Avis :
De plus en plus, le métal devient un genre très dense, qui se remplit de groupes qui veulent pousser les limites d’une musique souvent considérée comme violente et non mélodique. Si les sous-genres sont nombreux, et que le public dit de masse ne s’intéresse pas suffisamment au genre pour se faire un avis concret, il n’en demeure pas moins que certaines formations ont des envies très prégnantes de rendre cela à la fois complexe, mais aussi plus accessible. On peut citer le Djent progressif de Periphery, mais il faut aussi compter sur Black Crown Initiate. Groupe américain fondé au début des années 2010, très rapidement, les américains décident de faire une musique extrême, mais qui va bouffer à plusieurs sous-genres, aussi bien le Death, que le Progressif, ou encore le Doom. Violent Portraits of Doomed Escaped est leur troisième album studio, et le groupe fait preuve d’une sublime maturité.
Et cela se confirme dès le premier titre, Invitation, qui pousse très loin la complexité de la structure du morceau. Durant près de huit minutes, le titre va démarrer tout doucement, avec un chant clair, avant de laisser la place à du growl puissant, qui va remettre les pendules à l’heure. Cet échange va alors durer le temps du refrain, pour laisser la place alors à un solo dantesque, puis un break très calme qui permet de relancer le refrain en chant clair. Au-delà de cette structure alambiquée, le groupe conserve tout de même notre intérêt via une technique prodigieuse, et surtout une mélodique très forte qui reste en tête et ne perd jamais de vitesse. Un vrai premier morceau massif qui annonce la couleur pour la suite. Une suite qui prend la forme de quelque chose de plus direct, mais toujours aussi sombre.
Son of War va venir décrasser nos oreilles sur une durée plus convenable, ou tout du moins dans un schéma temporel plus calibré. Ici, on dépasse à peine les quatre minutes, mais cela n’empêche le groupe de jouer avec des schémas plus ou moins complexes. Le growl prend une grande partie, surtout sur les couplets, mais les refrains seront en chant clair, mais baignés dans un blast qui fait un raccord avec le Black Métal. Le mélange fonctionne à plein régime, tout comme les notes très basses de la mélodie, qui permettent d’appuyer un sentiment sombre et oppressant. Cela va créer une sorte de dimorphisme étonnant avec le début de Trauma Bonds, qui est très lumineux et offre une autre facette du groupe. Qui ne va pas durer bien longtemps, puisque petit à petit le ton monte, et les grattes vont rapidement se lâcher. Ainsi que le growl.
Et finalement, si Black Crown Initiate est considéré aujourd’hui comme l’un des groupes les plus intelligents de la scène métal, c’est sans doute sur cette capacité à jouer sur les tonalités, sur les univers et sur cette faculté de pousser toujours plus loin les codes du genre. Et même si cela peut paraître déroutant de prime abord, le groupe nous rattrape toujours avec des mélodies qui restent. Years in Frigid Light va venir nous rappeler à quel point le métal est une affaire de ressenti et d’énergie captée sur le vif. Il s’agit du titre le plus virulent de l’album, et pourtant, on ressent aussi de la mélancolie, apportée par les grattes, et une sorte de désespoir qui n’est jamais définitif, grâce à un chant clair qui apporte de la lumière. C’est vraiment bien foutu, et il y a cet aspect massif qui apporte un bon parpaing dans la tronche.
Comme dans tout album de métal qui se respecte un peu (surtout quand il y a une envie de mettre une ambiance particulière), on aura droit à un interlude très marqué avec Bellow, qui joue avec une voix profonde venue des enfers, qui pourrait ressembler à un rite satanique, ou carrément à la voix d’un démon. Cela permet alors d’installer une ambiance morbide avant d’attaquer Death Comes in Reverse et son atmosphère un peu satanique. Même si le début est assez timide, il réside un aspect malsain bien présent, qui s’entend via cette voix d’outre-tombe qui viendra commencer le chant pour nous conforter dans ce petit malaise. Bien évidemment, le titre pousse quand il faut, tout en gardant ce côté presque satanique.
Sun of War et sa longue durée permettent d’entrevoir les quelques délires Thrash que peut posséder le groupe, tout en conservant cette volonté de créer des structures complexes propres au Métal Progressif. Là aussi, le mélange des voix est parfait, et on ressent vraiment toute la puissance de la formation. Holy Silence viendra apporter sa pierre à l’édifice, toujours dans le même délire, mais avec des éléments plus doux d’un point de vue musical. Même le choix reste un peu en retrait, comme s’il venait du fond d’une grotte, et globalement, la violence monte de façon progressive pour mieux nous percuter. Afin de nous faire digérer tout cela, Black Crown Initiate termine son album sur une outro assez fragile, mais qui sied parfaitement à l’ambiance tenue sur tout l’album. He is the Path fait écho à cette atmosphère délétère et donne envie de relancer la machine encore une fois.
Au final, Violent Portraits of Doomed Escape, le dernier album en date de Black Crown Initiate, est une véritable réussite. Il s’agit d’une œuvre massive, compacte, longue et dense, qui ne laisse que peu de répit et arrive à rester sur une ambiance mortifère prégnante et maline. Même si les titres sont longs et complexes, les américains arrivent toujours à nous garder intéressé grâce à des mélodies réussies, entêtantes, mais aussi une technicité de malade, qui permet de passages vraiment intéressants et intelligents. Bref, un troisième album qui confirme tout le bien que l’on peut penser de ce groupe.
- Invitation
- Son of War
- Trauma Bonds
- Years in Frigid Light
- Bellow
- Death Comes in Reverse
- Sun of War
- Holy Silence
- He is the Path
Note : 17/20
Par AqME