novembre 4, 2024

Les Chroniques de Sherlock

D’Après une Idée de : Nurbek Egen

Avec Maksim Matveev, Vladimir Mishukov, Irina Starshenbaum, Pavel Maykov

Pays : Russie

Nombre d’Episodes : 8

Genre : Policier

Résumé :

Jack l’Eventreur laisse derrière lui plusieurs victimes et s’échappe de Londres à Saint-Pétersbourg . Sherlock Holmes laisse le docteur Watson en Angleterre et poursuit le meurtrier jusqu’en Russie. Là-bas, il rencontre le docteur Kartsev, à qui il loue une chambre. Le Dr Kartsev commence à l’aider à résoudre des crimes très étranges, déroutants et compliqués.

Avis :

Dans la réalité, comme dans la fiction, la période victorienne a marqué l’histoire de bien des manières. En littérature, l’œuvre d’Arthur Conan Doyle avance la création d’un personnage mythique, à la popularité inégalée et constante jusqu’à nos jours. En parallèle, l’époque a donné lieu à des évènements majeurs, notamment en matière de criminologie avec les meurtres de Whitechapel. Étant donné le contexte et le cadre communs, il paraissait inévitable de voir se confronter Sherlock Holmes et Jack L’Éventreur. Au-delà de plusieurs dizaines de romans et nouvelles, cette histoire a fait l’objet de déclinaisons théâtrales, vidéoludiques et cinématographiques. Pour cette dernière catégorie, on songe, entre autres, à Sherlock Holmes contre Jack l’Éventreur de James Hill, mais surtout à Meurtre par décret.

Les Chroniques de Sherlock prend donc pour point de départ cette idée où, bien vite, le détective privé est amené à quitter Londres pour traquer le tueur en série jusqu’à Saint-Pétersbourg. On délaisse ainsi le cadre habituel et les protagonistes qui nous sont familiers. Pour autant, on retrouve leurs pendants russes avec l’inspecteur de police, passablement incompétent et imbu de sa personne, ou du fidèle médecin, prêt à assister Sherlock Holmes dans ses investigations. Au fil des épisodes, on distingue plusieurs parallèles qui permettent de faire le rapprochement avec les fondamentaux de l’œuvre originale. Cependant, il ne s’agit pas de reprendre le canon holmésien, mais de fournir une libre adaptation, même si cette dernière aurait pu s’inscrire dans le Grand Hiatus.

Cela étant dit, l’enquête sur Jack L’Éventreur constitue l’amorce avant de se pencher sur d’autres crimes. Construite sur 8 épisodes, la série consacre deux d’entre eux pour chaque affaire. En cela, la gestion du suspense est plutôt bien entretenue, tandis que la mise en place s’avère méticuleuse. De plus, ce format permet aussi de développer la caractérisation des intervenants dans de bonnes conditions. Si les investigations demeurent inédites, on notera que l’approche est beaucoup plus ténébreuse qu’à l’accoutumée. Cela tient au modus operandi des criminels, ainsi qu’à cette brutalité explicite dans les rues de Saint-Pétersbourg. À ce titre, le dénuement ambiant, l’autoritarisme du régime tsariste et autre clivage social sont parfaitement représentés à l’écran.

Certes, les enquêtes londoniennes de Sherlock Holmes officiaient dans un contexte similaire. Cependant, il se dégage une violence autant physique que psychologique qui se détourne du polar historique pour s’orienter vers le thriller contemporain. On le constate avec cette manière d’appréhender les assassinats, l’exposition des corps suppliciés ou les moyens à l’ingéniosité plus ou moins subtile pour tuer. Tour à tour sépulcrale, puis poisseuse, la photographie joue également sur cette atmosphère réaliste, loin de tout idéalisme lié à cette époque. Les ambiances et la tonalité générale subissent de nombreuses variations au détour d’une venelle, lors de la poursuite d’un suspect sur les toits ou en appréhendant le charme compassé des maisons de maître.

Quant à la mise en scène, elle s’appuie souvent sur un cadrage rapproché qui surprend. Si le principal effet est de symboliser l’aveuglement initial en début d’enquête, il réduit le champ de vision pour dissimuler quelques scories propres à des décors non naturels et un tournage majoritairement effectué en studio. En certaines circonstances, plusieurs passages ont du mal à se départir d’un caractère artificiel. Cela vaut essentiellement pour les séquences en extérieur, où l’on a tendance à retrouver des environnements similaires. En guise d’accompagnement sonore, on regrette des compositions modernes bancales. C’est le cas d’une incursion hip-hop qui affiche un contraste maladroit entre les rythmiques de la musique urbaine et l’évolution dans les rues de la Venise de la Baltique.

Autre élément qui scinde avec l’image de précédentes adaptations : l’orientation de la caractérisation. En effet la narration privilégie un Sherlock Holmes jeune, impétueux et… plus humain. Si ses capacités de déduction sont présentes, elles trouvent également leurs limites. Ce qui l’oblige à recourir à l’aide de ses homologues, quitte parfois à aller à l’encontre de ses valeurs. Une occurrence presque inédite, voire endémique à cette production russe. Incarné par Maksim Matveev, Sherlock Holmes se veut aussi moins asocial. Il présente même quelques ambitions sentimentales, et ce, bien avant sa rencontre avec Irène Adler. Quant à son look, il alterne entre un style vestimentaire sophistiqué et un physique « négligé » pour le personnage, cheveux mi-longs et barbe de trois jours à l’appui.

Au final, Les Chroniques de Sherlock est une série policière historique qui détonne, en comparaison de la longue lignée des adaptations cinématographiques et télévisuelles de l’œuvre d’Arthur Conan Doyle. Si l’on reste ancré dans un XIXe siècle miné par les problèmes politiques et sociaux, le traitement s’oriente vers une approche contemporaine. Cela tient, entre autres, à la mise en scène, à l’exposition des investigations ou à cette violence explicite au fil des enquêtes. Toutefois, on dénote quelques maladresses, dont des errances caricaturales, le surjeu d’une partie du casting ou une bande-son anachronique. Il n’en demeure pas moins une incursion attrayante qui s’affranchit du modèle originel. Pour ne rien gâcher, toutes les affaires présentent un intérêt constant et profitent d’un travail soigné quant à leur progression.

Note : 14/20

Par Dante

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