
De : Jessica Palud
Avec Anamaria Vartolomei, Matt Dillon, Yvan Attal, Marie Gillain
Année : 2024
Pays : France
Genre : Biopic, Drame
Résumé :
Maria n’est plus une enfant et pas encore une adulte lorsqu’elle enflamme la pellicule d’un film sulfureux devenu culte : Le Dernier tango à Paris. Elle accède rapidement à la célébrité et devient une actrice iconique sans être préparée ni à la gloire ni au scandale…
Avis :
Réalisatrice, Jessica Palud est la fille du metteur en scène Hervé Palud, réalisateur entre autres de « Un Indien dans la ville« . Avant de réaliser, Jessica Palud a été pas mal d’années assistance de réalisation, notamment pour Philippe Lioret, Sofia Coppola, Carine Tardieu, Eric Lartigau ou encore Bernardo Bertolucci, qui sera entre guillemets sa première expérience dans le cinéma.
Et c’est d’ailleurs de Bernardo Bertolucci dont il va être en partie question avec « Maria« , son troisième long-métrage. En 1972 sort en salle « Le dernier Tango à Paris« , film qui est considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre. Au milieu de ce film culte, une scène fait bien plus parler d’elle. Dans cette scène, il est question de beurre et d’humiliation. Entrée d’emblée dans l’histoire du cinéma, cette scène improvisée qui n’existait pas dans le scénario original du « … dernier Tango à Paris » a cassé une partie de la vie de son actrice, Maria Schneider.
« La metteuse en scène livre un film poignant. »
Avec « Maria« , Jessica Palud nous raconte donc cette histoire du point de vue de son actrice et la metteuse en scène livre un film poignant qui questionne les limites de la création, et au-delà de ça, « Maria » parle d’une époque, les années 70, et d’une jeune femme qui a essayé de parler et que personne n’a écouté.
Maria Schneider est une jeune femme de dix-neuf ans. Jeune actrice, elle vient d’être choisie pour tenir la tête d’affiche du prochain film de Bernardo Bertolucci. Maria aura comme partenaire l’immense Marlon Brando, et le film parlera d’une rencontre, et d’une relation entre la jeune femme de dix-neuf ans et de cet homme, approchant alors la cinquantaine. Ce film va ouvrir les portes de la célébrité à la jeune comédienne qui d’un coup, va devenir aussi bien un sex-symbol que l’objet d’un scandale. Mais la réalité sera plus dure, car ce film, « Le dernier Tango à Paris« , va profondément bousculer la vie de son actrice, au point qu’elle va se perdre pendant plusieurs années.
Comme beaucoup de cinéphiles, j’avais un jour ou l’autre entendu parler du « … dernier Tango à Paris » et le jour où je me suis arrêté dessus, quelle ne fut pas ma déception, me retrouvant devant un film qui avait su me procurer que de l’ennui et de l’agacement. Par la suite, au gré des années, j’avais entendu parler de la construction de ce film culte et notamment de sa fameuse scène. Cette histoire et ce tournage, tout comme la vie de son actrice principale, avaient vraiment de quoi en faire un film, et nous y voici, et c’est Jessica Palud qui s’en empare avec « Maria« , un film qui va raconter tout cela, en se basant du point de vue de Maria Schneider, et c’est tout bonnement passionnant.
« Anamaria Vartolomei est incroyable de bout en bout de film. »
Bien avant le tournage, c’est avec une Maria Schneider adolescente que Jessica Palud a décidé d’ouvrir son film. Une adolescence quelque peu compliquée, avec la rencontre de son père à l’âge de seize ans, puis la jalousie d’une mère, avant de vouloir embrasser la carrière d’actrice. Très bien écrit dans un scénario qui se concentre sur le livre « Tu t’appelais Maria Schneider« , de Vanessa Schneider, sa cousine, le film nous entraîne dans la rencontre avec Bernardo Bertolucci, puis la rencontre avec ce monstre sacré du cinéma, Marlon Brando. Une belle complicité se crée entre les deux personnages, et au-delà de ça, les multiples scènes de tournage sont toujours intéressantes, tout comme l’évocation déjà sulfureuse du film, qui est alors en tournage. Puis arrive cette fameuse scène, qui se pose presque comme un piège qui se referme sur la jeune femme.
À partir de là, c’est un point de bascule, avec pour commencer le tournage en lui-même, qui est extrêmement malaisant pour nous, spectateur, et ce malaise se ressent sur le plateau. Si le film était déjà très intéressant jusque-là, il devient de plus en plus passionnant. À la suite de cette scène, il y a comme un effet papier dans la vie de son actrice, racontant comment elle s’est sentie humiliée par Bertolucci et Brando, mais aussi par tout le reste, son agent, son père, sa famille, et plus largement la société elle-même. Avec ça, Jessica Palud parle de la célébrité, du poids de cette dernière, elle parle de la parole qui était loin d’être libre, tout comme elle parle de l’art, de la création, et de ses limites qui ont été ici franchies.
Le film dresse un superbe portrait, celui d’une femme qui se laisse, certes, emporter par ses démons, mais résiste en même temps, qui après ce tournage, n’a plus envie de se laisser faire et cherche autre chose. Le film est particulièrement touchant, car dans ce qu’il raconte de la trajectoire de Maria Schneider, il y a une chute et une renaissance, et avec ça, on ne peut qu’être pris par la saisissante composition d’Anamaria Vartolomei, qui est incroyable de bout en bout de film.
« Visuellement parlant, le film est sublime. »
La comédienne de vingt-cinq ans, qui a déjà une belle carrière, trouve ici son premier très grand rôle. Et lorsque l’on parle des acteurs, impossible de passer à côté de Matt Dillon en Marlon Brando. Si le comédien, physiquement parlant, n’est pas vraiment ressemblant, il n’en demeure pas moins crédible et bon. Mention spéciale à Marie Gillain, parfaite en mère jalouse de sa fille, ainsi qu’à Guiseppe Maggio, glaçant et fascinant dans la peau de Bertolucci.
Si le film est aussi solide et intéressant, c’est aussi parce que la caméra de Jessica Palud épouse le point de vue de son personnage principal. Son actrice est de toutes les séquences, et jamais le film n’en fera de trop. Restant toujours juste, à la parfaite distance pour montrer telle ou telle chose, ou bien faire ressentir telle ou telle émotion. De plus, visuellement parlant, le film est sublime, avec de superbes plans, des séquences qui sont travaillées et belles, sachant exactement quoi montrer.

« Maria » se pose donc comme une très belle surprise, doublée d’un excellent film qui rend un très bel hommage à Maria Schneider, une femme en avance sur son temps. Juste et passionnant aussi bien dans son regard que dans ce qu’il raconte, Jessica Palud signe assurément l’un des grands films français de cette année 2024. À voir pour sûr !
Note : 17,5/20
Par Cinéted