avril 19, 2024

La Trilogie Hussite T.01 – La Tour des Fous – Andrzej Sapkowski

Auteur : Andrzej Sapkowski

Editeur : Bragelonne

Genre : Fantasy

Résumé :

La fin du monde ne survint pas en l’an de grâce 1420. Pourtant, bien des signes l’avaient présagée.
Les sombres prophéties des chiliastes ne s’accomplirent pas. Ils avaient annoncé la fin des temps avec précision : en février de l’an 1420, le lundi suivant la Sainte-Scolastique. Mais voilà… le lundi passa, vint le mardi puis le mercredi… et rien. Le Temps du Châtiment et de la Vengeance précédant la venue du royaume de Dieu n’advint pas.
Mais, pour sûr, on ne s’ennuyait point !
C’est ce que pensait Reinmar von Bielau, surnommé Reynevan, un savant herboriste lié aux puissants de l’époque, espion et magicien à ses heures. Ce jeune homme, épris de la belle et fougueuse Adèle, l’épouse d’un seigneur silésien vivait des moments de passion inoubliables. Jusqu’au jour où les amants furent surpris par les frères du mari trompé.
Ce fut le début des ennuis pour Reynevan…

Avis :

Au même titre que George R.R. Martin, Andrzej Sapkowski est une figure incontournable de la fantasy. Vendue à plusieurs millions d’exemplaires, la saga du Sorceleur s’est avancée comme un succès critique et commercial incontestable. La renommée de Geralt de Riv et consorts est telle que des jeux vidéo, une série TV et des produits dérivés en pagaille ont vu le jour. Entre deux romans, l’auteur s’est lancé dans un autre projet littéraire tout aussi ambitieux : la trilogie Hussite. Sur le papier, il s’agit d’un triptyque historique censé nous plonger dans l’Europe de l’Est au XVe siècle. De prime abord, le propos est prometteur à bien des égards…

D’emblée, on s’immerge dans une intrigue à travers des descriptions fouillées, une ambiance soignée qui ne demande qu’à se développer. On apprécie cette manière toute naturelle de dépeindre tour à tour le quotidien des paysans, puis de la noblesse, marquant un contraste évident, presque inévitable, entre les différentes castes sociales. Le travail de documentation fait preuve d’un sens du détail rare qui offre une vision inédite de la période et du lieu de l’action. En cela, La Tour des fous aborde une page historique relativement méconnue sur des bases aussi solides qu’intéressantes à appréhender.

Seulement, l’intrigue révèle très rapidement ses limites, pour ne pas dire sa simplicité manifeste. Contrairement à la saga du Dernier Royaume ou aux ouvrages de Ken Follett, on n’assiste pas à une mise en contexte pour prendre part à des évènements réels ou même fictifs. Pour le moins saugrenue, l’idée d’Andrzej Sapkowski est de suivre les frasques d’un amant éconduit par la famille de sa bien-aimée. Cette seule phrase suffit à résumer le pitch et le déroulement du roman. Les histoires secondaires, les rencontres et les péripéties qui s’enchaînent ne font que graviter autour de cette fuite plus ou moins cahoteuse. On songe surtout aux revirements et caprices du principal intéressé.

Ce dernier reste partagé entre la contrainte de partir et la volonté de se venger, à tout le moins sauver son honneur. Le propos s’avère manichéen et souffre de très rares nuances. De même, on assiste à une profusion de personnages qui s’oublient vite à la seule évocation de leur patronyme. Le fait d’amalgamer des individus fictifs et d’autres ayant réellement existé ne présente aucune incidence quant à la suite des évènements. Certains sont présents le temps de quelques lignes, tandis que plusieurs d’entre eux sortent de l’intrigue tout aussi fortuitement qu’ils s’y sont insinués. On finit alors par se désintéresser de leurs interactions, de leur devenir.

À cela s’ajoutent d’innombrables lourdeurs stylistiques. L’auteur a tendance à sombrer dans des énumérations complaisantes où il se contente de reformuler la première phrase de son paragraphe avec des expressions dispensables ou vaguement dérivées du propos initial. Au-delà de l’impression de remplissage que le procédé suggère, l’action en est d’autant plus statique. On peut aussi évoquer plusieurs paroles et termes en latin sans qu’on prenne la peine de nous les traduire, du moins la majeure partie du temps. D’ailleurs, une note en bas de page nous signifie que quelques éléments de traduction guère exhaustifs se retrouvent en fin d’ouvrage sans repères foncièrement utiles ou pratiques.

Mais le plus préjudiciable demeure sans doute ses incursions dans la fantasy. S’agit-il d’un roman historique fantaisiste ou d’une fantasy historique ? Toujours est-il que les références sont beaucoup trop sporadiques et mal intégrées au récit pour convaincre dans un sens, comme dans l’autre. On peut évoquer, entre autres, quelques allusions à la magie, une séance d’exorcisme qui tourne à une possession impromptue et une attaque de loup-garou au ridicule consommé. Autant d’éléments qui surviennent dans un contexte relativement pragmatique et achève de décrédibiliser l’ensemble par une tonalité humoristique hors sujet, pour ne pas dire douteuse.

Au final, La Tour des fous s’avance comme un premier tome décevant de la trilogie Hussite. Là où on pouvait escompter un récit historique de qualité, Andrzej Sapkowski signe un ouvrage inconstant, écartelé entre un travail de documentation remarquable et des incursions de fantasy saugrenues qui n’ont guère leur place. Le fait que ces dernières surviennent inopinément traduit davantage une nécessité d’interpeller le lectorat du Sorceleur au lieu de s’atteler à une écriture vraisemblable. D’ailleurs, celle-ci souffre également de maladresses dans les tournures de phrase. De palabres pénibles en circonvolutions narratives, il en ressort une intrigue simpliste, condescendante à certains égards et percluse de personnages peu mémorables.

Note : 09/20

Par Dante

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