Auteur : Nikopek
Editeur : Ankama
Genre : Horreur
Résumé :
1989, Rosebud, Montana.
Gavin, 20 ans, se rend à la police et passe aux aveux : il aurait tué son beau-père, sa mère et ses demi-frère et sœur. Il dévoile alors les événements des jours qui ont précédé son acte et les raisons qui l’ont poussé à commettre l’irréparable… Et ce qui ne devait être qu’un simple interrogatoire pour l’inspecteur Dumond, va progressivement sombrer dans la noirceur d’un récit fantasmagorique dont personne ne sortira indemne.
Et vous, êtes-vous prêt à connaître la vérité ?
Avis :
Depuis quelques années maintenant, on se retrouve avec une sorte de revival nostalgique des années 80. Tout d’abord à travers des séries qui se déroulent dans cette époque (coucou Stranger Things), mais aussi avec des tropes qui reviennent de façon incessante, à l’image de couleurs vives, de néons et autres histoires que l’on pourrait presque qualifiées de bis. Car oui, les années 80, c’est l’avènement des vidéoclubs, des bornes d’arcade et d’une certaine liberté créatrice permettant de sortir tout et n’importe quoi au cinéma ou à la télé. Une époque bénie pour certains, permettant alors aujourd’hui de jouer avec cette nostalgie. Le problème, c’est que parfois, en voulant jouer sur cette fibre, on se retrouve avec des œuvres qui caresse le spectateur (ou le lecteur) dans le sens du poil, sans rien raconter de nouveau. Est-ce le cas d’Arcadium de Nikopek ?
Créateur de la sympathique série Rockabilly Zombie Superstar, Nikopek revient avec un one shot dense, qui est à la lisière entre la BD franco-belge et le comics, pour nous raconter les déboires de Gavin, un jeune adulte vivant à Rosebud dans le Montana. Ce dernier se rend à la police dès les premières planches, afin d’avouer le meurtre de sa famille. Il va alors raconter son histoire qui tourne autour d’une borne d’arcade maudite et d’univers parallèles lui promettant une vie meilleure. La couverture et l’auteur ne mentent pas sur la marchandise, on va vivre une plongée dans la fin des années 80, avec tous les clichés qui vont avec. Mais des clichés qui sont plutôt intelligemment intégrés, permettant alors de tisser un constat social assez triste, voire dramatique, et de ne pas sombrer dans une nostalgie opportuniste, comme ça aurait pu être le cas.
De ce fait, Arcadium se pose tout d’abord comme une dramatique tranche de vie autour d’un gamin qui va subir de plein fouet le coming of age. Gavin vit une vie misérable, entre un beau-père alcoolique et violent, une mère courage qui subit et un demi-frère qu’il ne peut pas blairer. Il bosse dans un vidéoclub miteux avec un patron assez sympathique, mais libidineux sur les bords. Et surtout, il n’arrive pas à draguer Nancy, l’amour de sa vie, qu’il fait plus fuir qu’autre chose. Nikopek dresse un portrait peu élogieux d’un gamin qui ne trouve pas sa place dans la société, et pour qui personne ne fait rien. Une vie faite de débrouilles, de films d’horreur pour échapper à ce monde dans lequel il ne se trouve pas et de soirées entre potes où là aussi, ce n’est pas la joie.
L’auteur montre alors la difficulté de grandir dans un cadre social assez pauvre, et sans perspective d’avenir. A ce stade, Arcadium se pose comme un drame social plutôt addictif, qui pioche dans le cinéma américain indépendant, en retranscrivant parfaitement la fin des années 80. L’horreur va alors arriver de façon assez insidieuse, à l’aide de planches sporadiques qui baignent dans le rouge sang. On a la sensation que ce sont des hallucinations qui prennent racine dans le cerveau malade de Gavin, et cela va venir ponctuer le récit de façon maline, instaurant alors une atmosphère malsaine. Nikopek gère parfaitement cela, donnant un rythme de lecture soutenue, entre une réalité morose et un monde virtuel qui va utiliser tous les tropes horrifiques que l’on connait, jusqu’à l’utilisation (un peu inutile, il est vrai) des bois de cerf pour le design d’une créature maléfique.
Ces assertions horrifiques sont bien fichues et viennent construire un monde imaginaire glauque, auquel on a du mal à faire confiance. Là encore, l’auteur use de certains gimmicks propres au cinéma d’horreur, avec un logo qui réapparait, un compte-rebours annonçant une fin inéluctable et une créature qui ressemble un peu trop à Vecna de Stranger Things. Mais malgré cela, entre la colorisation et le talent du dessinateur, on se laisse porter par cet univers. Le seul défaut que l’on pourra trouver au sein de ce récit, c’est finalement sa fin. Car même si on trouvera notre compte en ce qui concerne le gore et les passages craspecs, on restera dubitatif sur l’aspect cryptique de la résolution. Les enchainements vont trop vite, on ne comprend plus trop ce qui se passe, et le cliffhanger final tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.
Au final, Arcadium est une BD qui souffle le chaud et le froid, mais qui a de très bons côtés sur lesquels on préfère s’attarder. Car hormis une fin trop complexe et quelques tropes trop clichés, on est sur une histoire bien fichue, qui apporte de l’importance à son fond, celui d’un garçon à la vie peu envieuse et à l’avenir sans issue joyeuse. Bref, Nikopek signe une BD bourrée de qualités, qui utilise à fond son côté 80 non pas pour jouer sur une nostalgie opportuniste, mais plus pour tisser une histoire qui a du sens, utilisant l’horreur comme seule échappatoire.
Note : 15/20
Par AqME