mars 28, 2024

Devin Townsend – Lightwork

Avis :

Parmi tous les multi-instrumentistes connus, Devin Townsend occupe une place de choix, si ce n’est la première place. Guitariste émérite (il commence le banjo à l’âge de cinq ans pour aller vers la gratte par la suite), il est aussi bassiste, batteur et chanteur. Bref, une palette de talents qu’il utilise à bon escient, avec des groupes (Devin Townsend Band qui splittera en 2006, puis Devin Townsend Project, qui s’arrêtera en 2018 après dix ans d’existence), mais surtout en solo, où il trouve une liberté créative impressionnante. Oscillant constamment entre divers sous-genres du Métal, Devin Townsend est devenu une sorte de légende, entretenant une réelle attente entre chaque album. Lightwork est le onzième effort studio du bonhomme, qui fait suite à deux skeuds coup sur coup, Snuggles (Beautiful Dream) et The Puzzle sortis en 2011. Mais comme on le sait, on n’est jamais à l’abri d’une déception.

Il faut dire que Lightwork a de quoi susciter un étonnement flagrant dès le départ. Outre sa pochette relativement sobre, on s’attend tout de même à des titres un peu Lovecraftien dans l’esprit, avec ces tentacules qui sortent de l’eau pour enserrer un phare perdu au milieu de l’eau. Mais avec Moonpeople, le musicien pose déjà les bases de ce nouvel album, qui sera très calme, et ne fera finalement pas de vague. Très lent, sans réel ambiance inquiétante, on est dans un titre plat qui n’arrive jamais à nous sortir d’une certaine torpeur. On est plus proche d’un morceau expérimental, qui s’en sort grâce à une douceur étrange qui s’en échappe. On peut se dire que c’est presque une longue introduction, mais il sera symptomatique de tout l’album. Car oui, Devin Townsend ne livre pas vraiment un album de « métal ».

Cela se ressent dans tous les choix de morceaux que propose Devin Townsend. Si on retrouve quelques fulgurances à la gratte et une production massive, on reste dans un registre très calme et parfois saugrenu. Lightworker pourra se parer d’autant de gros riffs qu’il veut, on restera attaché à une atmosphère aérienne sympathique et un refrain catchy, mais qui manque cruellement de verve et de puissance. Equinox viendra planter le clou du spectacle avec une mollesse sans précédent. Et malgré un travail bien fait, on reste tout de même dans l’expectative qu’à un moment ou un autre, ça décolle. De plus, il n’y a pas vraiment de génie dans les compositions. Si elles restent complexes dans leur structure, il n’y a pas de solo de folie ou de passage technique ahurissant. Et c’est pourtant tout ce que l’on attend d’un type comme Devin Townsend.

Alors oui, il faut accepter de se faire prendre à revers et d’écouter une nouvelle proposition de ce musicien un peu fou. Mais parfois, il franchit trop la limite de l’expérimental, se noyant dans des projets grotesques qui deviennent rapidement pénibles. Dimensions possède par exemple tous les atours d’un réel titre « métal », avec ses gros riffs lourds et son ambiance un peu plus pesante, mais on flirte avec la musique électro, jusqu’à en devenir quasiment inécoutable. Ou que dire de Heavy Burden et ses pleurs d’enfant au départ, ou encore Children of God qui dure plus de dix minutes et qui est d’une redondance insupportable. Bref, tous les curseurs sont poussés trop loin et cela manque cruellement de cohérence. Et cela se remarque même dans la version limitée qui propose un deuxième album, Nightwork, sorte de version miroir plus sombre.

Là, on va retrouver des titres un peu plus pêchus, un peu plus lourds, et on va même se surprendre à croire que l’artiste renoue avec ses fondamentaux. Starchasm, Pt. 2 par exemple, démarre sur les chapeaux de roues et délivre une belle prestation qui ne sera gâchée que par un chant féminin qui ne colle pas du tout à l’ambiance recherchée. Pour autant, on retrouve une nouvelle joie d’entendre un truc un peu plus métal. L’expérience continue avec le break Stampys Blaster qui, justement, blaste à tout va. Puis Factions va faire exploser tout cela dans un délire de riffs bourrins à souhait. A l’image foldingue de son musicien, le titre va partir dans tous les sens, mais il a le bon sens de ne jamais baisser la garde et de nous en mettre plein la gueule.

Seulement, Devin Townsend retombe vite dans ses travers, et tout le reste va sombrer dans l’expérience incongrue et pénible, comme les dix minutes interminables de Precious Sardine. On passe du rock à la musique électro répétitive, en finissant pas un côté un peu métal qui se conclura par un chant de coq… Bref, un truc insupportable qui doit provenir d’un délire personnel. Et pour le reste, on revient sur des mélodies dignes du premier contenu, à savoir des rythmiques mollassonnes et une ambiance presque trop lumineuse qui ne colle pas du tout avec le début de cette version noire. Pour preuve, Sober, Boogus ou encore Carry me Home, qui pourrait presque figurer dans un album de rock anglais, mais certainement pas dans un truc métal. Dommage.

Au final, Lightwork, le dernier album de Devin Townsend, est une très grosse déception. Le multi-instrumentiste se plante en beauté autour de cet album concept un peu trop délirant à notre goût. Oubliant ses exploits dans le domaine du métal, l’artiste plonge dans des trips expérimentaux qui manquent d’implication et délaisse l’auditeur dans une sorte de désarroi, essayant vainement de comprendre ce qu’il écoute. C’est d’autant plus dommage que certaines mélodies fonctionnent bien, mais globalement, on reste sur le bas-côté. Peut-être que nos attentes étaient trop grandes.

Lightwork

  • Moonpeople
  • Lightworker
  • Equinox
  • Call of the Void
  • Heartbreaker
  • Dimensions
  • Celestial Signals
  • Heavy Burden
  • Vacation
  • Children of God

Nightwork

  • Starchasm, Pt. 2
  • Stampys Blaster
  • Factions
  • Yogi
  • Precious Sardine
  • Hope is in the World
  • Children of Dog
  • Sober
  • Boogus
  • Carry me Home

Note : 07/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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