Titre Original : The Zone of Interest
De : Jonathan Glazer
Avec Christian Friedel, Sandra Hüller, Johann Karthaus, Luis Noah Witte
Année : 2024
Pays : Angleterre, Pologne, Etats-Unis
Genre : Drame, Historique
Résumé :
Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.
Avis :
Jonathan Glazer est un cinéaste à part dans le paysage du cinéma international. Réalisateur libre, Jonathan Glazer réalise très peu, et chacun de ses films a marqué le public. Que ce soit « Sexy Beast« , « Birth » ou encore « Under the Skin« , chacun de ses films a offert quelque chose que l’on n’avait pas encore vu au cinéma. Dix ans après son dernier film, « Under the Skin« , Jonathan Glazer est de retour avec un film encore une fois très particulier. En 2014, Martin Amis publie un roman, « La zone d’intérêt« , et c’est ce roman que Jonathan Glazer va lire et donc décider d’en faire l’adaptation, et pour la première fois, le réalisateur britannique se confronte à l’histoire.
Parmi les événements de ce mois de Janvier, il y avait le nouveau film de Jonathan Glazer, film que personnellement, j’attendais avec beaucoup d’envie, et ça, malgré l’horreur de son sujet. Car oui, pour son nouveau film, Jonathan Glazer a choisi de nous entraîner dans le quotidien de la famille qui gérait le camp d’Auschwitz. L’idée était de filmer leur vie, leur humanité, ou leur manque d’humanité, et au-delà ça, de poser une réflexion sur le décalage total entre la vie paradisiaque de cette famille, qui est alors au sommet de son existence, et les horreurs qui se passaient juste derrière le mur qui jouxte leur sublime jardin.
« Il y a un sentiment de prétention qui s’invite »
Si l’idée est très bonne et ô combien pleine d’intérêt, malheureusement pour moi, je ne suis pas vraiment rentré dans le film de Jonathan Glazer, qui s’est posé comme long, très long, et avec ça, il y a un sentiment de prétention qui s’invite lors de cette séance, avec cette mise en scène minimaliste, qui parfois nous offre des moments qui se veulent suspendus et intelligents, alors que finalement, ils m’ont laissé un peu comme le chef de ce camp, sur une indigestion.
Rudolf Höss, sa femme Hedwig et leurs deux enfants, habitent une superbe maison, avec un grand jardin entretenu. Jardin dans lequel se trouve une piscine, un petit potager, et surtout au sein duquel on passe de belles après-midis où l’on peut y déguster un thé. Bref, les Höss ont une vie de rêve si l’on peut dire. Mais voilà, nous sommes dans les années 40, et cette belle maison jouxte le terrible camp d’Auschwitz-Birkenau, et Rudolf est celui qui dirige le camp…
Quelle déception que ce film. Jugé presque unanimement comme un chef-d’œuvre absolu, et bien me voilà particulièrement embêté à la découverte de cette « … zone d’intérêt« .
« L’ambiance sonore qui est vraiment très lourde. »
Pourtant, le film de Jonathan Glazer a de quoi vraiment piquer l’intérêt du spectateur que je suis. Le réalisateur nous revient avec une idée aussi terrible qu’elle est intéressante, puisqu’il a décidé de nous raconter la vie et le quotidien de ceux qui tenaient le camp de l’horreur, et en un sens, il y arrive bien. Enfin, du moins dans sa première demi-heure. « La zone d’intérêt » est un film qui nous présente une famille normale, simple et qui a des rêves, un peu comme tout le monde, le bonheur, une maison et des enfants heureux. De plus, dans le portrait que le réalisateur fait de ces personnages, on sent bien que ces derniers sont intelligents, cultivés et qu’ils ont voyagé.
Ensuite, il y a l’idée de nous raconter le quotidien, la vie et les sourires, face à l’horreur qui se passe juste derrière le mur qui borde leur jardin. Une horreur que personne ne semble prendre en compte, et pourtant, ce n’est pas ce qui manque, car si jamais Jonathan Glazer ne franchit les portes du camp en lui-même, on aura toutefois l’impression d’y être, grâce à l’ambiance sonore qui est vraiment très lourde. Hurlements et bruits de balles en permanence, aboiements de chiens, se font entendre, et cela nous met très mal à l’aise pendant tout le film. Avec ça, il y a aussi les discours de cette famille, et notamment celui de Hedwig, incroyablement tenue par Sandra Hüller. Des discours aussi fous qu’incroyables et terribles, où elle y parle de son paradis, qu’elle ne pouvait pas rêver mieux, pour elle et ses enfants, où elle est la Reine d’Auschwitz… Bref, c’est très dur et révoltant.
« Cette « … zone d’intérêt » tourne très vite en rond. »
Mais voilà, cette idée terrible, comme je le disais, au bout d’un moment, finit par s’essouffler, et cette « … zone d’intérêt » tourne très vite en rond. Certes, il y aura bien des moments où l’intrigue sort du camp, mais sur sa très grande partie, le film se situe dans la maison ou dans le jardin des Höss, et il ne s’y passe pas grand-chose. Alors il y a bien en permanence l’horreur sonore qui se fait entendre, mais finalement, ce que Jonathan Glazer veut raconter avec ce film et ces personnages, on l’a très vite compris, et comme il ne raconte pas autre chose, par la suite, il y a comme une attente qui se fait sentir. On reste là, à suivre ces personnages qui ne font rien et qui se congratulent eux-mêmes, et finalement l’ennui s’invite.
Un ennui qui est aussi poussé par la mise en scène de Glazer qui, comme il n’a plus grand-chose à raconter, multiplie les effets de style, à grands coups de panneaux de couleurs différents, de scènes en aparté avec un filtre infrarouge, ou encore de scènes dans le futur, de ce que sera Auschwitz. Ces effets de mise en scène qui se veulent audacieux m’ont laissé de marbre, comme s’il était de l’esbroufe pour habiller le reste de son film, et avancer sans faire un pas.
Ainsi donc, cette excellente idée, après une demi-heure, finit par retomber aussi vite qu’elle avait su nous attraper en début de film. Et finalement, je me dis que cette « … zone d’intérêt » aurait fait un court métrage qui aurait parfaitement résonné avec le mot chef-d’œuvre, mais cette idée étirée sur une heure quarante-cinq de film, finalement, fait du sur place, raconte la même chose sur tout son long, et quand elle essaie de raconter autre chose, les idées de Jonathan Glazer laissent planer la question du pourquoi. Dommage, vraiment dommage.
Note : 08/20
Par Cinéted