mai 8, 2024

Les Goûts et les Couleurs – Le Meilleur Leclerc?

De : Michel Leclerc

Avec Rebecca Marder, Félix Moati, Judith Chemla, Philippe Rebbot

Année : 2022

Pays : France

Genre : Comédie

Résumé :

Marcia, jeune chanteuse passionnée, enregistre un album avec son idole Daredjane, icône rock des années 1970, qui disparait soudainement. Pour sortir leur album, elle doit convaincre l’ayant-droit de Daredjane, Anthony, placier sur le marché d’une petite ville, qui n’a jamais aimé sa lointaine parente et encore moins sa musique. Entre le bon et le mauvais goût, le populaire et le chic, la sincérité et le mensonge, leurs deux mondes s’affrontent. À moins que l’amour, bien sûr…

Avis :

Michel Leclerc est un réalisateur français qui fait de la comédie son cheval de bataille. Après quelques courts et quelques films, c’est en 2010 avec « Le nom des gens » que Michel Leclerc rencontre son premier grand succès. Il faut dire que cette comédie dramatique et politique, pleine de piquant, avait tous les ingrédients pour s’installer dans le paysage du cinéma français, et au-delà de ça, douze ans après sa sortie, elle demeure toujours comme le meilleur film de son réalisateur. Les années 2010, Michel Leclerc les a traversées avec simplicité, continuant sur des films qui mélangent comédie et politique (« Télé Gaucho« , « La lutte des classes« ).

S’il a conclu ses années 2010 de manière simple avec « La lutte des classes« , Michel Leclerc commence les années 2020 d’excellente manière et plus encore, puisque son nouveau film, « Les goûts et les couleurs« , se pose comme le meilleur de son réalisateur depuis « Le nom des gens« . On peut même dire que ce nouveau film peut prétendre à entrer directement sur le podium de ce que le cinéaste a fait de mieux.

Comédie drôle et inventive, pleine de charme et d’audace, « Les goûts et les couleurs » tient en plus de ça un très joli fond, qui explore bien des sujets. Tenu par des comédiens au top et une BO créée pour le film, ces « … goûts et les couleurs » sera assurément l’un des meilleurs films de ce mois de Juin, on en prend le pari.

Marcia est une jeune chanteuse qui a sorti en toute confidentialité un premier album, il y a quelques mois. Marcia est passionnée et elle a une idée de ce qu’elle veut chanter et rien ne la fera bouger d’une ligne. Marcia idolâtre une vieille chanteuse, Daredjane, qui a connu de grands succès dans les années 70 et 80. Très âgée, n’ayant rien enregistré depuis dix ans, Marcia a réussi à convaincre Daredjane d’enregistrer un album de duo avec elle. Une forte complicité s’installe entre les deux femmes, mais Daredjane est aussi une femme libre, impulsive et torturée, et un soir, elle se suicide. Pour Marcia, c’est un drame absolu, car elle tenait vraiment à Daredjane et elle compte bien « veiller » sur l’œuvre de son idole et par la même, tout faire pour sortir l’album qu’elles ont enregistré ensemble. Or, il va falloir convaincre Anthony, le petit neveu de Daredjane. C’est lui l’ayant droit sur l’œuvre de sa tante, et autant le dire, il ne portait pas vraiment sa tante dans son cœur.

Pour son sixième long-métrage, Michel Leclerc nous revient avec une comédie dramatique sur fond d’industrie musicale et d’héritage. Il est vrai que lorsqu’on regarde la bande-annonce de ces « … goûts et les couleurs« , le nouveau film du réalisateur français n’a pas l’air de sortir du lot et au-delà de ça, il a tout l’air d’être déjà vu, mais il ne faudrait pas s’arrêter là, car on passerait alors à côté d’un très bon moment de cinéma. Sous ses airs de comédie amoureuse, « Les goûts et les couleurs » est en fait une comédie dramatique bien plus sérieuse et profonde. À travers cette rencontre improbable, Michel Leclerc va aborder de vrais sujets qui vont être très intéressants.

Écrit par Michel Leclerc et Baya Kasmi, « Les goûts et les couleurs » tient un scénario qui va développer deux grands sujets, avec d’un côté l’industrie musicale et les désillusions qu’elle apporte à travers les yeux d’une jeune chanteuse qui refusera de s’adapter ou de plaire au plus large, et de l’autre, l’héritage, et la gestion d’une œuvre musicale, ici au travers des héritiers. Intelligent, sachant très bien marier ces sujets, saupoudrant le tout d’humour et de romantisme, le film de Michel Leclerc surprend de par sa fraîcheur, mais aussi son sérieux, sa profondeur, et même son final, qu’on ne voit pas forcément arriver et qui s’éloigne de ce qu’on peut voir habituellement.

