avril 28, 2024

Love Life – Vivre avec le Deuil

De : Kôji Fukada

Avec Fumino Kimura, Kento Nagayama, Atom Sunada, Tetta Shimada

Année : 2023

Pays : Japon

Genre : Drame

Résumé :

Taeko vit avec son époux Jiro et son fils Keita en face de chez ses beaux-parents. Tandis qu’elle découvre l’existence d’une ancienne fiancée de son mari, le père biologique de Keita refait surface. C’est le début d’un cruel jeu de chaises musicales, dont personne ne sortira indemne.

Avis :

Parmi les nouveaux visages que le cinéma japonais compte, il y a Kôji Fukada, réalisateur dont le cinéma s’approche d’un Kore-eda Hirokazu, ou d’une Naomie Kawase. Depuis 2006 et sa « … grenadière« , le cinéaste a enchaîné les films à une vitesse folle, et il s’est bâti une bien jolie réputation. Il faut dire qu’avec des films comme « L’infirmière« , « Hospitalité« , « Au revoir l’été« , « Harmonium« , le metteur en scène japonais a fait fort et dans le passionnant, et dans l’émouvant.

Moins d’un an après ses deux films « Suis-moi, je te fuis » et « Fuis-moi, je te suis« , qui était en fait le redécoupage d’une série de dix épisodes que Kôji Fukada avait réalisé, et qui fut transformée en deux films pour le marché international, le réalisateur est de retour avec « Love Life« , un drame sur le deuil, autour de la perte d’un enfant.

« C’est entre beauté, culture, pudeur, et des personnages intéressants que Kôji Fukada pose sa caméra. »

Beau et intéressant, d’autant plus que le film de Kôji Fukada ne parle pas que du deuil, « Love Life » demeure cependant une petite déception, car il a tendance à se faire longuet, et derrière ça, il n’est pas aussi bouleversant que cette histoire le laissait penser. C’est donc entre beauté, culture, pudeur, et des personnages intéressants que Kôji Fukada pose sa caméra.

Taeko a une belle vie avec son mari et son fils, Keita, qu’elle a eu à la suite d’un premier mariage dont le mari en question a soudainement disparu. Ce jour-là, c’est l’anniversaire du beau-père de Taeko et pour l’occasion, tout le monde est réuni dans l’appartement de Taeko. Ce jour-là, Keita joue dans la salle de bain près de la baignoire et après une mauvaise chute, le petit garçon de six ans meurt. Taeko, et son mari Jïro, sont dévastés, et comme si cela ne suffisait pas, le jour de l’enterrement, l’ex-mari de Taeko refait surface.

Kôji Fukada est un réalisateur qui a réussi à pénétrer nos frontières au point qu’aujourd’hui, chaque nouveau film du metteur en scène japonais est un événement qu’on n’a absolument pas envie de manquer. Pour son neuvième film, le réalisateur a décidé de se frotter au deuil et la perte d’un enfant. Enfin, ça, c’est son matériel de départ, car « Love Life » va aller plus loin dans son scénario.

«  »Love Life » séduit directement par la beauté de son couple, la plénitude de cette famille. »

Écrit comme toujours par Kôji Fukada, le scénario de « Love Life » est plus épais qu’il n’en a l’air, le réalisateur traitant avec pudeur, sentiment et émotion, l’histoire d’une perte, de retrouvailles, de culpabilité, d’altruisme, et plus largement d’une déflagration au sein d’une famille. Une famille, et surtout un personnage, qui va être durement mis à l’épreuve par la vie. Commençant comme une jolie chronique familiale, « Love Life » séduit directement par la beauté de son couple, la plénitude de cette famille, et tous les petits détails que Kôji Fukada injecte dans son scénario. Des détails qui donnent de belles fondations à cette famille. Puis arrive le drame, froid, dur, implacable, et l’on reste impuissant devant ces éléments qui se sont mis en branle. Avec ce point de bascule, le film s’en va ailleurs, abordant la culpabilité des parents, la dignité face au deuil, puis la vie qui suit son cours.

