avril 20, 2024

La Syndicaliste – Scandale d’État

De : Jean-Paul Salomé

Avec Isabelle Huppert, Grégory Gadebois, François-Xavier Demaison, Yvan Attal

Année : 2023

Pays : France

Genre : Thriller

Résumé :

Un matin, Maureen Kearney est violemment agressée chez elle. Elle travaillait sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français et subissait de violentes pressions politiques. Les enquêteurs ne retrouvent aucune trace des agresseurs… Est-elle victime ou coupable de dénonciation mensongère ?

Avis :

Dans le paysage du cinéma français, Jean-Paul Salomé est un metteur en scène qui divise grandement. Ayant l’envie de faire un cinéma grand public, Jean-Paul Salomé s’est lancé dans des projets qui avaient énormément d’ambition, mais le public et les critiques ont rarement suivi le cinéaste. Jean-Paul Salomé, c’est l’homme qu’on retrouve derrière des films comme « Belphégor, le fantôme du Louvre« , « Arsène Lupin » (avec Roman Duris), « Les Femmes de l’ombre » ou encore « Le Caméléon » (film qu’il a tourné aux États-Unis). Après toute une série de drames au cours des années 2010, Jean-Paul Salomé a changé son fusil d’épaule, passant alors à la comédie, revenant à ce qu’il faisait en début de carrière (même si ça n’était pas non plus glorieux), mais avec les années, le réalisateur a fait mieux comme avec « Je fais le mort« , comédie assez délirante et très originale dans ce qu’elle raconte.

Après avoir posé Isabelle Huppert en baronne de la drogue, le réalisateur réembauche l’actrice et se réessaie au drame avec cette fois-ci bien plus de succès. S’inspirant de fait réels, « La syndicaliste » est loin de l’image que son titre laisse indiquer.

« Drame sombre qui lorgne vers le thriller à suspens, « La syndicaliste » est un film qui arrive à garder son suspens entier. »

« La syndicaliste« , c’est l’histoire d’un combat pour la vérité. Commençant comme un film engagé, Jean-Paul Salomé va tisser un récit plein de mystères et de suspens, où la vérité et le mensonge se côtoient pour laisser place aux doutes. Sombre, impitoyable, entre politique, magouilles, arrangements, enquête de police, ce rapport de force, et derrière ça, le mystère que laisse planer cette agression, est tout bonnement passionnant.

Maureen Kearney est la syndicaliste du groupe Areva. Petite, loin, très loin, de l’image de la syndicaliste qu’on imagine, blonde et chignon toujours bien tenu, Maureen se bat pour les employés de la boite et elle n’hésite pas une seconde à bousculer sa hiérarchie, quitte à viser plus haut, chez les politiques. Alors qu’Areva vient de changer de direction, Maureen découvre que le nouveau dirigeant souhaiterait en secret conclure un accord avec une entreprise chinoise. Mettant la pression sur sa direction pour avoir des réponses, bientôt, elle se retrouve à avoir elle aussi des pressions. Pressions qui vont atteindre son paroxysme lorsqu’elle se fait violemment agresser à son domicile. Une agression improbable, et dont Maureen ne fait pas la bonne victime, ce qui peut laisser penser que la syndicaliste pourrait peut-être avoir tout inventé…

Tenons-nous là le meilleur film de Jean-Paul Salomé ? On dirait bien que oui, tant ce « … syndicaliste » réussit tout ce qu’il entreprend. Drame sombre qui lorgne vers le thriller à suspens, « La syndicaliste » est un film qui arrive à garder son suspens entier et derrière ça, c’est un film qui pose le doute comme élément principal de sa trame. Enfin, je dis ça pour moi, qui ne connaissais absolument pas cette histoire, et je dois dire que j’ai adoré me laisser prendre dans cette trame, qui m’aurait fait changer mon fusil d’épaule à plus d’un moment.

« Si le film est rudement mené, c’est aussi grâce à la performance d’une Isabelle Huppert. »

Ce qui est terrible et excellent avec ce film, c’est que derrière cette idée d’agression, c’est toute une machination qui se met en place. Jean-Paul Salomé, sous couvert de livrer un thriller à suspens, livre aussi un film critique, qui pointe du doigt l’engagement des politiques dans le monde de l’entreprise. Le scénario, qui est diablement bien écrit, nous offre alors plusieurs grilles de lecture au sein même de sa trame, ce qui rend le film très riche et particulièrement intéressant à suivre. Ici, on suit le combat d’une femme face aux grands de l’entreprise, on suit une enquête, qui nous réserve son lot de doutes, et plus loin encore, on suit un scandale d’état, qui pointe du doigt un savoir-faire français qui finit par quitter nos frontières. C’est avec justesse et précision que Jean-Paul Salomé conjugue tous ces éléments pour en faire ressortir ses thématiques et ses enjeux passionnants.

Si le film est rudement mené, c’est aussi grâce à la performance d’une Isabelle Huppert habitée et digne dans la peau d’une femme fragile et forte à la fois, et lâchée par tous finalement. Ce qui est terrible avec ce personnage, c’est qu’il est loin de ce que l’on peut imaginer, sortant des sentiers et des clichés et c’est ce qui l’impose comme si énigmatique, et c’est une partie de ce qui fait le suspens du film, car elle n’est pas la bonne victime. D’ailleurs, ce sujet-là fournit encore un peu plus de richesse à ce film.

« Jean-Paul Salomé crée la surprise, imposant un film riche et franchement intéressant. »

S’ajoute à cela la réalisation de Jean-Paul Salomé qui, si elle reste assez classique, demeure élégante, sobre et surtout, elle sait quand il faut arriver à installer le doute et jouer avec ce dernier et son spectateur. Tissant un simple mais joli et efficace suspens, le réalisateur nous tient de bout en bout de son film, et l’on se plaît à se laisser entraîner dans cette histoire, qui finira par se poser comme un scandale d’état et derrière ça, un film engagé et courageux.

Bref, on n’attendait pas cette « … syndicaliste« , on pouvait même la redouter, craignant de trouver un film politique et engagé à la française et finalement, Jean-Paul Salomé crée la surprise, imposant un film riche et franchement intéressant, que ce soit dans son intrigue, dans la façon dont le réalisateur installe les doutes qu’on peut avoir. Ainsi, pour tous ces éléments et le bon, voire très bon, moment passé devant ce « … syndicaliste« , on peut aisément dire qu’on tient là le meilleur film de son réalisateur.

Note : 15/20

Par Cinéted

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