avril 23, 2024

Tokyo Godfathers

Titre Original : Tokyo Goddofâzâzu

De : Satoshi Kon et Shôgo Furuya

Avec les Voix Originales de Toru Emori, Aya Okamoto, Yoshiaki Umegaki, Seizou Katou

Année : 2003

Pays : Japon

Genre : Animation

Résumé :

A Tokyo, pendant les fêtes de Noël, trois amis sans abri trouvent un bébé abandonné et une mystérieuse clé annonciatrice de folles aventures.

Avis :

Dans le monde de l’animation japonaise, il y a des noms qui ne s’oublient pas. Si pour le commun des mortels, on pense immédiatement à Hayao Miyazaki et les studios Ghibli, il ne faut pas oublier que certains réalisateurs ont aussi marqué de leur empreinte le monde de l’animation. Et en ce sens, il est difficile de ne pas citer Satoshi Kon. Décédé beaucoup trop tôt (en 2010 à l’âge de 46 ans), il laisse derrière lui peu de films (5), mais ils ont tous une aura particulière et un univers singulier. Si beaucoup connaisse Paprika pour avoir inspiré Nolan et son Inception, il est reconnu dès son premier film, Perfect Blue. Mais parmi tous ces films, il y en a un qui reste assez méconnu et qui est pourtant un petit chef-d’œuvre, c’est Tokyo Godfathers.

L’histoire du film part sur un principe très simple, trois sans-abris trouvent un bébé dans des ordures et décident de retrouver ses parents. Cela va les emmener vers de folles aventures, allant de rencontres improbables à une lutte sans merci pour survivre dans les rues glaciales d’un Tokyo en pleine fête de Noël. A partir de ce simple pitch, Satoshi Kon va en profiter pour livrer des portraits très touchants et offrir un film à la fois dynamique et très intéressant dans les thèmes qu’il brasse. Sans oublier, bien évidemment, une mise en scène inventive et un humour très bien équilibré. D’ailleurs, la première chose qui frappe dans ce film réside dans les caractères des trois sans-abris, qui sont très liés, mais qui ne font que se chercher des poux.

On retrouve Gin, un homme bourru, alcoolique, qui n’a pas la langue dans sa poche, et qui semble un peu paumé dans cette société qui change à vitesse grand V. Pour autant, il reste très tolérant et possède un grand cœur. A ses côtés, on trouve Hana, un homosexuel travesti en femme, qui aime secrètement Gin. C’est un personnage exubérant, qui essaye de voir le bien partout où il se trouve, même dans la misère. Enfin, Miyuki vient clore ce trio. Il s’agit d’une jeune adolescente qui a fui son foyer et a trouvé une famille de substitution avec ces deux énergumènes. L’ensemble, plutôt dysfonctionnel, marche bien et il y a un réel amour qui se dégage de ces trois personnages hauts en couleurs. Mais cela ne suffit pas au réalisateur, qui va leur fournir des backgrounds touchants et cohérents.

Car si Tokyo Godfathers est totalement débridé dans son humour et ses scènes d’action explosives (la course-poursuite à la fin est dingue), le cinéaste veut surtout mettre en avant des récits de vie plausibles, dans un Japon qui ne laisse aucune chance aux mauvais choix et qui semble gangréné par la folie des jeux d’argent. Ainsi, on va apprendre la dure réalité pour Gin, qui se retrouve à la rue, loin de sa famille, pour des choix égoïstes et qui n’ont pas payé. Miyuki décide de quitter son foyer car son père est trop dur et ne l’écoute pas suffisamment sur ses besoins. Quant à Hana, son avenir semblait tout tracé dans un cabaret, mais là aussi, une mauvaise décision va venir lui mettre des bâtons dans les roues. Sans jamais aller dans l’excès ou le larmoyant, Satoshi Kon offre trois portraits touchants et beaux.

Le plus intéressant là-dedans, quand on gratte un peu, c’est de voir que ces trois personnages se sont mis dans des situations précaires par des choix personnels, mais aussi par un manque cruel de dialogues. Par exemple, Gin a fait le choix de partir, de quitter sa famille alors que sa fille l’accepte encore, tel qu’il est, sans aucun jugement. Il en va de même avec Miyuki qui quitte sa maison sur un coup de tête, alors que son coup d’éclat a permis à son père de réfléchir et il veut la revoir chez lui. Quant à Hana, ses retrouvailles avec ses ami(e)s du cabaret vont lui montrer que son coup de sang n’a eu que peu d’impact et elle aurait pu rester dans son travail. Le réalisateur montre alors qu’il n’y a aucune fatalité dans la vie et que les choses peuvent s’arranger.

Un message positif au sein d’une communauté peu habituée à la tolérance et la gentillesse des autres. Ce trio n’est pas le seul à avoir un avenir incertain. En effet, en trouvant ce bébé dans les décombres, ils vont faire des rencontres improbables, ce qui sera l’occasion pour le réalisateur de brosser un portrait peu flatteur de la société nippone. A titre d’exemple, on peut évoquer ce groupe de jeunes qui va tabasser Gin pour leur seul plaisir, estimant qu’il faut « nettoyer » les rues de Tokyo de tous les déchets. Un passage dur, qui ne sera jamais puni par la police. On ira aussi dans les bas-fonds de la mafia japonaise, avec un petit message sur des immigrés qui se font exploiter. Enfin, difficile de ne pas évoquer ce père absent, qui a tout perdu aux jeux, et qui ne veut pas de ce bébé.

Toutes ces rencontres vont mettre du plomb dans la tête des trois héros, leur permettant de réfléchir sur leur vie, leurs choix et leur avenir, qui va se recouvrir de lumière. En utilisant les fêtes de Noël comme cadre à cette histoire, Satoshi Kon délivre un vrai conte enchanteur, qui garde néanmoins une folie douce, si chère à son créateur. Une fable qui a sa part de magie, mais qui ne prend jamais le pas sur la dure réalité d’un monde sans pitié. Il y a dans ce film un équilibre parfait entre humour, dureté, fantastique et réalité. Et rares sont les films qui arrivent à tenir leur barque sur toute la durée, n’oubliant jamais de divertir tout en faisant réfléchir sur une société qui range les gens dans des catégories bien spécifiques.

Au final, Tokyo Godfathers est une pépite encore trop méconnue. Satoshi Kon utilise la magie de Noël pour fournir un film riche, à la fois drôle et grave, qui n’hésite pas à aborder des thèmes difficiles, tout en gardant une sorte de fraîcheur inattendue. Il en résulte un petit chef-d’œuvre sensible et touchant, qui ne fait jamais dans l’excès et trouve un parfait équilibre dans toutes ses tonalités, de la part d’un créateur parti trop tôt.

Note : 19/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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