De : Barry Levinson
Avec Will Rogers, Kristen Connolly, Kether Donohue, Frank Deal
Année: 2013
Pays: Etats-Unis
Genre: Horreur
Résumé:
Dans la baie du Maryland, une bactérie non identifiée contamine le lac et ceux qui s’en approchent…
Avis:
Le found-footage, ou documenteur pour les plus français, est un procédé cinématographique qui sert à rendre plus crédible certaines séquences de la vie de tous les jours. Ainsi, le spectateur se retrouve au centre de l’action et doit percevoir de façon plus prégnante les émotions que le film véhicule. On peut citer l’excellent End of Watch de David Ayer par exemple ou encore le [Rec] de Jaume Balaguero et Paco Plaza. Seulement, au fur et à mesure du succès de ce procédé, les œuvres médiocres se sont succédées, usant jusqu’à la moelle l’idée d’un tel réalisme, et ne trouvant là qu’une excuse pour faire des films à moindre coût. The Baby, Paranormal Activity The Marked Ones, Tape 407, The Devil Inside, sont autant de films qui ne valent rien et qui ne surfent que sur une vague éphémère. Cependant, quand on voit un réalisateur de la trempe de Barry Levinson se mettre au travail après cinq ans d’absence sur un tel projet, on peut être curieux. Notamment parce que l’idée de faire un found-footage horrifique n’est pas pour être à la mode, mais simplement parce que le réalisateur devait réaliser un vrai documentaire sur la baie de Chesapeake, une zone naturelle morte, et que devant le constat effarant et le drame écologique, il a décidé de faire réagir la population avec une fiction tournée comme un documentaire. L’idée était-elle bonne?
On peut facilement dire que oui. Déjà parce que la raison de l’existence de ce film est louable et qu’elle ne vient pas de producteurs peu scrupuleux voulant se faire un max de thunes. Même si dans les faits, produire un found-footage en marquant par les producteurs de Insidious et Paranormal Activity, c’est fait pour attirer le chaland et donc faire un max d’entrées dans les salles. Ensuite, parce que fournir les rênes à un vieux briscard comme Barry Levinson (Sleepers, Good Morning, Vietnam, Sphère, Des Hommes d’Influence, Rain Man), c’est s’assurer une identité visuelle et une vraie marque de fabrique, s’éloignant des purs produits marketés pour la jeunesse. The Bay est donc un film qui part avec des bases saines, celles de faire un vrai film de cinéma et pas une note d’intention horrifique. Enfin, l’intelligence du réalisateur est de poser un vrai problème, celui de la baie de Chesapeake aux Etats-Unis, une zone naturelle morte qui n’a pas fait beaucoup de bruit à cause d’un gouvernement cachotier.
Et The Bay est très intelligent dans sa façon d’amener la réflexion sur les exactions des hommes sur la nature et la façon dont la politique étouffe les affaires pour ne pas déranger l’opinion publique. A l’aide d’un mélange d’images d’archive, le film montre comment l’homme pollue une baie (ici avec une industrie massive de poulets et des fientes déversées dans la baie) de façon volontaire et comment des images ont été censurées pour ne pas faire de bruit au niveau international. Les deux scientifiques sont crédibles, apportant ainsi des explications sur la pandémie qui sévit sur la petite ville et on ressent une profonde honte dans les aides apportées par l’état, demandant au médecin de quitter son hôpital et de laisser les gens infectés mourir. C’est très rude, mais cela montre bien la différence entre des gens impliqués dans la préservation de la nature et d’autres qui ne pensent qu’au tourisme ou au scandale que cela pourrait faire si l’affaire venait à s’ébruiter.
Mais amener à une réflexion aurait paru vain si le film n’était qu’une succession d’images d’archive et ne faisait rien ressentir au spectateur. Pour toucher le spectateur, Barry Levinson va alors tourner son film comme un film d’horreur, mais il va prendre à contre-pied tous les found-footage sortis précédemment. Ici, l’horreur est suggérée par des bruits, des gens qui ne savent plus quoi faire pour guérir et les images montrent ce qui pourrait s’apparenter à une invasion zombie ou à une sorte de fin du monde. Si gore il y a, c’est à travers quelques images fixes, notamment sur certains cadavres ou des plaies béantes de personnes en train d’agoniser. Là-dessus, le réalisateur ne fait aucune concession, tuant aussi bien les enfants comme les adultes avec une bestiole, un isopode qui existe vraiment. Afin de donner encore plus de crédit à son métrage, Barry Levinson s’est inspiré d’une vraie créature (absente de la baie tout de même) qui mange les langues des poissons, puis tout le corps. Tout cela pour bien mettre en avant que les méfaits de l’homme sont toujours punis et que l’on n’est pas forcément en haut de la chaîne alimentaire lorsque la nature est bousculée.
Alors certes, The Bay n’est pas parfait non plus. Le found-footage montre rapidement ses limites, notamment dans la mise en scène. Si certaines séquences sont assez fortes, on reste sur du déjà-vu, malgré les différentes prises de vue et les différents médiums utilisés. On peut aussi se poser sur l’utilisation de la musique, qui appuie des tensions, mais qui semblent inappropriée sur un found-footage. Enfin, au niveau du casting, on reste sur quelque chose d’assez classique. Personne ne marque vraiment, malgré quelques têtes connues comme Kristen Connolly (La Cabane dans les Bois, House of Cards) et on aura un mal fou à s’attacher à certaines personnes. Du coup, le film mise vraiment sur sa réflexion et non pas sur les émotions véhiculées.
Au final, The Bay est un film relativement intéressant malgré son aspect documenteur assez détestable. Néanmoins, Barry Levinson utilise ce procédé avec intelligence, ne faisant jamais dans le jump scare facile et suggérant l’horreur plutôt que de faire du frontal, ce qui aurait été inutile. Rares sont les films qui allient l’horreur à la réflexion environnementale et pour le coup, The Bay apporte un fond salvateur au found-footage, se hissant parmi les meilleurs de ce sous-genre.
Note: 15/20
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=ctkkn1qSYKw[/youtube]
Par AqME
Une réflexion sur « The Bay »