Titre Original : Picnic at Hanging Rock
De : Peter Weir
Avec Rachel Roberts, Dominic Guard, Helen Morse, Jacki Weaver
Année : 1975
Pays : Australie
Genre : Drame
Résumé :
En Australie, Hanging Rock est une montagne sacrée, autrefois lieu de culte des aborigènes. Le 14 février 1900, les élèves d’une école de jeunes filles y partent en excursion afin de pique-niquer. Une fois sur place, plusieurs d’entre elles sont comme étrangement attirées par les rochers. Trois des élèves, accompagnées d’une professeure, s’engouffrent dans les passages dessinés par les monolithes. C’est au retour à l’école que l’on se rend compte que les quatre jeunes femmes manquent à l’appel. Des battues sont organisées pour les retrouver ; la police enquête. L’une d’entre elles est bientôt retrouvée, totalement amnésique…
Avis :
S’il y a bien un pays dont le cinéma est relativement âpre et percutant, c’est l’Australie. Il faut dire que l’industrie du septième art ne s’est pas toujours bien portée là-bas, puisque dans les années 60, le domaine a fait face à de grosses difficultés financières, ne permettant pas de faire de gros longs-métrages. Fort heureusement, dans les années 70, l’état injecte beaucoup d’argent, et permet de sortir près de 400 films en quinze ans. Pique-Nique à Hanging Rock fait partie de cette vague, et va permettre à Peter Weir de sortir de l’anonymat, malgré un précédent film, Les Voitures qui ont Mangé Paris. Se déroulant durant la St Valentin en 1900, ce deuxième film pour le réalisateur est un savant mélange entre drame, thriller et fantasme onirique. Auréolé d’un Bafta de la meilleure photographie en 1977, Pique-Nique à Hanging Rock est un film envoûtant et bourré de métaphores sexuelles.
L’histoire débute dans une école pour filles, perdue au fin fond de l’Australie. Tenue par une directrice aux méthodes strictes, elle autorise les filles à partir faire un pique-nique à Hanging Rock, rocher volcanique vieux de plusieurs millions d’années et sujet à de nombreuses légendes. Sur place, les filles se reposent, s’amusent, et quatre d’entre elles vont explorer l’endroit. Mais une seule revient, blessée et paniquée. Des recherches sont alors lancées pour retrouver les trois élèves manquantes. C’est la base de cette histoire qui va débuter comme une sorte de romance fantasmée, avec des filles qui se préparent à sortir, s’aidant à mettre des corsets, tout en lisant des lettres d’amour. Peter Weir pose les jalons de son script, où la sexualité n’est jamais mise en avant, mais prône un érotisme puritain qui appelle au désir. Un désir qui risque de coûter cher.
« Peter Weir affine sa mise en scène pour magnifier ses actrices. »
Le film va alors se découper en trois morceaux qui s’entrecroisent pour former un tout avec des conséquences pour tout un chacun. D’un côté, on aura les filles lors de leur pique-nique, qui veulent un peu de liberté, et vont se dénuder petit à petit, enlevant gants, puis chaussures, puis collants. Peter Weir affine sa mise en scène pour magnifier ses actrices et les plonger dans des décors naturels impressionnants, qu’il sublime comme des tableaux impressionnistes. C’est là tout le charme du film, qui nous capte par des images incroyables, avec un travail sur la lumière incroyable. Tout est beau. Tellement que l’on se croit plongé dans un rêve éveillé qui va rapidement tourner au cauchemar pour les filles. Nous rappelant que le monde est cruel, et la nature vicieuse, avec de constants sous-entendus sur les serpents et autres araignées.
D’un autre côté, on va croiser le chemin de deux garçons, un palefrenier à la solde d’une riche femme, et le neveu de cette dame, qui lie de forts liens d’amitié avec l’écuyer. Ici, le scénario va être très cryptique autour de ces deux garçons. En premier lieu parce qu’il crée une forte tension sexuelle entre eux. L’échange de bouteilles d’alcool, les regards qu’ils se lancent, le fait d’être constamment collé l’un à l’autre, plusieurs détails tendent à nous faire croire qu’ils sont amoureux. Sauf que lorsque les filles arrivent, le réalisateur change son fusil d’épaule, et en une scène très courte, on va penser que ces deux garçons ont une quelconque responsabilité dans la disparition des trois jeunes femmes. Petit à petit, le scénario va renverser la situation, afin que l’on passe par divers stades concernant ces deux jeunes hommes.
« On a vraiment l’impression de plonger dans un rêve fantasmé. »
Enfin, on va aussi avoir tout un pan d’histoire avec la directrice de l’établissement, qui n’accompagne pas les élèves, et reste dans l’école avec une jeune femme particulièrement forte tête. On va alors apprendre davantage sur cette élève qui refuse d’apprendre une poésie, qui se donne corps et âme à l’écriture, et qui est secrètement amoureuse d’une des élèves. Là encore, les pulsions sexuelles sont réfrénées, et elles ne sont que sous-entendues, mais c’est elles qui seront à la base d’une fin tragique. Une fin violente, aux répercussions dramatiques, qui pointe du doigt l’intolérance et la dangerosité de taire ses sentiments. Peter Weir, à l’image du cinéma australien, offre un final bouleversant, qui ne mâche pas ses mots et ses images pour dénoncer une société archaïque qui, in fine, tue. Et faire cela avec une telle beauté dans l’image est un coup de maître.
Il faut ajouter à cela que le film est porté par une bande-originale subtile, qui utilise principalement la flûte de Pan. Là encore, il est difficile de ne pas y voir une métaphore autour de la sexualité, avec de demi-dieu aux pieds de bouc. Cependant, les sonorités douces aigues accompagnent merveilleusement bien l’histoire, qui rend la chose encore plus onirique. On a vraiment l’impression de plonger dans un rêve fantasmé qui se transforme petit à petit en un cauchemar de plus en plus tragique. Le casting est lui aussi parfait, Peter Weir étant allé chercher des filles dans la campagne australienne, refusant alors de prendre des professionnels, pour retrouver une certaine candeur, et une naïveté qui fait tout le charme de ces jeunes femmes, dont on sent les hormones en ébullition.
Au final, Pique-Nique à Hanging Rock est une vraie pépite du genre. Ce deuxième film pour Peter Weir est une pure réussite car il évite soigneusement de faire dans le frontal, tout en ayant une critique acerbe d’une société bourgeoise qui brime les sentiments et les corps. Choisissant une démarche très picturale, jouant constamment sur les métaphores et les sous-entendus, le réalisateur australien offre une approche onirique et éthérée très sensible qui touche profondément le spectateur.
Note : 17/20
Par AqME