Avis :
En cette année 2022, s’il y a bien un groupe qui a bousculé les codes et s’est fait une place de dingue dans le monde du Métal, c’est Lorna Shore. Deathcore poussif à ses débuts, le groupe a su évoluer pour fournir un côté symphonique à ses chansons et devenir un véritable phénomène, notamment grâce à la voix incroyable de Will Ramos. Mais le groupe existe depuis la fin des années 2000 et a vu passer un nombre impressionnant de musiciens dans ses rangs. Et même de chanteur, puisque le plus endurant de tous fut Tom Barber qui a beuglé pendant huit ans pour Lorna Shore avant de rejoindre les rangs de Chelsea Grin. Officiant approximativement dans le même genre, ce dernier groupe souffre d’une renommée un peu en deçà, alors qu’en termes d’énergie, on est dans la même veine. Pourquoi ?
La question est assez légitime, car elle nous fait poser un regard sur un genre de niche, ultra violent, et qui ne doit son sens qu’à des instrumentalisations grandiloquentes. Lorna Shore l’a bien compris, et c’est pourquoi il propose des titres épiques qui dépassent parfois les sept minutes. En ce qui concerne Chelsea Grin, nous ne sommes pas dans le même registre, la preuve avec Suffer in Hell, qui peine à dépasser la demi-heure. Huit titres, une paire dépasse les quatre minutes, et les américains veulent vraiment aller à l’essentiel, notamment sur certaines pistes qui dépassent à peine les deux minutes. Oui, on pourrait presque croire à un EP, mais non, le groupe certifie qu’il s’agit-là d’un véritable album. C’est là la principale différence entre les deux groupes, Chelsea Grin restant dans un Deathcore brutal, où l’aspect symphonique intervient, mais avec parcimonie. Comme pour Origin of Sin.
Le début démontre bien évidemment l’envie du groupe à fournir un mélange de musique extrême avec un fond épique et symphonique. Les violons sont bien présents, créant alors une épaisseur plaisante, même s’ils vont s’effacer lors des couplets, où la mélodie sera reprise par les grattes. Dès lors, le morceau devient un maelström de violence, où le chanteur fait étalage de sa palette vocale, impressionnante de diversité. Grandiloquent et puissant, Chelsea Grin frappe très fort pour ce premier titre. Par la suite, le groupe fait équipe avec Trevor Strnad, le chanteur de The Black Dahlia Murder. Forever Bloom ne fait pas dans la dentelle et envoie du steak. Si l’on passe une courte introduction qui fait écho à une fête foraine macabre, le reste ne sera que cri, riffs saturés et rythmique diabolique. Bref, un peu plus de deux minutes de fracassage de crânes dans les bonnes règles de l’art.
Et c’est peut-être là le tort de Chelsea Grin. De ne pas essayer de faire du grandiloquent avec une appartenance forte au symphonique. Le début de ce titre est plaisant, il apporte de la variété, mais il ne revient jamais au sein de la chanson, ce qui est dommage. Deathbed Companion sera du même acabit, avec une violence accrue, une absence totale de finesse et des riffs qui tapent très fort. Alors certes, les amateurs du genre seront aux anges, mais cela donne une petite redondance qui aurait pu être évitée. Et que dire de Crystal Casket qui démontre le talent des guitaristes pour apporter quelques touches personnelles, mais globalement, on fait face à un titre qui gueule, encore et encore. Alors oui, c’est techniquement impressionnant, mais on sent que le groupe en a encore sous la pédale, et qu’il peut apporter un peu plus de variation dans ses chansons.
Par la suite, le groupe ne proposera pas vraiment grand-chose de plus. Flood Lungs sera un moment bien loin de toute douceur, même si on lui reconnaîtra un break bien lourd et un final presque mélodique. The Isnis est celui qui représente le mieux le groupe, avec un Deathcore savamment dosé, qui n’épargne personne, mais qui arrive à bien superposer les couches mélodiques. Les guitares se lâchent dans de jolis solos et globalement, c’est le meilleur morceau de l’album. Ici, Chelsea Grin arrive à allier des élans différents, prouvant sa palette musicale. Mourning Hymn promettait une ambiance un peu macabre, mais la violence surgit bien trop vite et l’introduction ne sera jamais reprise. Heureusement, la mélodie derrière les blasts et les cris sera jolie. Reste alors Suffer in Hell, Suffer in Heaven, qui termine le tout sur une répétition abrutissante du titre et des riffs qui tambourinent comme des sauvages.
Au final, Suffer in Hell, le dernier album de Chelsea Grin, est un bon moyen de se nettoyer les bronches, mais aussi de se faire sauter la nuque. Sans aucune once de délicatesse, le groupe américain déverse sa colère sur huit titres surpuissants, parfois à la limite du ridicule, mais trouvant toujours un écho intéressant et décomplexé. Il en résulte un album de Deathcore rugueux mais accessible (mieux que Carnifex par exemple), mais qui n’arrive pas toujours à se défaire d’un côté ridiculement violent.
- Origin of Sin
- Forever Bloom feat Trevor Strnad
- Deathbed Companion
- Crystal Casket
- Flood Lungs
- The Isnis
- Mourning Hymn
- Suffer in Hell, Suffer in Heaven
Note : 14/20
Par AqME