Auteurs : Jean-Claude Bauer et Frédéric Brrémaud
Editeur : Urban Comics
Genre : Historique
Résumé :
Responsable de la mort de centaines de Juifs et de résistants, dont Jean Moulin, le SS Klaus Barbie échappe à la justice et à une double condamnation à mort à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quittant finalement son Allemagne natale pour l’Amérique du Sud, il y applique les mêmes méthodes et va jusqu’à organiser le coup d’État du dictateur Hugo Banzer. Véritable mercenaire, celui que l’on surnommait le Boucher de Lyon est finalement reconnu, puis traqué, jusqu’en 1987, date fatidique de son jugement et de sa condamnation, sans précédent en France : prison à perpétuité pour crime contre l’humanité.
Avis :
Le devoir de mémoire est une chose très importante. Cela permet de ne pas oublier les atrocités du passé, et surtout de ne pas reproduire nos erreurs, dans le but d’améliorer nos vies et celles des générations futures. Et si aujourd’hui, notre société est de plus en plus lugubre, il est de bon ton de rappeler que le racisme est l’une des causes des plus grands massacres de Seconde Guerre Mondiale, et que rien, absolument rien, ne justifie les crimes raciaux. En ce sens, Klaus Barbie – La Route du Rat survient à point nommé, histoire de faire le portrait du boucher de Lyon, et de revenir sur son procès monumental de 1987. Reprenant ses dessins de l’époque pour jalonner le récit de Frédéric Brrémaud, Jean-Claude Bauer met en lumière un psychopathe qui a prospéré bien trop longtemps.
La BD est découpée en trois parties distinctes. En premier lieu, le récit revient sur l’arrestation rocambolesque de Klaus Barbie en Bolivie, pays dans lequel il a trouvé refuge quelques temps après la défaite de l’Allemagne. Cette partie est peut-être la moins passionnante de l’histoire, car elle emploie des termes géopolitiques assez pointus et il faut faire un gros effort de contextualisation pour bien tout comprendre. Cependant, cette entame permet surtout de voir à quel point un homme, qui a tué plus de 4000 personnes en quatre ans, peut être dans le déni complet et cacher sa monstruosité face à un visage avenant. Cela permet aussi de mettre en avant des alliances bancales entre pays, et de voir que les dictateurs ne semblent pas dérangés d’embaucher des nazis pour faire le sale boulot. Ce début est donc nécessaire pour voir comment Barbie a rejoint la France grâce à des journalistes.
La deuxième partie s’attèle à retracer le parcours du type. Bien évidemment, on aura droit au récit de sa vie, avec ce père enseignant, alcoolique et violent, et l’engagement de Barbie dans les jeunesses hitlériennes. Par la suite, on aura droit aux étapes de son ascension parmi les plus hautes sphères et la liste de tous ses méfaits lorsqu’il est dans la région de Lyon. Rien ne nous est épargné, du massacre des juifs à la rafle des enfants d’Izieu, où 44 gamins trouveront la mort, dont certains âgés de trois ans, fusillés sans le moindre état d’âme. C’est avec cette partie de l’on va prendre l’ampleur des dégâts de Barbie. Outre la torture à mort de Jean Moulin, on va surtout voir un homme capable de tout pour avoir des informations et arriver à ses fins. Un monstre au visage angélique, qui ne connait aucune impunité, ni limite.
La troisième partie est clairement la plus bouleversante, puisqu’elle revient sur le procès de Barbie et accumule tous les témoignages des victimes du bourreau, qui ont survécu bien entendu. Et là, il est très difficile de retenir ses larmes, surtout lorsque l’on sait que cela est véridique. Comment ne pas être bouleversé par cette dame qui fut torturée devant ses parents, pour avoir l’adresse de ses frères et sœurs. Comment ne pas avoir le cœur en miettes devant le discours de la seule rescapée de la rafle d’Izieu, racontant le départ des enfants qui n’ont eu aucune chance. Jean-Claude Bauer ressort pour la peine ses dessins de 1987, pour distiller le récit et mettre un visage à des victimes qui, aujourd’hui, sont sûrement mortes. C’est à la fois touchant et dur, et cela donne encore un aspect monstrueux à Klaus Barbie.
Car derrière ce schéma narratif se cache alors un portrait précis d’un monstre, un vrai, qui n’a aucune âme, ni aucun cœur. Un fou furieux qui se repaissait de la mort et de la douleur. Les dessins de son procès sont sans aucune ambiguïté, montrant un homme mutique mais souriant, dénigrant continuellement ses victimes, et ce jusqu’à la fin de sa vie. Il ne faut pas oublier aussi qu’à travers ce récit, on découvre que Klaus Barbie a bénéficié de la protection des Etats-Unis pour chasser les communistes, lui permettant ainsi de continuer son travail de boucher en toute impunité. On y apprend aussi comment les nazis s’enfuirent grâce à un réseau bien huilé. Enfin, on y verra comment ce procès fut le premier pour crime contre l’humanité, et deviendra un modèle du genre par la suite.
On pourrait croire que la BD s’arrête là, mais Urban Comics a fait les choses en grand, avec notamment une préface signée Serge et Beate Klarsfeld, qui furent les instigateurs de la traque de Barbie, et une postface signée Jean-Olivier Viout, alors substitut général lors du procès. Tout cela concorde à donner du poids à la BD, et surtout une valeur historique inestimable pour ne pas oublier que l’horreur porte parfois un visage d’ange, et que les erreurs du passé sont faites pour rester afin de ne pas reproduire de grands malheurs.
Note : 17/20
Par AqME