Auteur : P. Djeli Clark
Editeur : L’Atalante
Genre : Steampunk
Résumé :
Égypte, 1912. Après L’Étrange Affaire du djinn du Caire, nous revoici en compagnie des agents du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, aux prises cette fois avec un spectre mystérieux qui a élu domicile dans un tramway du service public.
Tandis que dans les rues du Caire les suffragettes revendiquent haut et fort le droit de vote, l’agent Hamed Nasr et son nouveau partenaire l’agent Onsi Youssef devront délaisser les méthodes conventionnelles et faire appel à des consultantes inattendues (ainsi qu’à une automate hors du commun) pour comprendre la nature du dangereux squatteur de la voiture 015 et pour le conjurer.
Avis :
En règle générale, le steampunk est associé à une reconstitution fantasmée de l’Europe du XIXe siècle, voire à l’aune du XXe siècle. De révolutions industrielles en innovations technologiques, les auteurs versés dans ce courant de la littérature imaginaire aiment à déstabiliser les repères historiques, les faits réels plus ou moins connus de leur lectorat. Étroitement lié à l’uchronie, il en ressort des récits inventifs, audacieux ; le plus souvent teintés de légèreté et d’aventures. Sans s’affranchir des fondamentaux du steampunk, Phenderson Djeli Clark propose une incursion autrement plus dépaysante avec Le Mystère du tramway hanté, où les temps modernes s’immiscent dans les faubourgs étouffants et colorés du Caire…
Ce court roman s’intègre dans la saga du Ministère égyptien de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, inaugurée avec L’Étrange Affaire du djinn du Caire. Historien de formation, l’auteur use de ses connaissances afin d’étayer un monde alternatif où l’Égypte de 1912 s’arroge de faux airs du Metropolis de Fritz Lang. Des bâtiments tout en hauteur, des lignes de tramway qui se frayent un chemin dans les rues du Caire et, de temps à autre, des dirigeables aux allures de baleines flottantes qui viennent griffer le ciel… L’aspect technologique est d’autant plus marquant qu’elle côtoie un environnement qui préserve une architecture traditionnelle propre au Moyen-Orient, sans oublier ce parfum d’aventures qui en émane.
Mais d’aventure, elle sera surtout paranormale, du moins dans un premier temps avec cette curieuse affaire où un wagon de tramway s’avère hanté, peut-être possédé. Même dans un contexte aussi singulier, ces phénomènes surnaturels détonnent dans le paysage égyptien. L’histoire suit tout d’abord des investigations fondées sur la rigueur des enquêteurs. Cela tient essentiellement à l’analyse des faits et l’observation du cadre pour y distinguer un semblant d’explications. De fait, les manifestations ne tardent pas à bousculer les a priori et l’opinion d’un duo aux personnalités contrastées. Bien que l’on atteigne à peine la centaine de pages, leur portrait est correctement dépeint.
Face à un panel d’intervenants, témoins et spécialistes de tous horizons, leurs interactions demeurent vraisemblables et complémentaires. Le travail est assez dense pour concilier une caractérisation soignée, des descriptions immersives et quelques passages plus nerveux pour dynamiser l’ensemble. On y dénote une certaine aisance et maîtrise de l’écriture. Ce qui induit un enthousiasme manifeste à créer un Caire alternatif, habité de créatures fantasmagoriques. À ce titre, celles-ci trouvent leur inspiration dans la mythologie arabique, tandis que le traitement se rapproche de la culture occidentale. On songe aux méthodes d’investigation modernes pour enquêter sur un phénomène d’apparence paranormale.
Cependant, la faible épaisseur de l’intrigue amène néanmoins à faire des concessions évidentes. Les aboutissants surviennent rapidement et confirment la simplicité de l’affaire. L’ensemble a beau être rythmé, auréolé d’une formidable atmosphère, il n’en demeure pas moins que les révélations prêtent à peu de conséquences. Cette considération vaut autant pour le lecteur que pour les protagonistes. Leur évolution reste modérée si bien que l’enquête n’a eu aucun impact sur leur quotidien ; professionnel, comme personnel. Il paraît alors difficile de ne pas assimiler le présent ouvrage à une (savoureuse) mise en bouche avant de se pencher sur d’autres tomes du cycle. Maître des djinns, en tête.
Au final, Le Mystère du tramway hanté est un roman aussi court qu’intense. Totalement décomplexé dans son approche du steampunk, le livre de Phenderson Djeli Clark se distingue par une ambiance presque palpable tant les éléments de perception visuels sont prégnants. On apprécie cet environnement qui semble à mi-chemin de deux époques, voire de deux mondes. L’incursion est convaincante à plus d’un titre. Néanmoins, sa brièveté dénote sa principale faiblesse. À savoir, une affaire vite expédiée et assez simpliste dans ce qu’elle suggère. Il n’en demeure pas moins une œuvre singulière, un style plaisant et des personnages qui ne demandent qu’à s’approfondir pour d’autres enquêtes.
Note : 14/20
Par Dante