mars 28, 2024

La Femme de Tchaïkovski – Difficile d’Accès

Titre Original : Zhena Chaikovskogo

De : Kirill Serebrennikov

Avec Odin Lund Biron, Alyona Mikhailova, Filipp Avdeyev, Ekaterina Ermishina

Année : 2023

Pays : Russie, France, Suisse

Genre : Biopic, Drame

Résumé :

Russie, 19ème siècle. Antonina Miliukova, jeune femme aisée et apprentie pianiste, épouse le compositeur Piotr Tchaïkovski. Mais l’amour qu’elle lui porte n’est pas réciproque et la jeune femme est violemment rejetée. Consumée par ses sentiments, Antonina accepte de tout endurer pour rester auprès de lui.

Avis :

Aujourd’hui, c’est en Russie qu’on s’arrête pour mettre notre curseur que Kirill Serebrennikov, un metteur en scène à qui l’on doit l’extraordinaire « Leto« , comédie musicale se passant dans les années 80, avec en toile de fond l’émergence de la scène rock internationale dans l’union soviétique. Kirill Serebrennikov est un réalisateur qui a bien eu du mal à faire ses derniers films, puisque le cinéaste a eu à faire à la justice russe. Selon la version officielle, on lui reprochait d’avoir détourné de l’argent pour certaines de ses productions, mais de manière plus officieuse, il se dit que Kirill Serebrennikov était victime de percussion de la part du Kremlin, car ce dernier, au travers de ses films, dérange les pouvoirs russes qui n’acceptent pas la critique. Après des années de batailles, de procédures, d’injustices, de films réalisés alors qu’il était assigné à résidence, Kirill Serebrennikov a été reconnu coupable, mais la sanction fut moins lourde que « prévue », écopant de trois ans de prison avec sursis.

Du coup, Kirill Serebrennikov est reparti sur les plateaux de cinéma, et aujourd’hui, pour son onzième film, le metteur en scène s’intéresse à une immense figure de la culture russe, le compositeur Tchaïkovski, qu’il va sonder à travers les yeux de sa femme, tant en racontant le destin horrible et tragique de cette femme, à qui la vie n’a pas fait de cadeaux.

« Kirill Serebrennikov est un immense réalisateur à l’esthétique et la technique incroyable. »

Le sujet est intéressant, mais cette fresque qui se déroule sur une dizaine d’années environ a tendance à se faire trop longue, et malgré un visuel dingue, qui démontre encore une fois que Kirill Serebrennikov est un immense réalisateur à l’esthétique et la technique incroyable, cette « … femme de Tchaïkovski » manque d’émotions et surtout, derrière ça, je suis resté dans l’attente que le film m’entraîne totalement, ce qui est arrivé, mais bien tard.

Juin 1877, Antonina Miliukova, une jeune musicienne éperdument amoureuse du compositeur de renom Piotr Tchaïkovski, l’épouse, mais ce mariage va être un désastre, car l’amour que porte Antonina pour le compositeur est très loin d’être réciproque. Dès lors, commence pour elle une vie dans l’ombre de son mari, qui finira par la rejeter totalement, au point que la jeune femme finira par s’enfermer dans la folie.

Le nouveau film du génie Kirill Serebrennikov se dévoile, et je dois dire que j’en ressors avec un petit goût partagé, car le film, derrière tout un tas d’éléments tout bonnement extraordinaires, derrière une mise en scène folle et un scénario qui sait se faire intéressant sur tout un tas de sujets, demeure un film qui est difficile d’accès et devant lequel, bien souvent, le temps nous apparaît long, très long.

« La dernière scène est incroyable, aussi bien dans ce qu’elle racontera que dans sa mise en scène. »

« La femme de Tchaïkovski« , comme son titre l’indique, est un film qui suit une jeune femme qui va tomber en amour pour l’immense compositeur. Mais ce mariage va très vite tourner au cauchemar, car Tchaïkovski épousera cette femme pour de mauvaises raisons, se servant d’elle pour y faire taire les rumeurs et cacher son homosexualité aux yeux de la société russe. Ce fait tragique va servir de base à Kirill Serebrennikov pour aborder tout un tas de sujets vraiment intéressants.

