Titre Original : Big Trouble in Little China
De : John Carpenter
Avec Kurt Russell, Kim Cattrall, Dennis Dun, James Hong
Année : 1986
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie, Action, Fantastique
Résumé :
Jack Burton, camionneur ordinaire, accompagne son ami Wang Chi à l’aéroport de San Francisco afin d’accueillir Miao Yin, la fiancée de ce dernier. Mais lorsque Lo Pan, un puissant sorcier désincarné, se met en tête d’épouser Miao Yin pour récupérer son enveloppe charnelle, Jack se voit transporté au cœur des luttes mystiques de Chinatown, où le Bien et le Mal s’affrontent déjà depuis des siècles.
Avis :
Les années 80, pour John Carpenter, sont un peu compliquées. Malgré la qualité indéniable de ses films, ils ont acquis un statut d’œuvre culte bien des années plus tard. Toujours pas bien remis de l’échec cuisant de The Thing (son meilleur film à mes yeux), il va tenter de conquérir un nouveau public en réalisant un film de studio, Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin. Les producteurs souhaitaient un Indiana Jones-like, mais le réalisateur va en faire autre chose. Le film va flopper encore plus que The Thing et John Carpenter va donc prendre ses distances avec les studios pour faire ses futurs films, l’excellent Prince des Ténèbres et Invasion Los Angeles. Pour autant, comme d’habitude avec Carpenter, Jack Burton va devenir culte avec les années, notamment grâce aux vidéo clubs. Aujourd’hui, plus de trente ans plus tard, qu’en est-il de cette comédie d’action fantastique ?
Les yeux de Jade
Le scénario de ce film est très simple à comprendre et nous plonge dans l’univers nébuleux des mythes et légendes chinoises, dans le quartier de Chinatown. Jack Burton accompagne son meilleur ami à l’aéroport pour que ce dernier retrouve sa femme, mais elle se fait enlever par des malfrats. Leur poursuite les amène dans le quartier de Chinatown, en pleine guerre des gangs. Les deux acolytes apprennent alors qu’un Lo Pan a enlevé la jeune femme pour trouver l’immortalité. Jack Burton et son ami décide alors d’aller sauver la jeune femme. L’histoire est très simple. John Carpenter ne lambine pas, comme à son habitude et délivre une histoire qui allie l’efficacité américaine de l’époque, avec une action décomplexée, et un folklore asiatique plutôt méconnu, mais qui se mélange à merveille avec l’imaginaire du cinéaste. Dans son écriture, on se retrouve face à un film simple, mais terriblement efficace.
Si le film fait un flop complet lors de sa sortie en salles, c’est tout simplement à cause d’une promotion calamiteuse et d’une volonté des studios de conforter le spectateur dans la vision d’un sous Indiana Jones. Ce qu’il ne sera pas. John Carpenter va se jouer des références aux films d’aventures pour faire un film à son image, avec de l’humour, des monstres, mais aussi une part de fantastique qui flirte constamment avec une imagerie horrifique. Si le scénario n’apporte finalement que peu de réflexions ou de messages plus ou moins bienveillants (l’entraide, le sacrifice, faire fi des différences ethniques pour s’en sortir), ce sera surtout sur sa forme et son détournement de personnages que le film tient particulièrement bien la route. Et déconcertera le public américain qui ne s’attendait sûrement pas à voir son héros américain relégué au rang de bouffon au service d’un side-kick bien plus fort.
Héros inversé
Car comme le dit John Carpenter, Jack Burton n’est pas le héros de l’histoire, mais le faire-valoir de l’asiatique qui doit sauver sa dulcinée. Anti-héros à l’humour lourdingue et aux gaffes multiples, Jack Burton a tous les atours du bouffon de service. Certaines scènes sont très explicites sur ce looser sûr de lui. Le moment où il tire son couteau, le fait partir et le récupère avec un temps de retard, alors que son acolyte s’est déjà débarrassé de tous les méchants. Ou encore lors du grand combat lorsqu’il tire en l’air, décroche des briques qui lui tombent sur la tête. A contrario, le personnage tenu par Dennis Dun est plus percutant, il sait se battre, fait des acrobaties et prend bien plus de risque. Le vrai héros, c’est lui, malgré les bons réflexes d’un Kurt Russell à la fois drôle et attachant.
Et c’est certainement sur cet aspect que le film n’a pas plu aux américains. Le héros blanc est relégué comme simple comique de service, alors que le chinois est la vraie force de l’intrigue. John Carpenter livre donc un film qui est presque anti-système et qui délivre un bon gros doigt d’honneur au cinéma d’aventures de l’époque. Cela lui a coûté cher, mais le côté punk du cinéaste fait plaisir à voir. On notera aussi que l’on trouvera une Kim Cattrall bien employée, qui tient un double-rôle, l’amoureuse de service, mais aussi le ressort comique qui remet Jack Burton à sa place. Même les rôles secondaires sont intéressants, et marqueront la pop culture, puisque les trois méchants inspireront le personnage de Raiden dans Mortal Kombat. Des personnages que l’on pourrait croire inutiles, mais qui permettent d’approfondir un lore intelligent, à la fois novateur et respectueux des mythes et légendes chinois.
Little China
Bien évidemment, comme pour chaque film de John Carpenter, on retrouve une patte graphique indéniable. Le film est toujours très réussi de nos jours, même si certains effets spéciaux peuvent paraître ringard. Ils s’incrustent parfaitement dans l’aspect visuel du film. Le réalisateur propose une plongée dans un Chinatown fantasmé, perclus de légendes, de mythes et de magie. Lo Pan est un bad guy torturé et étrange. On n’aura aucune réponse sur les origines des trois tempêtes, ce qui renforce leur mysticisme. Le seul gros bémol viendra d’un monstre qui arrivera comme un cheveu sur la soupe. John Carpenter lui-même avoue que c’est un passage raté du film, mais qui répond à un cahier des charges qui imposait un monstre à un moment donné du métrage. Il n’empêche que la mise en scène est dynamique et que certaines scènes caressent langoureusement notre rétine.
Au final, Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin est un excellent film. Il est très étonnant qu’il n’ait pas marché lors de sa sortie, mais cela peut s’expliquer par plusieurs causes. John Carpenter n’avait pas le vent en poupe après l’échec de The Thing, les plans com’ n’étaient pas raccord avec le métrage et surtout, le public ne s’attendait certainement pas à voir un anti-héros américain moqué et presque ridicule à côté du héros chinois. Cette accumulation a dû faire du mal à la réputation du film, dont l’échec poussera son réalisateur à fuir les studios. Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, ce film est quasi culte et qu’il reste une œuvre fidèle à la filmographie de son auteur, avec quelques maladresses, mais une générosité qui fait plaisir à voir.
Note : 17/20
Par AqME