Titre Original : Bumchoiwaui Junjaeng
De : Yoon Jong-Bin
Avec Choi Min-Sik, Jung-Woo Ha, Jin-Woong Cho, Ma Dong-Seok
Année : 2012
Pays : Corée du Sud
Genre : Policier
Résumé :
1990, République de Corée. Fonctionnaire sur la brèche, Choi Ik-hyun n’a pas hésité à rejoindre le camp des corrompus en s’associant avec le patron le plus puissant de la pègre de Busan. En moins de dix ans, ce bon père de famille s’est livré à toutes sortes d’activités illicites, se transformant peu à peu en véritable parrain. Mais face aux intimidations, les partenaires d’hier ne vont pas tarder à devenir les ennemis d’aujourd’hui…
Avis :
Dans le domaine du polar, comme pour d’autres genres, le cinéma coréen est réputé pour la qualité de ses productions qui jouent autant sur une caractérisation fouillée que sur une narration maîtrisée. D’une grande intelligence, il en ressort des œuvres marquantes, à l’image de Memories of Murder ou The Chaser. Avec Nameless Gangster, Jong-bin Yoon s’insinue dans un registre différent. À savoir, la nébuleuse du crime organisé, son univers clandestin et, bien souvent, fantasmé à travers le septième art. De rivalités claniques en combines plus ou moins lucratives, le cinéaste s’inspire de faits réels. Eu égard à la vague d’arrestations qui a frappé le milieu en Corée du Sud, au début des années 1990.
Si l’entame fait montre de ce contexte réaliste, images médiatiques à l’appui, cet aspect n’est que l’amorce à une plongée dans la précédente décennie. On retourne ainsi à rebours dans le passé d’un des personnages principaux afin de reconstituer les évènements à la manière d’un enquêteur. Pour autant, il ne s’agit pas de cantonner Nameless Gangster à de banales investigations. L’histoire s’avance du point de vue des criminels, non de la justice. Dans cet exercice cinématographique, cela paraît essentiel. Il n’en demeure pas moins que le présent métrage s’écarte quelque peu du modèle véhiculé par ses prédécesseurs ; en Asie, comme en occident.
« L’histoire s’avance du point de vue des criminels, non de la justice. »
En effet, le principal intervenant (Mr Choi) réussit à s’insinuer dans le milieu mafieux par un concours de circonstances. L’une des grandes particularités du film est de présenter un individu qui n’a pas de place prédéterminée. Il évolue dans l’anonymat d’un statut social fantôme. En d’autres termes, les criminels ne le considèrent pas comme un de leurs pairs, tandis qu’il ne parvient guère à s’insérer dans la société telle qu’on la conçoit. Magistralement interprété par Choi Min-sik, il suscite également le doute et l’incertitude quant à son statut de parent. Un père absent obnubilé par son fils (au détriment de ses filles) et un oncle par alliance dont les liens du sang constituent une opportunité avant d’induire les responsabilités afférentes.
Il est pourtant question d’une relation fondée sur la loyauté, et ce, bien avant de provoquer l’avidité. Sans sombrer dans la caricature ou le cliché, la famille au sens large du terme présente une importance majeure au fil de ces amitiés et rivalités qui se tissent au gré d’ambitions individualistes. Par ailleurs, il s’agit du principal prétexte avancé par Mr Choi pour vanter son rôle au regard d’autrui. Cela vaut également pour le respect des aînés et le sens de l’honneur censé régir le milieu. En considérant ce qu’il advient par la suite, tout cela confère néanmoins au camouflet lorsqu’il est question de sauver la face, de préserver ses propres intérêts au détriment du sort des autres.
« Nameless Gangster est un polar coréen aux qualités évidentes. »
Sans pour autant s’arroger les atours d’une fresque criminelle, comme Le Parrain ou Les Affranchis, le scénario s’étend sur plusieurs années. Pour le spectateur, il n’y a pas de véritables repères, exception faite du vieillissement des personnages plus ou moins flagrants. Bien que le montage demeure fluide et construit avec rigueur pour dépeindre cette ascension, puis cette chute, certains passages peuvent paraître elliptiques. En règle générale, la technique fonctionne et l’ensemble se suit sans que l’on déplore une rupture. Cependant, on distingue deux ou trois séquences où les relations se dégradent ou s’améliorent de manière un peu trop abrupte si l’on ne parvient pas à considérer ses bonds temporels non explicites.
Au final, Nameless Gangster est un polar coréen aux qualités évidentes. On retrouve cette propension à une écriture patiente et mesurée. Celle-ci privilégie des échanges qui portent plus à conséquence que les règlements de compte. Soit dit en passant, ces derniers s’affranchissent d’armes à feu pour s’adonner à une violence brutale à coups de poing, de battes de baseball et autres objets à la létalité variable. Le travail fourni sur les protagonistes et l’anticonformisme de Mr Choi interpelle également pour signifier la place du criminel au sein de la société, du milieu et de son propre entourage. Il en ressort un film sur la mafia qui préfère creuser les motivations de ses intervenants, leurs relations, plutôt que s’attarder sur les crimes en eux-mêmes. Un parti pris audacieux qui convainc et confère une résonance toute particulière au métrage de Jong-bin Yoon.
Note : 16/20
Par Dante