avril 25, 2024

Everville – Clive Barker

Auteur : Clive barker

Editeur : Bragelonne

Genre : Fantastique, Horreur

Résumé :

Vous qui allez franchir la porte qui mène à Quiddity, l’Océan onirique, oubliez tout ce que la réalité vous a appris !
Vous allez entrer dans une autre dimension, au plus profond de l’imaginaire où règnent les forces du Désir, de l’Amour et de la Connaissance.
Et comme tous ceux qui ont franchi cette porte, vous en serez transformés.
Comme Phoebe Cobb, partie à la recherche de son amant, et qui découvre ces contrées étranges et sensuelles.
Comme Tesla Bombeck qui sait que Quiddity est aussi un lieu de cauchemar, peuplé d’abominations qui menacent d’envahir notre réalité.
Comme Harry d’Amour qui a traqué le mal aux quatre coins de l’Amérique et va devoir l’affronter en un ultime combat dans les rues ensoleillées d’Everville…

Avis :

Par bien des aspects, l’œuvre de Clive Barker est foncièrement déstabilisante. Figure incontournable de la littérature horrifique, l’auteur ne cesse de surprendre et prendre à contre-pied les attentes de son lectorat. Preuve en est avec l’odyssée métaphorique de Galilée ou l’atmosphère baroque de Coldheart Canyon. Bon nombre de ses histoires sont difficiles d’accès, tant le texte se veut dense, exigeant, quitte à l’affubler de longueurs ou de passages dispensables. Il n’en demeure pas moins une œuvre singulière. Ce fut notamment le cas avec Secret Show, projet pharaonique dans ses ambitions qui inaugurait le diptyque des Livres de l’Art. Autre facette de ce dernier, Everville poursuit l’exploration de l’océan onirique Quiddity.

Avec Secret Show, on se souvient d’un développement mythologique impressionnant. Malgré l’épaisseur du livre, celle-ci paraissait à l’étroit tant elle impliquait une myriade d’enjeux et de tenants sur différentes strates chronologiques, sans compter l’enchaînement des points de vue. Aussi, le présent ouvrage ne s’inscrit pas dans une redite de ce qui a été amorcé auparavant, mais plutôt dans sa continuité. Clive Barker s’immisce toujours plus profondément dans les considérations métaphysiques suggérées au gré des pages et des vagues tumultueuses de Quiddity. Si l’on distingue une réelle cohérence, elle se manifeste à travers des interactions dont les conséquences s’échelonnent sur des intervalles de temps variables.

Preuve en est avec cette première partie « historique » qui remonte aux origines de la ville d’Everville. Elle inaugure de façon probante l’intrigue, offrant une résonnance particulière à cette confrontation entre croyances religieuses et phénomènes surnaturels. Tout d’abord évocateur d’une errance existentielle, le nomadisme propre à la communauté se métamorphose en pèlerinage avant de s’orienter vers la quête de la terre promise. Il est alors aisé de remarquer les influences bibliques pour présenter la genèse du récit. Au sortir de cet excellent a priori, on replonge dans un contexte contemporain qui, rapidement, renoue avec les digressions narratives de son prédécesseur.

Là encore, l’exposition des faits et des personnages n’est pas pour déplaire. Le travail d’écriture est fouillé, immersif au possible. En revanche, les atermoiements qui ne trouvent pas de finalité sont plus préjudiciables. Nombre de séquences ne sont pas utiles au bon déroulement du récit, y compris dans l’instauration d’une atmosphère particulière. L’absence d’un intérêt réel tient à une banalisation qui ne prête pas à conséquence. Comme pour d’autres de ses livres les plus imposants, on a l’impression que l’auteur use de ces passages pour faire du remplissage. On songe, entre autres, à l’enchaînement des rapports sexuels plus ou moins violents, mais toujours explicites.

Certes, l’homme est connu pour insuffler une connotation érotique à ses histoires. À certains égards, l’approche charnelle est similaire à celle de David Cronenberg pour des films tels que Frissons, Rage ou Chromosome 3. Il est vrai que cela ajoute un caractère déstabilisant, parfois malsain. Celui-ci a des répercussions sur l’appropriation et l’interprétation du récit. Toutefois, l’abus est manifeste. Le prétexte pour la bagatelle est facile et demeure gratuit dans la majorité des cas. Ce choix n’est en rien embarrassant. Il démontre seulement une tonalité redondante et futile, guère ancrée dans la mythologie de Quiddity.

Il est également dommage que l’arrivée d’Harry D’Amour survienne tardivement, soit presque à la moitié du roman. Les chapitres qui lui sont dédiés insufflent une nouvelle dynamique à l’intrigue. Cela tient, entre autres, à cette ambiance lugubre et poisseuse qui suinte de New York. À plusieurs reprises, on a l’impression que les descriptions nous entraînent sous la surface de la réalité. Un monde souterrain aux multiples strates dont chaque palier marque une incursion toujours plus profonde dans le paranormal. Bien qu’elles soient secondaires, les enquêtes du détective sont prenantes et auraient mérité à davantage d’importance que d’autres éléments subsidiaires de l’histoire principale.

Au final, Everville s’avère une œuvre originale et troublante. Le récit aime à dépeindre des contrées oniriques avant de se perdre dans des considérations horrifiques moins éthérées. La mythologie qui entoure Quiddity présente un caractère fascinant, même si l’intrigue demeure percluse d’errances narratives en tout genre. On songe à une multiplication des ébats sexuels pas forcément pertinente, ainsi que des scènes du quotidien qui n’apportent rien et ne possèdent pas de résonnance particulière dans la suite des évènements. Avec un rythme inconstant, Everville confirme ce traitement guère facile à appréhender. Celui-ci nécessite de passer outre les tergiversations et les faux-fuyants pour apprécier la singularité de l’ouvrage et de son atmosphère. Un livre étrange et attrayant dans le fond, mais perfectible sur la forme.

Note : 13/20

Par Dante

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