avril 27, 2024

Oranssi Pazuzu – Mestarin Kynsi

Avis :

Certains groupes de musique sont parfaitement inclassables. Soit parce qu’ils varient leur genre à chaque nouvel album, voire sur chaque piste d’un même album, soit parce qu’ils mélangent des genres antinomiques pour former un conglomérat inédit et un son inédit. C’est clairement le cas d’Oranssi Pazuzu, groupe finlandais qui a vu le jour à la fin des années 2000. Dès leur premier album, il a été compliqué de ranger la formation dans une case, tant il emprunte à de nombreux genres. Dans les faits, on pourrait dire qu’Oranssi Pazuzu est un mélange de Black Métal, de Métal Progressif, avec des touches de Rock Psychédélique et d’Ambiant Folk. Un sacré melting-pot qui s’éloigne de tous les carcans que l’on puisse connaître. En 2016, les finlandais avaient surpris tout le monde avec l’un des meilleurs albums de l’année, et ils étaient forcément attendus au tournant.

Mestarin Kynsi est donc le cinquième album d’Oranssi Pazuzu, et la première chose qui frappe, c’est le petit nombre de pistes, seulement six, mais la durée excessive de l’album, qui dépasse les cinquante minutes. De ce fait, aucune piste ne fait moins de sept minutes, ce qui annonce un travail protéiforme qui va prendre son temps pour développer son ambiance et ses sonorités. Et c’est le cas dès le premier titre. Ilmestys peut se voir comme un voyage dans un univers éthéré et très sombre. L’ambiance posée est lourde, froide, avec des bruits de vent en fond sonore qui viennent peaufiner une atmosphère mortifère. La redondance du riff avec une batterie lourde va accentuer ce sentiment de malaise, que viendra enfoncer une voix de crécelle qui résonne comme une litanie de sorcière. Le groupe nous place devant une sorte de sabbat assez inattendue et qui fait peur.

C’est d’ailleurs l’une des forces de ce titre, de nous prendre aux tripes et de ne jamais nous lâcher. La petite nouveauté viendra d’ajouts de nappes électro, qui pourraient nous sortir du trip, mais qui renforcent ce sentiment de noirceur. C’est suffisamment bien fichu pour nous cueillir et nous interpeller. Il faudra tout de même attendre près de quatre minutes pour que les choses s’enveniment avec un gros riff sauvage et un rythme qui s’emballe pour plonger à cœur perdu dans un Black travaillé et complexe. Tyhjyyden Sakramentti va continuer ce travail de sape avec des élans qui pourraient faire penser à du Drone, ce sous-genre du métal qui consiste à user jusqu’à la lie une même sonorité. Pour autant, les finlandais s’en sortent à merveille avec une ambiance particulière et quelques saillies virulents qui viendront ponctuer le tout. Par contre, c’est long, avec plus de neuf minutes.

Puis Uusi Teknokratia va pousser le bouchon encore plus loin, en dépassant les dix minutes, et en utilisant de plus en plus de matériaux électro. On aurait pu croire que cela allait dénaturer le côté Black, mais pas du tout, car les effets vocaux sont bien utilisés pour peaufiner une ambiance malsaine, et on retrouvera quelques éléments de Métal Psychédélique quand les guitares s’emballent. Le mélange peut se voir comme si Kadavar revenait d’entre les morts, le tout sous la houlette d’un nécromancien lubrique. C’est déroutant, notamment dans le break qui possède un aspect très organique, et pour autant, ça fonctionne à plein régime et ça interroge. Avec cet album, on vit réellement une expérience musicale à la fois étrange mais intéressante, qui ne se contente pas d’un seul genre et s’éloigne volontairement de tous les carcans musicaux connus. Et rien que pour ça, Oranssi Pazuzu mérite d’être écouté.

Néanmoins, tout n’est pas parfait non plus. Ce n’est pas le genre de groupe que l’on va conseiller à un néophyte qui veut rentrer dans le Black. Il y a parfois de l’abus dans la durée des titres, et on sent que ça rallonge pour faire bien. Si l’ambiance est toujours très bien organisée, c’est parfois trop long à se mettre en place, comme sur Oikeamielisten Sali, dont l’introduction dure trois plombes. Et on ne parle même pas du fond sonore purement électro de Kuulen Ääniä Maan Alta qui peut en rebuter plus d’un, alors que clairement, cela s’associe à merveille avec le style de la formation et les élans violents que possède le titre. Cependant, Taivaan Portti, qui clôture l’album, sera un vrai chemin de croix, avec une durée inutilement longue et une sonorité redondante qui donnera plus la migraine qu’autre chose.

Au final, Mestarin Kynsi, le dernier album en date d’Oranssi Pazuzu, est encore une fois une expérience musicale unique et étrange. Le groupe surprend en utilisant de plus en plus un matériel électro qui vient peaufiner une ambiance dark et pesante, et l’ensemble est massif, peut-être un peu trop. Certes, on retrouve tout le talent du groupe pour surprendre avec de longues plages labyrinthiques, mais parfois, on se perd un peu et la redondance des riffs, à la manière d’un Drone Métal poussif, peuvent en laisser plus d’un sur le carreau. Bref, un album intéressant, mais qui pêche par excès.

  • Ilmestys
  • Tyhjyyden Sakramentti
  • Uusi Teknokratia
  • Oikeamielisten Sali
  • Kuulen Ääniä Maan Alta
  • Taivaan Portti

Note : 13/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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