mars 28, 2024

L’Abîme de l’Enfer

Titre Original : Hellhole

De : Bartosz M. Kowalski

Avec Olaf Lubaszenko, Sebastian Stankiewicz, Piotr Zurawski, Lech Dyblik

Année : 2022

Pays : Pologne

Genre : Horreur

Résumé :

Dans la Pologne de 1987, un officier de police enquête sur de mystérieuses disparitions et infiltre un monastère isolé. Il découvre alors une réalité sinistre.

Avis :

Le cinéma polonais, sur Netflix, n’est pas celui qui fait le plus rêver. Il faut dire qu’outre la trilogie de 365 DNI, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, et si les parties de jambes en l’air sur fond de musique électro ne vous plaisent pas, il faudra se rabattre sur l’horreur. Car visiblement, la plateforme de streaming laisse les coudées franches à Bartosz M. Kowalski, un fou d’horreur, qui a commencé à faire parler de lui avec Nobody Sleeps in the Woods Tonight. Slasher teinté de survival où deux monstruosités pourchassent et tuent sans vergogne une bande de jeunes dégénérés, on ne peut pas dire que cette duologie à marquer les esprits, sinon dans le mauvais sens du terme. Si on pouvait y voir une critique de la politique polonaise, il fallait tout de même se fader une histoire imbuvable et des clichés surannés.

Pour autant, visuellement, le gore était de mise et on sentait une belle générosité chez Kowalski. Quelle surprise alors de voir débouler un nouveau film du réalisateur, avec une communication inexistante, une absence de poster et un titre mystérieux, L’Abîme de l’Enfer. Exit donc les monstres dégoulinants et immortels de la forêt, et bienvenue dans un monastère austère en pleine Pologne de 1987. Kowalski manie parfaitement l’énigme autour de film, dont on se saura peu de chose, si ce n’est que l’on va suivre un flic infiltré dans un conclave de moines pour enquêter sur des disparitions. Malheureusement pour notre « héros », il va voir que ce qui se trame dans ce monastère n’est pas très catholique. Sans jamais tomber vraiment dans le piège du film démoniaque, L’Abîme de l’Enfer se révèle être une bonne surprise, totalement inattendue, et qui ne se fixe aucune limite.

Le démarrage laisse pourtant perplexe. Nous sommes en 1957, et un prêtre va exécuter un bébé portant une marque sur le torse. Mais il est tué par la police et on retrouve ce bébé trente ans plus tard dans la peau du policier. L’histoire va alors nous présenter le monastère, les règles qui régulent la vie des moines, et surtout, comment se déroulent les exorcismes. Car oui, en plus de faire lieu de culte pour les religieux, c’est aussi un sanatorium pour soigner les personnes soupçonnées d’être démentes. Kowalski va jouer sur tous les codes du film d’exorcisme, avec ce qu’il faut de croix qui prend feu, de filles qui se tordent dans tous les sens, et de lit qui tremble. C’est très classique, et on a peur de tomber dans une redite un poil glauque de L’Exorciste.

« L’atmosphère, moite, froide, glauque, va permettre de mettre en avant des moments galvanisants et outranciers »

Mais il n’en sera rien, car cela sera déconstruit sur la séquence d’après, où le flic mène l’enquête et découvre que tout cela est une supercherie. On ressent alors le mélange des genres, avec d’un côté le film d’horreur, grâce à une ambiance glauque au possible et des moines qui sont tout de même très étranges, et de l’autre, le film policier, où l’enquête va mener le personnage central vers des découvertes macabres. Et c’est à partir de là que le cauchemar va prendre forme. On se doute un petit peu de certains éléments, mais on se demande si le réalisateur va aller au bout de ces idées, qui sont tout de mêmes très… perverses. Mais Kowalski met les deux pieds dedans et déroule un câble grandguignolesque pour mieux nous percuter et nous choquer. Le film va prendre une tournure très gore et très jusqu’au-boutiste.

Car oui, même si on reste dans l’horreur, le thème central va dévier de son axe pour plonger dans le film d’épouvante ésotérique, avec ce qu’il faut de satanisme, de culte sanguinolent et d’invocation de démon. Kowalski utilise dès lors son ambiance délétère pour créer un stress permanent autour de son héros, un homme qui semble bon et qui ne veut qu’une chose, rétablir la vérité et la justice. Même si on sait peu de chose sur lui, on va le prendre en empathie au sein de ce relais de givrés, qui cachent un lourd secret. L’atmosphère, moite, froide, glauque, va permettre de mettre en avant des moments galvanisants et outranciers, à l’image de cet œil qui fait office de caméra, construit avec des dents et des cheveux. C’est sale, mais c’est surtout à la fois innovant et très macabre. Cela colle parfaitement avec l’ambiance recherchée.

« Il réside un vrai côté nihiliste dans cette intrigue. »

Et malgré son aspect grand-guignol, malgré une fin qui va partir vers un grotesque assumé, on reste intéressé par la tournure des évènements et la maîtrise technique de Kowalski. Le final est un petit déluge satanique, où le démon fait son apparition et va permettre au réalisateur de se faire plaisir en jouant avec la caméra, les axes et les points de vue. Certes, on plonge vraiment dans un théâtre rocambolesque et crado, mais ça fait son office. De plus, il réside un vrai côté nihiliste dans cette intrigue, qui ne nous permet pas de dire comment va finir le film. C’est plutôt malin, et tout le final se poursuit jusqu’au générique de fin, qui suit une logique implacable. Bref, visuellement parlant, c’est un peu zinzin et ce n’est pas à mettre entre tous les yeux. Le metteur en scène va très loin dans la saleté.

Les seuls défauts que l’on peut incomber au film proviennent du scénario. Il y a quelques moments qui sont téléphonés et qui manquent un peu de finesse. De plus, vers la fin, là où le long-métrage devrait exploser, le réalisateur va freiner un peu pour tomber dans un humour qui ne fonctionne pas. On a l’impression que c’est là pour rallonger le film, alors qu’il n’avait clairement pas besoin de ça. On peut aussi noter un léger ventre mou, notamment lorsque l’on apprend que le moine est un flic infiltré et qu’il doit aider un autre moine, lui aussi policier. Kowalski tire un peu sur la corde de l’intrigue dans l’intrigue, mais ça ne marche pas vraiment. Néanmoins, toutes ces petites choses sont du menu fretin par rapport à la qualité visuelle du film, et cette volonté d’aller toujours plus loin dans le crade, le gore et l’ambiance dérangeante.

Au final, L’Abîme de l’Enfer est un film qui va jusqu’au bout de son concept et de son idée. Si on pourrait presque lui reprocher son manque de fond, son absence de message, si ce n’est un coup de pied dans la fourmilière de la chrétienté, il faut lui reconnaître de sacrées bonnes choses. A commencer par une ambiance très sale qui tient du début à la fin. Mais aussi des séquences gores étonnantes, ainsi qu’un final grand-guignol qui met en avant une créature parfaite, poussant le nihilisme à son paroxysme. Bref, une étonnante réussite.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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