février 9, 2025

L’Antre – L’Enfer du Faux-Documentaire

Titre Original : Antrum : The Deadliest Movie Ever Made

De : David Amito

Avec Nicole Tompkins, Rowan Smyth, Dan Istrate, Circus-Szalewski

Année : 2018

Pays : Canada

Genre : Horreur

Résumé :

Refusant d’accepter que sa chienne Maxine brûle désormais dans les fosses de l’enfer, le jeune Nathan, dévasté, est constamment tourmenté par des cauchemars et des visions infernales. Pour apaiser ses souffrances, Oralee, la grande sœur de Nathan, l’emmène dans les bois sinistres pour trouver l’endroit légendaire où Lucifer lui-même est tombé sur Terre lorsqu’il a été chassé du Ciel.

Avis :

Au même titre que le found footage, le faux documentaire est un genre cinématographique particulier où les responsables du projet aiment flouer les frontières entre la réalité et la fiction. Dans un registre horrifique, on songe à The Bay, The Troll Hunter ou encore Incident au Loch Ness. De manière générale, il s’agit d’un exercice qui ne fait guère dans la demi-mesure. On adhère au concept ou on le rejette en bloc. Pour ce dernier point de vue, le subterfuge du contexte ne prête pas à la tromperie, toute temporaire soit-elle. Avec L’Antre, on s’insinue dans le cinéma underground, plus précisément du film maudit dont la réputation le précède.

En l’occurrence, on appréhende un exercice similaire à La Rage du démon, film de Fabien Delage où l’on se penche sur l’une des réalisations perdues de Georges Méliès. Le long-métrage de David Amito et Michael Lancini emprunte les mêmes atours, du moins dans son enrobage introductif et sa conclusion. On expose au spectateur un contexte propre à la sortie du film, ainsi qu’à des évènements qui relèvent du fait divers. À l’appui, on illustre les propos à partir d’extraits de courts-métrages de Georges Méliès, de L’Enfer de Francesco Bertolini et d’Häxan de Benjamin Christensen. Par ailleurs, la singularité des faits se focalise sur une multiplication des morts fortuites par l’entremise d’un biais commun : la vision d’Antrum.

« Antrum se rapproche surtout de Last House on Dead End Street de Roger Watkins. »

En effet, il suffit d’assister à une séance pour passer ad patres, sombrer dans la folie ou subir un accident. À ce titre, l’introduction se pare d’un message d’avertissement qui dédouane le diffuseur de toutes responsabilités quant à d’éventuels préjudices. Le propos étant posé sur le caractère subversif de la bobine, on s’écarte du faux documentaire pour s’orienter vers un métrage « classique » de la période des seventies. On songe notamment à ce grain d’images particulier, propres aux pellicules 35 mm. D’emblée, cet aspect poisseux contribue à instaurer une ambiance dérangeante qui confère presque une aura de cinéma-vérité au présent film. Pour parfaire l’ensemble, on retrouve des instantanés pris sur le vif, ainsi qu’une mise en scène proche de l’amateurisme qui ne serait pas sans rappeler un snuff movie.

À vrai dire, Antrum se rapproche surtout de Last House on Dead End Street de Roger Watkins. On distingue le registre satanique et cette relation au mal aussi perturbante que déstabilisante. Néanmoins, le cadre et le traitement diffèrent sur bien des aspects. Preuve en est avec le lieu où, à l’image de Dante et de Virgile, les protagonistes s’avancent près des portes de l’enfer avant de les franchir. Même s’il s’agit plutôt de creuser dans le sol, la symbolique se révèle à travers la structure de la narration, décomposée en strates assimilées aux cercles de l’enfer. Plus les personnages creusent à l’endroit où Lucifer aurait été rejeté du Paradis, plus on s’insinue dans une progression aliénante.

« Antrum possède un aspect transgressif « 

Chaque incursion vise à flouer les perceptions de la réalité afin d’entrevoir les tourments infernaux du royaume de Lucifer. Ce dernier prend alors les atours des artefacts de notre environnement, comme pour mieux souligner les affres tortueuses de notre existence. De suicidés en psychopathes décérébrés, les créatures des ténèbres ne craignent pas d’agir en pleine lumière. Ce qui confère un caractère contrasté entre ces méandres forestiers clairsemés et ces séquences dantesques, semblables à des traits d’union entre des fantasmes déviants et des perspectives matérialistes tangibles. En ce sens, on peut évoquer la sculpture d’Astaroth, figure contemporaine du taureau d’airain.

Au final, L’Antre est un faux documentaire qui n’emprunte que la structure et les atours du genre. La mise en contexte interpelle dans le sens où elle contribue à parfaire l’aura délétère de cette production maudite, sorte de représentation moderne d’Orphée ou de La Divine comédie. Il est intéressant de constater que le rapport à l’image ne tient pas uniquement à la qualité intrinsèque d’un métrage, mais aussi à sa renommée. Antrum possède un aspect transgressif et son atmosphère se pare des scories de l’époque ; sauts de pellicules, bande-son discordante, photographie granuleuse et images subliminales où l’on insère de nombreux sigils d’Astaroth, en autant d’invocations sataniques sous-jacentes. Une incursion malsaine et néanmoins fascinante si tant est que l’on adhère à cet exercice cinématographique.

Note : 14/20

Par Dante

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.