Auteur : Serge Joncour
Editeur : J’ai Lu
Genre : Thriller, Drame
Résumé :
L’idée de
passer tout l’été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors
Franck avait accepté, un peu à contrecœur et beaucoup par amour, de louer dans
le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau.
L’annonce parlait d’un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix.
Mais pas du passé sanglant de cette maison que personne n’habitait plus et qui
avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre
mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s’était
imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître.
En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu’on avait
apprivoisée aussi bien qu’un animal de compagnie, n’avait plus rien de sauvage
; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s’entretuaient, avaient
cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c’était en
arrivant.
Avis :
Parmi les écrivains français les plus prolifiques et qui pourtant ne font pas beaucoup de bruit, Serge Joncour s’impose presque comme un mètre étalon. Maître-nageur, puis publicitaire, il va en parallèle écrire de la poésie, des nouvelles et des romans, jusqu’à se faire publier en 1998. Dès lors, il ne cessera d’utiliser sa plume (et son clavier d’ordinateur) pour écrire des histoires qui vont avoir de beaux succès, lui permettant de recevoir des prix, mais aussi des adaptations télé de certaines de ses œuvres, comme U.V. ou encore L’Idole, qui sera rebaptisé Superstar au cinéma. Bref, Serge Joncour, c’est un écrivain talentueux qui n’a plus rien à prouver à personne. Et dès lors que son dernier roman, Chien-Loup, est paru dans une édition poche, il n’a fallu qu’une petite seconde pour tenter la lecture et donc la découverte de cet auteur. Et ce ne doit pas être le meilleur de son auteur, même si le récit est loin d’être désagréable. Retour alors sur une campagne de comm’ un peu mensongère et une histoire qui brasse un peu de vide.
L’intérêt de Chien-Loup tient à deux histoires qui se déroulent avec cent ans de différence au même endroit. En effet, on va suivre la vie à Orcières en 1914 alors que la guerre débarque, mais aussi les vacances de Franck et Lise en 2017, dans une location isolée du monde, dans les hauteurs de Orcières. En faisant cela, Serge Joncour va essayer de narrer deux histoires différentes, l’une qui porte plus sur la dureté de la vie à la montagne et l’amour et l’autre qui pose un regard cynique sur notre surconsommation d’écrans et cette difficulté que l’on a à déconnecter. Des sujets intéressants donc, qui seront plutôt bien traités en fonction de leur temporalité, l’écrivain alternant à chaque fois un paragraphe sur deux. Ce qui est assez intelligent dans cette façon de faire, c’est qu’il imprègne les passages de 2017 d’un certain suspens en s’appuyant sur des éléments du passé. Ainsi donc, en jouant constamment sur la force de la nature et sur d’hypothétiques éléments qui se sont déroulés il y a une centaine d’années, on retrouve une certaine peur sur ce qui rôde en 2017. C’est malin, ça fonctionne un petit peu pour peu que l’on oublie le décalage des années et l’impossibilité de certaines choses qui seront brillamment évitées ici.
Durant le période de 1914, Serge Joncour va nous raconter comment les hommes partent au front, comment les femmes et les enfants vont s’occuper des champs, et comment une belle et jeune femme va perdre son mari et retrouver l’amour dans les bras d’un dompteur allemand qui s’est réfugié avec ses bêtes dans les hauteurs du village. Peur, superstition, suspicion de trahison, tout va y passer avec pour fond la guerre qui rend fou, jusque dans les campagnes isolées. Ici, on aborde la place des femmes au sein d’une communauté, leur force de caractère et surtout leur capacité à s’adapter à tout. Mais on y parle aussi d’isolement, de tristesse, de fatigue. Bref, c’est relativement bien décrit et certaines interactions sont plutôt intéressantes. Durant la période 2017, les choses vont être différentes. Lise est une actrice sur le déclin, Franck est un producteur sur le déclin après deux échecs commerciaux. Ils partent alors dans l’ancienne cahute du dompteur pour se ressourcer, là où il n’y a pas de réseaux. C’est la panique pour Franck qui est surconnecté en permanence. Avec ce couple, l’auteur va parler de la surconsommation de masse, de la compétitivité qui règne dans le milieu du cinéma et qui peut détruire des hommes. On parle aussi de se ressourcer avec la nature, de retourner à l’essentiel et de découvrir de nouvelles choses. La peur fait aussi partie de ces chapitres, avec des ruraux peu sympathiques, un peu rugueux, mais aussi une nature sauvage qui recèle bien des dangers. En bref, c’est riche, dense, et Serge Joncour s’évertue à étoffer son ouvrage avec des personnages crédibles.
Mais tout n’est pas rose (ou plutôt vert) dans le paysage de Chien-Loup. Le principal reproche que l’on peut faire à l’ouvrage, c’est la répétition presque abusive de certaines choses, de certains passages. Serge Joncour semble avoir peur que l’on oublie en cours de route des choses de son récit, et il répète, parfois inlassablement, les mêmes choses. La galère des femmes, le mal d’amour de Joséphine, la peur de Franck d’être dépassé par ses deux jeunes associés. On retrouve parfois des chapitres entiers qui ne font pas avancer l’histoire, mais qui ne font que redire des choses que l’on sait déjà. Cela alourdit inutilement l’ensemble et on dirait que cela est fait pour juste rajouter des pages. Ensuite, l’autre reproche que l’on peut faire au livre, c’est qu’il se termine sur une note frustrante. On nous balance des sujets durant plus de cinq cents pages pour finalement finir sur une conclusion qui n’amène pas grand-chose, surtout en ce qui concerne le passé. Enfin, et ce n’est pas la faute de l’auteur, mais le roman est vendu comme un thriller et s’il possède certains éléments du thriller, il n’en est clairement pas un, lorgnant plus du côté du récit de vie avec quelques passages un peu effrayants, mais c’est peu de chose. Du coup, la campagne de comm’ est un peu bizarre, alors que la version grand format est plus en adéquation avec l’intérieur du bouquin.
Au final, Chien-Loup reste une histoire intéressante et racontée de façon intelligente. L’alternance des deux époques qui parfois se répondent est une bonne idée et permet d’ajouter du suspens à l’une des deux parties. L’écriture de Serge Joncour est fluide et son style est assez classique, permettant une rapide immersion dans l’histoire. On regrettera simplement un final bâclé et des répétitions parfois inutiles qui peuvent lasser le lecteur. De petites scories donc mais qui n’entache en rien le plaisir de lecture et de découverte.
Note : 14/20
Par AqME