
De : Artus
Avec Artus, Alice Belaïdi, Clovis Cornillac, Marc Riso
Année : 2024
Pays : France
Genre : Comédie
Résumé :
Pour échapper à la police, un fils et son père en cavale sont contraints de trouver refuge dans une colonie de vacances pour jeunes adultes en situation de handicap, se faisant passer pour un pensionnaire et son éducateur spécialisé. Le début des emmerdes et d’une formidable expérience humaine qui va les changer à jamais.
Avis :
Il faut toujours se méfier des gros succès en salles en France (voire même dans le monde). On le sait, les succès populaires ne sont pas souvent synonymes de véritables chefs-d’œuvre du septième art, le public se contentant souvent d’une petite comédie avec des thèmes plus ou moins universels. On se souvient encore de la cartouche que l’on a prise avec Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, véritable purge avec un fond on ne peut plus raciste. Cette année, c’est Un P’tit Truc en Plus qui défraye la chronique, avec plus de dix millions d’entrées au cinéma, et des spectateurs absolument ravis par le film d’Artus.

Comédie solaire autour des personnes en situation de handicap, le film a surtout réussi son buzz, via des producteurs à la masse qui ont refusé de prêter de l’argent pour faire le film, ou encore des difficultés à avoir des costumes pour le festival de Cannes, problématiques dont le réalisateur ne s’est jamais caché et a permis d’ouvrir les yeux à certaines personnes sur le manque de représentativité au cinéma. Oui, il existe encore des différences et des gens qui refusent de travailler avec des personnes en situation de handicap. Si on ne peut que féliciter la prise de risque d’Artus, et ses positions très claires, son film mérite-t-il un tel succès d’un point de vue purement cinématographiques ?
« D’un point de vue écriture, tout est cousu de fils blancs. »
Le scénario est relativement simple. Paulo et son père font un braquage dans une bijouterie. Alors qu’ils essayent de se dissimuler dans les rues de Valence, ils arrivent à se cacher dans un groupe composé de personnes en situation de handicap pour échapper à la police. Afin de se faire oublier, ils décident de passer la semaine avec ce groupe, qui part en vacances dans le Vercors, Paulo se faisant passer pour une personne handicapée et son père pour son tuteur. Et cette semaine va tout changer pour le duo, aussi bien dans les opinions qu’ils se faisaient sur les personnes handicapées, mais aussi sur leur situation personnelle. Bref, on est dans une comédie tout ce qu’il y a de plus français, qui fleure bon les bons sentiments et le cahier des charges bien rempli.
Très clairement, d’un point de vue écriture, tout est cousu de fils blancs. C’est-à-dire que l’on sait pertinemment comment cela va se terminer, pour tous les personnages, et que leur évolution n’engendrera aucune surprise. Les « méchants » vont se prendre d’affection pour les jeunes gens en situation de handicap, il va y être question de tolérance, d’amitié, de compréhension, et de mise en avant d’un métier difficile et sous-payé, celui des éducateurs spécialisés. On reste dans un moule très codifié pour faire une comédie joviale, solaire, et qui joue constamment sur les émotions pour mettre en avant ces êtres humains un peu différents, qui ont ce petit truc en plus que l’on dénigre trop souvent. Bref, c’est très optimiste, c’est très humain, c’est très beau. Mais cela n’enlève pas les quelques oublis dans la trame.
« Le film se rattrape sur son humour, qui est toujours juste et bienveillant. »
A titre d’exemple, on peut citer le sort de Sylvain, ce jeune trisomique qui se retrouve bien malgré lui à Ibiza, et qui va faire une teuf d’enfer. Que devient-il ? Quelles sont les conséquences à la fin de cet oubli pour l’association ? Il faut aussi pointer des incohérences en ce qui concerne ce départ en vacances. Comme se fait-il que l’éducatrice ne connaisse pas du tout Sylvain avant le départ, au point de le confondre avec Paulo ? Certes, cela arrange bien le scénario et le déroulement du film, mais l’ensemble manque de crédibilité, à un tel point que l’on a du mal à y croire, et on doit accepter certaines situations sans trop se poser de questions.
Fort heureusement, le film se rattrape sur son humour, qui est toujours juste et bienveillant. Le fait est qu’Artus a eu l’excellente idée de tout le temps filmer et de laisser une sorte de naturel s’échapper des personnes non professionnelles. Il n’y a pas un plan sans une personne en situation de handicap, et on sent qu’ils s’éclatent à faire ce film, à être enfin sur le devant de la scène. Et puis on retrouve un humour qui ressemble à Artus, entre une vulgarité bon enfant (même si les gros mots fusent) et des passages assez inattendus, comme cette « éolienne » en pâte à sel. C’est drôle, c’est indéniable, et cela malgré des personnages clichés, et parfois une moquerie grossophobe qui est un peu limite. Le personnage tenu par Marc Riso est tout de même assez pénible.
« D’un point de vue purement cinématographique, on reste sur quelque chose de plat et de terriblement attendu. »
Le problème avec ce genre de film, aussi réussi soit-il dans sa démarche et dans son humour, c’est que d’un point de vue purement cinématographique, on reste sur quelque chose de plat et de terriblement attendu. Il n’y a aucune prise de risque sur la mise en scène. Si le travail sur la photographie permet de voir qu’Artus a voulu faire un film estival, on est tout de même sur une succession de champs/contre-champs, avec des plans fixes, sans aucune volonté d’offrir quelque chose de nouveau ou de frais. Le montage est simple, c’est linéaire au possible, et rien ne vient troubler un peu le spectateur. Et c’est en ce sens que l’on peut se poser la question de ce que doit offrir le cinéma, et du succès mérité ou non.
Car si en termes de comédie et d’écriture, malgré des défauts et des ellipses, c’est réussi, d’un point de vue artistique, c’est une autre paire de manches. Là aussi, un peu comme le devenir de tous les personnages, on est sur quelque chose qui ne surprend pas, et qui ne doit surtout pas sortir le spectateur d’une certaine torpeur, d’un certain confort de visionnage. Or, le cinéma est là pour offrir une expérience, et en ce sens, l’écriture, l’humour, ne suffit pas. Un P’tit Truc en Plus est éminemment sympathique, mais il reste une comédie qui, visuellement, rentre dans un carcan connu de tous et qui manque d’un sens purement cinématographique.

Au final, Un P’tit Truc en Plus est une comédie réussie dans le sens où elle est bienveillante, drôle et met en avant des thèmes importants, comme la place des personnes en situation de handicap dans notre société. Artus réalise un film solaire, où l’humour ne se base que très peu sur la moquerie, chose rare de nos jours. Cependant, d’un point de vue technique, on est sur un film plan-plan, qui ne surprend pas, ne prend pas de risque de mise en scène et rentre dans le tout-venant de la comédie française. Il s’agit-là d’un film populaire, taillé pour plaire à la masse, à ceux qui voient le cinéma comme un divertissement et non pas comme un moyen de véhiculer des valeurs, tout en jouant avec les images et les non-dits. Bref, ce n’est pas désagréable, mais ce n’est pas non plus un chef-d’œuvre, loin de là.
Note : 14/20
Par AqME