avril 20, 2024

Une Femme Mariée

De : Jean-Luc Godard

Avec Macha Méril, Philippe Leroy, Bernard Noel, Roger Leenhardt

Année : 1964

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Charlotte, entre deux conversations intellectuelles avec son mari ou, et, son amant ne sait lequel choisir des deux.

Avis :

A lui tout seul, Jean-Luc Godard est une institution du cinéma français. Autant adulé que détesté, le cinéaste a laissé une empreinte particulière sur le septième art, notamment dans ce que l’on a appelé la nouvelle vague. Pour autant, malgré un succès fou et des films qui font, encore aujourd’hui, parler d’eux (en bien ou en mal), Godard n’est pas un réalisateur facile d’accès. Il est fort probable d’ailleurs que la jeunesse « cinéphile » ne voit en lui qu’un bourgeois élitiste faisant des films « chiants » pour plaire à un certain public. Peut-être. Mais Jean-Luc Godard reste un cinéaste passionnant, qui a laissé un héritage fort dont il faut en connaitre un peu les issues. Et dans sa grande filmographie, Une Femme Mariée fait partie des films les plus accessibles, mais aussi les moins connus, et c’est peut-être un bon pas pour commencer à entre dans son cinéma.

L’histoire est relativement simple. Ici, on suit Charlotte en pleine émancipation féminine, qui trompe son mari avec un acteur de théâtre. Cependant, dans le même temps, elle est aussi amoureuse de son mari, un pilote d’avion un brin macho. Charlotte ne sait qui choisir, et dans ce monde qui évolue, elle se cherche et se compare souvent à d’autres jeunes femmes pour trouver sa voix. Jean-Luc Godard ne cherche pas à faire compliqué, et il veut juste mettre en avant une femme bien dans son époque, qui voit le monde avancer dans le bon sens pour la femme, mais qui ne sait comment s’en sortir dans sa vie sentimentale. Pure tranche de vie teintée de drame, Une Femme Mariée est un film qui va aussi mettre en avant des discussions intellectuelles autour de divers thèmes. Et c’est là que les choses vont un peu s’éterniser.

Le démarrage du métrage est assez étonnant. On va voir deux mains qui s’entrelacent, avec des personnages qui dictent des phrases comme au théâtre. Puis, à l’aide d’un montage ponctué de ruptures, on va faire la connaissance de Charlotte et de son amant. Godard filme les corps avec une grande pudeur, laissant dépasser quelques jambes, glisser quelques mains, mais avec une belle tenue. D’ailleurs, certains plans sont carrément sublimes, lorsque l’on voit les yeux de Macha Méril et la bouche de son amant. Pas de doute alors, on est dans un cinéma d’auteur pur jus, qui va même se payer le luxe, par la suite, de raconter son histoire avec des chapitres, qui illustreront les dialogues intellos que l’on va se tartiner. Car oui, si l’histoire de Charlotte est douce et tendre, ce ne sera pas le cas des discussions autour de l’amour, l’intelligence ou encore le savoir.

Jean-Luc Godard ne se contente de raconter la vie de Charlotte, et de montrer toutes les étapes qui vont l’amener à choisir une voie. Ici, on va devoir se coltiner des monologues pénibles, où tout un chacun s’écoute parler. Si certains passages sont passionnants, c’est tout simplement parce qu’ils sont interprétés avec un grand talent d’acteur. On peut évoquer le magnétisme de Philippe Leroy, où il reste dans son rôle, même face caméra. Cependant, ces discussions cassent complètement le rythme du film et empêche une certaine fluidité. Il y a dans ce film des ruptures abruptes qui donnent l’impression d’un film recollé à la va-vite, comme si des morceaux de pellicule avaient été retrouvés et remis bout à bout. Est-ce là une volonté de l’auteur ? Peut-être, car le message du début de film nous raconte que cela a été monté avec des extraits retrouvés. Bref…

Néanmoins, malgré les cabotinages des personnages masculins, Une Femme Mariée est un film qui veut se focaliser sur la femme, et Macha Méril tient donc le rôle clé. Un rôle complexe, à la fois fragile et inconsistant, où la jeune femme peut sembler à la fois frivole, puis consciente du choix qu’elle doit faire. Le film aurait pu être beau s’il prenait de la hauteur par rapport à son drame final. Un drame qui n’intervient qu’à dix minutes de la fin et accélère les choses. Et de là, le sujet de l’adultère et de l’enfant non désiré ne prend pas. C’est dommage, car il y avait quelque chose à faire de ce côté-là. Mais Godard préfère montrer les évolutions féminines à travers des extraits de journaux, des pubs, ou encore des techniques pour se faire grossir la poitrine.

On presque percevoir cela comme un témoignage d’une époque. En filmant les filles dans les piscines, en maillot, parfois en culotte, en mettant en avant de grands panneaux publicitaires autour de la femme, on voit bien que Jean-Luc Godard veut mettre en avant une sorte de révolution qui va mettre la femme au centre de la société. Mais lui, il ne parvient jamais vraiment à mettre Charlotte au centre de son récit, coupant à chaque fois par des discussions stériles, où chacun s’écoute parler. Un style dans lequel on reconnait bien le cinéaste, voulant à tout prix intellectualiser son propos, même s’il n’a rien à voir avec son sujet principal.

Au final, Une Femme Mariée est un Jean-Luc Godard qui est, certes, accessible et facilement compréhensible, mais il reste assez décevant. Entre un rythme étrange et une histoire trop simpliste entrecoupée de monologues qui se veulent intellectuels, on ressort de cette courte séance déçu par le presque non-traitement du sujet principal. On aura bien quelques plans sublimes et des acteurs talentueux, mais cela ne suffit pas à nous sauver d’un ennui poli…

Note : 08/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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