Si parfois le film a des airs de déjà vu, la mise en scène de Kôji Fukada et les maux qu’ils explorent nous tiennent bien. Puis de manière surprenante, « Love Life » s’en va ailleurs, avec un nouveau point de bascule, le retour de ce père qui avait fui ses responsabilités. Si cette dernière partie est belle et intéressante, elle est aussi, dans un sens opposé, quelque peu décevante, car c’est de ce côté-là que le film va commencer à trouver ses faiblesses. Aucune explication ne sera donnée quant au départ de ce père, et lorsqu’on découvrira certaines choses quant à sa vie, on restera aussi pantois que le personnage principal. Heureusement, cette partie-là a aussi ses très beaux moments, certains sont même sublimes. Impossible de ne pas penser et être touché par les confidences d’un beau-père éploré qui se livre totalement.

« Kôji Fukada sait aussi injecter de l’humour et des moments de rire. »

Du côté de son histoire, lorsqu’on fait la conjugaison de ses qualités, ses défauts, ses scènes magnifiques, ses moments déjà vus, et ses personnages, « Love Life » se pose comme un beau film, qui sait se faire touchant, à défaut d’être bouleversant.

Dans sa forme, « Love Life » est là encore beau. Le film est bien fait, et oscille entre moments de grâce et des instants plus touchants. Au milieu de toute cette tristesse, Kôji Fukada sait aussi injecter de l’humour et des moments de rire, presque de joie, ce qui libère quelque peu son film du poids du deuil. Après, comme je le disais plus haut, le film a une tendance à se faire long et à traîner de la patte, notamment dans sa dernière partie. « Love Life » dépasse les deux heures, et le film aurait gagné à être raccourci.

Dans la mise en scène de Kôji Fukada, « Love Life » est parfois parcouru de moments silencieux, où la caméra filme des personnages immobiles, perdus dans leur douleur, ou qui ont du mal à se parler et ça, ça installe des longueurs. Longueurs qui vont atteindre leur apogée avec la dernière séquence, certes importante pour les personnages, mais le réalisateur la fait traîner, comme s’il ne voulait pas laisser ses personnages, ce qui fait que nous, public, on est comme « piégé », attendant le générique, car ce dernier va arriver, on le sait, il n’y a plus rien à raconter…

« Fumino Kimura est absolument superbe dans le rôle de cette mère à qui il est arrivé le pire. »

Enfin, et c’est peut-être LA déception du film, si tout est bien fait, et si beaucoup de ce qui est raconté est touchant, « Love Life » n’arrive pas à se faire aussi puissant qu’il aurait dû. Quelque chose manque à ce film pour pleinement nous conquérir.

Du côté de ses personnages, Kôji Fukada s’est joliment entouré, et c’est avec plaisir qu’on découvre « ses nouveaux talents ». « Love Life« , c’est avant tout un trio d’acteurs qui est composé par Kento Nagayama et Atom Sunada, qui incarnent respectivement le beau-père et le père du petit garçon qui va perdre la vie, et les deux comédiens sont très bons, notamment le premier qui, en l’espace d’une scène, arrive à rendre le film fort, très fort (tout le film aurait dû être aussi fort que ce moment-là). Puis face à eux, il y a Fumino Kimura qui est absolument superbe dans le rôle de cette mère à qui il est arrivé le pire.

Moins fort que « L’infirmière » ou « Hospitalité« , ce nouveau film signé Kôji Fukada n’en demeure pas moins un beau film qui parle avec pudeur du deuil de bien des manières. Doté d’un scénario solide, même si le film aurait mérité d’être plus concis dans sa mise en scène, sur l’ensemble, le moment passé en compagnie de cette famille fut touchant, et plus largement, on n’a pas boudé notre plaisir en salle.

Note : 14/20

Par Cinéted

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