avril 27, 2024

Nosferatu – Fantôme de la Nuit

Titre Original : Nosferatu – Phantom der Nacht

De : Werner Herzog

Avec Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor

Année : 1979

Pays : Allemagne, France

Genre : Horreur

Résumé :

Au XIXe siècle, Jonathan Harker se rend en Transylvanie pour vendre un manoir au comte Dracula. Sur la route, les villageois lui conseillent de rebrousser chemin mais le jeune homme refuse. Au moment de la signature, Dracula aperçoit un portrait de la fiancée de Harker, identique en tous points à sa défunte épouse. Jonathan est fait prisonnier et le comte se rend à Londres pour retrouver la jeune femme.

Avis :

Existe-t-il relation plus compliquée que celle qui a uni Klaus Kinski au réalisateur Werner Herzog ? Tout cela a commencé en 1972, lors du tournage de Aguirre, la Colère des Dieux. A la fin du tournage, le torchon brûle entre les deux hommes, le cinéaste annonçant que le comédien était hystérique. Pourtant, l’association des deux individus va donner un chef-d’œuvre, lançant la carrière de Herzog à l’internationale. Il faudra alors attendre 1979 pour que les deux hommes se retrouvent, autour de trois films successifs, dont deux la même année. En premier lieu, on trouvera un drame éprouvant mettant en scène un soldat qui sombre dans la folie avec Woyzeck. Puis en 1982, Fitzcarraldo va mettre tout le monde d’accord tant le film est un chef-d’œuvre. Et entre ces deux longs-métrages, Herzog propose un remake du Nosferatu de Murnau, avec Klaus Kinski dans la peau du célèbre comte Dracula.

Il est toujours compliqué de se confronter à une œuvre séminale, qui a contribué à développer le cinéma d’horreur, mais aussi le cinéma expressionniste allemand. Et si Werner Herzog a une certaine légitimité dans cette réadaptation du fait de ses origines allemandes, on aurait pu craindre un film moins fort, trop moderne face à une fable horrifique qui a posé les bases du vampire au cinéma. Ici, le pitch reste sensiblement le même, avec Jonathan Harker qui se rend en Transylvanie pour vendre une maison au comte Dracula. Ce dernier, en voyant une photo de Lucy, la femme de Harker, tombe immédiatement amoureux, et décide de se rendre à Wismar pour en faire sa nouvelle proie. Avec lui, il emmène des rats qui répondront la peste. On reste dans un bon mélange entre le roman de Bram Stoker et le film de Murnau, tout du moins dans l’écriture du récit.

« Werner Herzog va sublimer sa mise en scène. »

Un récit qui se veut plus sensuel que son ainé, en plantant une Isabelle Adjani sublime, cause du déplacement du comte, en manque d’amour, vivant son éternité comme une malédiction, car il ne peut mourir, mais il ne peut aussi avoir d’amour infini, de par sa nature, mais aussi de par son physique ingrat. Pour autant, on ressent ce besoin charnel auprès de la créature, qui va se laisser aller à ses pulsions, que ce soit avec des hommes ou des femmes, n’arrivant jamais à réprimer son côté bestial. Afin de sublimer cet aspect sensuel, Werner Herzog va sublimer sa mise en scène, surtout lorsque Isabelle Adjani est à l’écran. A la fois diaphane lorsqu’elle marche comme une âme errante le long de la plage, et hypnotisante avec son regard bleu quand il faut se montrer forte, l’actrice est magnétique, et Werner Herzog sait comment la mettre en valeur.  

La réalisation est aussi un point fort de ce film, qui s’inspire bien évidemment de l’expressionnisme allemand, avec de nombreuses ombres portées qui font écho au cinéma de Murnau. Mais le réalisateur ne va pas se contenter de rendre hommage, il va aussi mettre en place des séquences marquantes et qui font froid dans le dos. Lorsque Jonathan Harker se rend au château du comte, la rencontre est glaciale, avec un habile jeu de lumières, où Nosferatu se révèle dans un noir profond, avec son visage émacié et sa gestuelle arachnide. Si Klaus Kinski est incroyable dans ce rôle, offrant une interprétation animale effroyable, la mise en scène du réalisateur est excellente, sachant faire naître la frayeur d’un simple regard, ou d’un plan-séquence simple mais terriblement efficace, notamment quand Bruno Ganz fait face à Dracula alors qu’il s’est entaillé le doigt.

« Werner Herzog arrive à transcender le côté horrifique. »

La deuxième moitié du film va plus jouer sur l’épidémie de peste et l’arrivée étrange de Nosferatu dans la ville. Si le voyage en mer est vite éludé, on n’aura droit à une épidémie de peste qui sera plus suggérée qu’autre chose, à travers notamment des tableaux magnifiques et un défilé de cercueils qui fait plus penser à une danse qu’autre chose. Werner Herzog arrive à transcender le côté horrifique par quelque chose de presque beau dans son macabre. Et on notera aussi une mise en scène plus lumineuse, qui fait moins appel au noir et à la nuit, montrant que la figure féminine rayonne ici, apportant même de l’amour dans le cœur de la plus perfide des créatures. Encore une fois, la mise en scène est parfaitement pensée, apportant un réel plus au film de Murnau, et jouant constamment sur les sentiments et les personnages.

Des personnages forts, qui gravitent tous autour d’une seule et même personne : Lucy. Si Isabelle Adjani est incroyable (on l’a déjà dit), son rôle est central à l’intrigue du film, car c’est à cause d’elle que Dracula arrive en ville, et c’est grâce à elle que la malédiction va être levée. Du moins partiellement, Herzog jouant la carte du twist plus ou moins nihiliste sur la toute fin. Mais en sous-texte, le film jouit de thèmes particulièrement intéressants, et très en avance sur son temps. Via le sacrifice de Lucy, on peut y voir une superbe métaphore de l’amour. L’amour de son homme, que l’on souhaite sauver d’une malédiction, mais aussi l’amour des autres, pour sortir toute une ville de sa torpeur. Et comment ne pas y voir aussi un message féministe, montrant que la femme est plus forte et intelligente que l’homme.

Au final, Nosferatu – Fantôme de la Nuit est un excellent remake, doublé d’un très bon film. Werner Herzog se réapproprie le mythe de façon iconoclaste, avec une mise en scène sublime et des plans qui le sont tout autant. Plus sensuel que son illustre aîné, le film joue plus sur les sentiments et convoque une créature plus fragile qu’il n’y parait. Klaus Kinski est absolument formidable dans ce rôle qu’il endosse avec maestria, et Isabelle Adjani est magnétique au possible, le réalisateur la sublimant à chaque plan. Bref, un film brillant qui n’a pas pris une ride.

Note : 18/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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