A travers ces sujets, le réalisateur pose de bonnes questions, il interroge l’intégrité des artistes, les valeurs, le côté commercial, une scène en particulier avec Artus en DJ est assez édifiante. Michel Leclerc questionne aussi l’héritage d’un artiste, la gestion d’un patrimoine, ou encore l’héritage de l’artiste en question aux yeux de son pays. Bref, on ajoutera à cela des questionnements sur l’art contemporain, le choix des artistes (et encore une fois l’engagement), et bien sûr, comme je le disais plus haut, une romance qui, si elle peut être facile, voire évidente, elle saura aussi se faire, comme le reste du film, surprenante.

Et en parlant de surprise, on va retrouver cet élément dans la mise en scène de Michel Leclerc qui offre un film très riche, voire même assez audacieux. Michel Leclerc donne un très joli ton à son film dès les premières minutes, avec ces scènes ô combien sublimes, entre deux chanteuses de deux générations qui travaillent et enregistrent avec des bouts de ficelles, des chansons dans un appartement parisien. La lumière est élégante, l’ambiance est chaude, les conjugaisons entre le drame et la comédie se font comme une évidence, et l’on se laisse directement emporter, et ça, jusqu’au bout. S’en suit après le décès, les rencontres et tous les sujets abordés et là encore, Michel Leclerc surprend et offre un film léger et sérieux à tout instant.

« Les goûts et les couleurs » est un film qui ose quelque chose et parmi tout ce que le réalisateur va oser, celui qui va le plus étonner, et en même temps séduire, c’est le choix de créer tout d’abord le personnage de Daredjane, en la montrant vieille, au crépuscule de sa vie, et en contrepartie, grâce à un savoureux montage, de nous la faire découvrir à travers des clips, des émissions et des prestations scéniques, tout au long du film. Cette idée est excellente et elle est appuyée par l’idée de nous placer presque au même niveau que ce neveu, qui ne connaît absolument pas cette tante célèbre.

Le film tient aussi une autre création assez géniale, autour du personnage de Daredjane, c’est le fait d’avoir créé pour l’occasion, tout un album fictif, des paroles, chansons, clips, et autres images d’archives. Il y a un vrai souci du détail de ce côté-là, avec une vraie évolution musicale au travers des décennies et des extraits qui nous sont montrés. Puis en termes de chansons, on quitte la salle avec plusieurs titres en tête et l’envie de découvrir l’œuvre de Daredjane (notamment grâce à la BO qui va sortir en CD et en vinyle).

« Les goûts et les couleurs« , c’est aussi un film qui fonctionne, car en plus d’un très bon scénario et de plein d’idées de mise en scène, Michel Leclerc s’est très bien entouré, convoquant des habitués de son cinéma et des petits nouveaux. Félix Moati est excellent en neveu un peu beauf sur les bords, mais au final très attachant. On peut citer çà et là, Eye Haïdara, Philippe Rebbot (génial en producteur de musique attiré par l’argent plus que par le talent), ou Artus, horrible de prétention et d’arrivisme.

« Les goûts et les couleurs« , c’est surtout Rebecca Marder et Judith Chemla, la première jouant la jeune chanteuse idolâtrant la deuxième et ayant une idée de l’intégrité, aussi bien dans sa vie que dans sa musique. Puis la deuxième, Judith Chemla, est tout simplement bluffante en vieille (ou jeune) chanteuse rebelle, virtuose, indépendante, récalcitrante, peu sûre d’elle, et en même temps, tellement artiste. Il se peut même qu’on retrouve l’artiste aux César l’année prochaine, tant elle est bluffante.

Après plusieurs films sommes toutes sympathiques, Michel Leclerc commence ses années 2020 avec ce qui restera assurément l’un de ses meilleurs films. Drôle, très drôle, et en même temps touchant, tellement touchant, « Les goûts et les couleurs » est un petit bijou qui ne cesse de surprendre, et malgré quelques facilités, il ne cesse de se lancer dans l’inconnu et on adore s’y lancer aussi. C’est beau, on s’y plaît beaucoup, ces acteurs sont très bons, les sujets sont passionnants, les critiques et ce que pointe du doigt Michel Leclerc sont bien vus… Bref, ces « … goût et les couleurs« , c’est un grand oui.

Note : 17/20

Par Cinéted

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