avril 23, 2024

Le Chant des Glaces – Jean Krug

Auteur : Jean Krug

Editeur : Pocket

Genre : Science-Fiction

Résumé :

Delas est une planète glaciaire dont les ressources, extraites jour et nuit par des milliers de prisonniers, alimentent en eau potable le reste de la galaxie. Mais on y trouve également le cryel, un morceau de glace aux propriétés spéciales que seuls les plus agiles des détenus parviennent à prospecter : les chanteurs. Lorsqu’un jour, l’occasion est donnée à Bliss et Fey, chanteurs insurgés, de se libérer, ils n’hésitent pas une seconde.
Accompagnés par Nox, ancien pilote et Jennah, scientifique exilée, ils vont plonger au coeur du plus gigantesque des glaciers. Et dans les méandres de ses galeries obscures, animés par la quête folle d’un cryel parfait, c’est surtout leur propre conscience qu’ils vont explorer. Avec cette question lancinante : « Au fond, quelle liberté ? « 

Avis :

Véritable terrain d’exploration de l’avenir, la science-fiction est également l’occasion de sonder l’univers et ses innombrables galaxies. Si le cinéma offre une vision graphique proprement stupéfiante, la littérature apporte un sens du détail peu commun pour développer des sagas au long cours. On songe notamment au space opera. Avec son titre évocateur, la variante du planet opera consiste à se focaliser sur l’exploration d’une planète. C’est précisément dans ce registre que Le Chant des glaces s’investit, à tout le moins pour la majeure partie de son intrigue. Pour son premier roman, Jean Krug décide de concilier ses compétences professionnelles avec la passion de l’écriture.

En l’occurrence, l’action principale se déroule sur une planète glacée : Delas. Bien qu’il ne soit pas central, un tel environnement a déjà pu être apprécié dans d’autres œuvres. On songe à Hoth dans l’univers de Star Wars, Mann dans Interstellar ou encore Zéro dans Battlestar Galactica. Ici, l’intérêt premier est de jouer sur l’hostilité du cadre. Cela tient à la fonction première en tant que « planète prison », mais surtout à ces montagnes et ces glaciers. Contrairement aux apparences, ceux-ci se meuvent, créent des ouvertures, des passages, avant de se refermer pour former un piège inextricable. Au fil des pages, cet aspect est particulièrement bien retranscrit. Il se base autant sur la fibre de l’exploration que sur la survie.

Mais l’intrigue ne s’arrête pas à une incursion en des endroits sauvages pour le simple plaisir de la découverte. Les protagonistes sont tenus de trouver le cryel, une ressource particulièrement convoitée. Dès lors, on distingue une dimension politique où l’accaparement des richesses donne lieu à de nombreuses dissensions et inimitiés. Il en résulte des conflits naissants qui, en filigrane du périple principal, vient apporter une tension supplémentaire aux enjeux initiaux. Ainsi, on assiste à une projection réaliste de la civilisation humaine dont les errances et la cupidité font écho à la crise énergétique actuelle. Bien que discret, le rapprochement est évident, a fortiori lorsqu’on ne peut situer l’intrigue d’un point de vue temporel.

À travers la vision subjective des différents intervenants, on y distingue un refus de l’autorité, de se soumettre à une instance supérieure. Preuve en est avec les flashbacks qui permettent de faire la lumière sur le passé de certains personnages, ainsi que le contexte dans lequel ils évoluent. La remise en question des actes individuels et collectifs débouche sur une forme de résilience, de renoncement. L’approche se veut subtile et s’immisce naturellement entre des séquences plus nerveuses. Ces dernières enchaînent les descriptions techniques qui rivalisent de précision avec le périple et la progression du groupe. Sans supplanter la narration, les connaissances de l’auteur sont à la fois utiles, pertinentes et intéressantes.

Néanmoins, le présent ouvrage n’est pas exempt de reproches. S’il n’altère pas le bon a priori qu’on lui porte, on regrette le choix d’une écriture à la première personne du singulier. En somme, ce n’est pas un handicap. Seulement, les chapitres alternent entre différents points de vue. Certes, on distingue toujours qui parle en début de partie. Pour autant, le procédé n’est pas assez percutant pour provoquer l’empathie, à tout le moins entretenir ce sentiment sur le long terme. Il convient également de replacer constamment l’action selon l’intéressé et la période temporelle dans laquelle se situe l’action ; soit le présent ou le passé. De plus, certains personnages sont moins mémorables que d’autres. On songe à Elkeïd dont le vocabulaire, aussi abscons que familier, finit par lasser et susciter l’indifférence.

Au final, Le Chant des glaces est un roman dense qui n’hésite pas à insuffler un parfum d’aventures dans un contexte futuriste. Il est aisé de distinguer la passion de l’auteur pour l’exploration polaire, les grands espaces. Fascination qu’il communique sans mal à son lectorat. Essentiellement tourné vers le planet opera, son premier livre se démarque aussi par des éléments propres à la hard SF. On songe au développement de civilisations qui renvoient aux problèmes sociétaux actuels, notamment avec l’accaparement et l’exploitation des ressources énergétiques. Au-delà du caractère fictionnel, le fond n’en reste pas moins vraisemblable et interroge sur le devenir de l’humanité. Et pas forcément à l’échelle de l’univers…

Note : 14/20

Par Dante

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