« La femme de Tchaïkovski » est un film qui parlera aussi bien de la place de la femme au sein de la société russe, que l’hypocrisie de cette société, qui sait et qui se voile la face. De plus, le film parle de l’impossibilité d’être soi-même, et de trouver sa place, aussi bien en ce qui concerne le personnage d’Antonina, que celui de Tchaïkovski. Le film parle aussi de cette relation toxique, qui va grignoter petit à petit le personnage d’Antonina, convoquant et conjuguant souvent l’horrible réalité à des instants de névroses rêvées qui sonnent de plus en plus sombres et tragiques. La dernière scène est incroyable, aussi bien dans ce qu’elle racontera que dans sa mise en scène.

D’ailleurs, lorsqu’on pense à la mise en scène de cette « … femme de Tchaïkovski« , on peut dire que Kirill Serebrennikov livre un film renversant, à l’esthétisme dingue. Un film qui nous immerge d’emblée, pousse l’atmosphère, accentuant les névroses, et derrière ça, le réalisateur nous offre une reconstitution incroyable de l’époque. Lumière, décors, costumes, conception des plans, le grain… Parfois, le film a des allures de peinture vivante, et cette sensation est d’autant plus décuplée grâce aux plans-séquence fous que le réalisateur met en place (on aura même l’impression pour certains qu’ils ne vont jamais s’arrêter).

« L’actrice russe est magnifique dans le rôle. »

Après, comme je le disais aussi, face à ces points extraordinaires, « La femme de Tchaïkovski » est un film qui fait presque deux heures et demie, et souvent, au cours du récit, on sent les minutes passer, l’ensemble se faisant trop long. Puis il y a aussi ce sentiment que le film est difficile d’accès, et ces longueurs conjuguées à l’attente que l’histoire nous entraîne vraiment, n’arrangent rien (Même si le réalisateur finira (trop tard) par nous tenir et nous entraîner vers ce final incroyable).

Cette « … femme de Tchaïkovski« , c’est Aliona Mikhaïlova qui la compose et l’actrice russe est magnifique dans le rôle. L’actrice tient un rôle difficile, lui demandant de passer par tout un tas d’émotions et autant le dire de suite, elle crève l’écran à chaque instant, au point que malgré l’ennui parfois qui s’installe, Aliona Mikhaïlova offre toujours quelque chose qui pique l’intérêt. Pour tenir le rôle de Piotr Tchaïkovski, le réalisateur a choisi Odin Biron, et en plus d’avoir un excellent comédien qui injecte plein de nuances au rôle, Odin Biron est assez troublant de ressemblance avec Tchaïkovski. Après, il est dommage que le film ne développe pas vraiment d’autres rôles. Il y a bien les frères de Tchaïkovski, ou l’amant d’Antonina, mais ça reste en un sens des personnages de passage, qui ont peu de choses à défendre.

« Le film se pose souvent comme une claque esthétique. »

Je ressors donc partagé et conquis en même temps par ce nouveau film de Kirill Serebrennikov, tant le film aura su m’intéresser, autant que souvent, j’ai trouvé le temps long. Puis derrière ça, toujours dans un sentiment partagé, je suis déçu d’un côté par le manque d’émotion malgré des sujets prenants et des acteurs excellents et d’un autre côté, le film se pose souvent comme une claque esthétique qui démontre encore une fois toute l’étendue du talent de son réalisateur.

Au final, je pense que cette « … femme de Tchaïkovski » est un film qui est difficile d’accès, qui en laissera plus d’un sur le carreau, et moi-même, à certains moments, je suis resté sur le bas-côté, mais pourtant, malgré cela, je ne regrette pas de m’y être arrêté car le film est intéressant, instructif et visuellement, j’y reviens, mais que c’est beau !

Note : 12,5/20

Par Cinéted

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