Titre Original : Boy From Heaven
De : Tarik Saleh
Avec Tawfeek Barhom, Fares Fares, Mohammad Bakri, Makram Khoury
Année : 2022
Pays : Suède, France, Finlande
Genre : Thriller
Résumé :
Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays.
Avis :
Aujourd’hui, on va aller explorer une carrière plutôt atypique, celle de Tarik Saleh. Réalisateur suédois d’origine égyptienne, Tarik Saleh s’est fait connaître par le biais du graffiti à la fin des années 80. Après avoir graffé bien des murs, il devient directeur artistique pour plusieurs magazines. Ayant un sens politique aiguisé, peu à peu, il s’oriente vers les métiers du cinéma, d’abord en tant que producteur, puis en tant que réalisateur de documentaire. Après un documentaire questionnant la mort de Che Guevara, en 2005, il tourne un film sur le camp de Guantanamo. Son premier film de fiction, il le réalisera en 2009, et il fera un choix étonnant, puisque ce sera un film d’animation. Enfin, à partir des années 2010, il se lance vraiment dans le film de fiction.
Des fictions dans lesquelles il n’oublie jamais son côté politique, comme va encore une fois le prouver « La conspiration du Caire« , son quatrième long-métrage, qui s’aventure sur des questions autour de la religion islamique, et plus largement comment cette dernière peut influencer des peuples. Film particulièrement intéressant, film dense dans ce qu’il veut raconter, oscillant entre bien des genres et des thèmes, « La conspiration du Caire » est un film au sujet brûlant, c’est un film audacieux, mais derrière ça, c’est aussi un film qui déçoit quelque peu, tant il a tendance à se faire classique d’un côté et se faire long, très long, de l’autre. Un sentiment vraiment dommage, car le film est vraiment intéressant.
Adam est fils de pêcheur et il vient d’obtenir une bourse pour aller étudier à l’Al-Azhar au Caire. Al-Azhar est le plus grand centre d’étude du monde musulman. Quelques jours après son arrivée, le grand Iman de Al-Ahzar meurt et bientôt Adam, malgré lui, est pris dans un complot qui le dépasse. Un complot qui vise à démanteler une branche infiltrée à Al-Azhar, et derrière ça, un complot qui vise à faire élire le nouvel grand Iman.
Pour son quatrième film, Tarik Saleh a décidé de nous entraîner dans un film d’enquête et d’infiltration dans un lieu où l’on ne rentre strictement jamais, Al-Ahzar au Caire, immense édifice religieux où le Coran y est enseigné. Ce qui était très intéressant avec ce film, et qui l’est tout court d’ailleurs, c’est l’idée, à travers un film extrêmement politique, d’offrir un film d’infiltration qui tient bien tous les codes du film d’espionnage. Ainsi, au cours des deux heures que va durer ce « La conspiration du Caire« , Tarik Saleh nous livre beaucoup de scènes où les personnages s’observent, où les personnages se rencontrent en douce la nuit dans des cafés, où les personnages se retournent pour s’assurer qu’ils ne sont pas suivis. Le scénario tient une bonne idée, celle de plonger un étudiant fraîchement débarqué et complètement pur dans une histoire qui le dépasse totalement.
Sorte de parcours initiatique, « La conspiration du Caire » nous entraîne toujours plus profondément dans une spirale, où il y a bien l’air de n’avoir aucune chance de sortie. Le scénario abordera beaucoup de thèmes qui sont extrêmement intéressants, comme l’élite religieuse du pays, le choix d’un nouvel Imam, l’influence religieuse sur la population, et sur les politiques, et inversement, puis derrière ça, les pratiques tenues par les grandes instances qui résonnent comme de la manipulation. Évidemment, le film aborde l’extrémisme religieux, même s’il faut aussi dire qu’il survole ce thème-là, n’osant jamais vraiment aller dedans, ce qui est dommage, car là encore, c’est extrêmement intéressant, car le peu qui est fait est assez loin des clichés.
Ce qu’il y a de bon aussi avec ce film, c’est son authenticité, et toute la culture qu’il filme, que ce soit au sein de l’Al-Ahzar avec la vie de ses étudiants, ou les cours qui y sont donnés, ou encore tout simplement toute la culture qu’il peut y avoir dans la rue, avec les chants, la bouffe, et l’ambiance. C’est très bien fait, et ça nous montre autre chose.
Enfin, dernière point fort du film de Tarik Saleh, ce sont bien sûr ses acteurs, et plus particulièrement son duo d’acteurs principaux, avec d’un côté le tout jeune Tawfeek Barhom parfait en étudiant craintif qui va peu à peu prendre de l’assurance. Puis de l’autre, il y a le suédois Fares Fares, qui sera toujours aussi bon, dans un rôle ambigu très intéressant. Après, derrière eux, le film nous réserve beaucoup d’autres comédiens et rôles qu’on prend plaisir à suivre et à découvrir.
Après, comme je le disais, le film est loin d’être parfait, et la séance est quelque peu abîmée, avec d’un côté, un côté très classique à l’ensemble. Si, Tarik Saleh a su insuffler à son film une belle ambiance, hormis son sujet, le réalisateur ne prend pas vraiment de risque. Certes, il nous entraîne dans un film qui a tous les codes du film d’infiltration, mais jamais il n’offre une vraie tension palpable, ou encore un suspens qui nous tiendra en haleine de bout en bout. Puis derrière ça, très vite, « La conspiration du Caire » se fait long. Si le film demeure intéressant, et s’il se passe beaucoup de choses, il enchaîne les défauts de rythme et prend trop de temps pour raconter cette histoire, qui donne la sensation, à plus d’une reprise, de ne pas avancer et de tourner en rond, et c’est franchement dommage, car ça plombe vraiment le film.
Après, au-delà de ce manque de rythme, « La conspiration du Caire » est visuellement très beau, Tarik Saleh ayant très joliment travaillé son film, offrant de très beaux plans, de belles scènes, une bonne ambiance (même si elle aurait pu être plus tendue) et sensoriellement parlant, le film est là aussi très beau, avec un joli travail, aussi bien sur l’ambiance des rues et de l’Al-Ahzar que dans les choix de la musique.
Le nouveau film du réalisateur suédois Tarik Saleh est donc un petit cru, qui sait se faire intéressant sur bien des axes, même s’il est bien trop long, et qu’il aurait mérité d’être plus sombre et prenant. Heureusement, si la séance se fait longue, il faut lui laisser qu’elle demeure intéressante dans ce qu’elle raconte, de par le lieu dans lequel elle nous emmène et derrière ça, il y a ce côté film d’infiltration à travers les yeux d’un novice qui sait piquer notre curiosité. On ressort donc de ce « La conspiration du Caire » déçu d’un côté, car il n’est pas aussi bon et grand qu’il le laissait présager, et en même temps, il a réussi à se faire suffisamment intéressant pour nous tenir, et nous donner l’envie de savoir comment tout ceci allait bien pouvoir se finir.
Note : 13/20
Par Cinéted