fantastique, j’aime encore plus le drame humain et c’est ce que m’a offert « Mother Land« . Avec cette histoire, il fut difficile de passer dans le fantastique, même si ce dernier est bien fait. Avec ce film, et je vais essayer de rester volontairement flou pour par trop en dévoiler, Alexandre Aja réalise un excellent film sur les traumas de l’enfance. Élevé dans la possible folie, élevé dans un milieu très religieux qui est assez ambiguë dans son interprétation, car ici, on n’évoquera jamais le diable, mais plus le mal de manière générale…
« Alexandre Aja joue énormément avec les interprétations et les métaphores. »
Avec tout cela, et un peu plus encore, « Mother Land » est un film sur la croyance, sur le fait de croire ou non, et au-delà de ça, sur l’émancipation. Le monde de « dehors » est plein de dangers, et à ça, on peut y voir tout et n’importe quoi, et il est évident (enfin pour moi) que cette corde qui relie les enfants à la maison, c’est un peu comme un cordon ombilical qu’il va falloir un jour couper. Alexandre Aja joue énormément avec les interprétations et les métaphores, tout comme il tient le spectateur qui veut bien se laisser entraîner entre deux réflexions, jusqu’à son dénouement final, qui est aussi dramatique que terrible et intéressant, car là encore, il est bourré d’ambiguïté.
De plus, le film offre des personnages qui sont pleins de complexités. Si la mère, évidemment, est tout en reliefs et qu’on apprend à la connaître, on découvre son passé au gré d’indices qu’elle veut bien donner, le film n’oublie pas de développer les deux enfants, qui vont avoir petit à petit des différences d’interprétation, et là encore, avec ça, plusieurs possibilités de lectures s’offrent aux spectateurs. Bref, ce scénario est franchement bien fichu et il aura réussi à me piquer à vif du début à la fin, alors même que dès le début, j’ai eu mon interprétation et que celle-ci n’a fait que se renforcer au fur et à mesure des éléments qui s’enchaînaient.

Plus thriller psychologique que film d’horreur, à bien des regards, « Mother Land » est un film plus intéressant qu’il n’en a l’air et il peut aisément trouver sa place dans ce qu’Alexandre Aja a fait de mieux. Certes, c’est libre d’interprétation, le film ne trouvant pas de réponse toute faite, mais c’est cette ambiguïté qui le rend plus qu’intéressant. Ce retour d’Alexandre Aja, en compagnie de la grande Halle Berry et deux petits acteurs incroyables, est une jolie et intéressante réussite.
Note : 15/20
Par Cinéted