De : Richard Thorpe
Avec Vera Reynolds, Carroll Nye, Thomas E. Jackson, Wheeler Oakman
Année : 1931
Pays : Etats-Unis
Genre : Policier
Résumé :
La danseuse June Page est accusée du meurtre du gangster « Honest Ed » Baker. Allan Perry, un ambitieux journaliste à l’aube de sa carrière, cherche coûte que coûte à couvrir l’affaire pour en obtenir l’exclusivité et impressionner sa hiérarchie. Il tombe amoureux de la jeune femme, mais les anciens amis d’Ed Baker, déterminés à se venger, n’ont pas dit leur dernier mot…
Avis :
Pour certains acteurs et réalisateurs, la transition entre le cinéma muet et parlant s’est faite avec plus ou moins de facilité. Bon nombre d’artistes ne sont pas parvenus à s’adapter, tandis que de nouveaux talents se sont imposés au début des années 1930. Ce contexte particulier voit s’opposer une interprétation aux antipodes, ainsi qu’une approche différente de la mise en scène. En ce sens, des cinéastes, tels que Richard Thorpe, ont effectué une évolution progressive, proposant des productions « hybrides », à la croisée d’influences passées et émergentes. C’est précisément dans ce registre que s’inscrit The Lawless Woman, polar méconnu à la lisière du film noir…
Considéré comme une œuvre rare, le film de Richard Thorpe s’immisce dans le milieu de la pègre. À l’issue du travelling qui suit de manière subjective un véhicule de police, somme toute immersif et incitatif à l’action, l’intrigue emprunte le point de vue journalistique. D’emblée, les enjeux ne font guère dans la complexité ni dans le devoir de l’information. On se cantonne à la recherche du scoop censé apporté la notoriété et, accessoirement, un avancement de carrière. Les tenants de l’affaire sont tout aussi basiques, y compris dans la façon de dépeindre le contexte. Cela concerne également pour ce cadre urbain guère mis en valeur où la criminalité organisée règne en maître.
À bien des égards, les lieux sont relativement restreints. Les intérieurs souffrent d’une appropriation approximative, tandis que la caméra se veut beaucoup plus statique qu’escomptée. On songe à la séquence d’ouverture, ainsi qu’aux avancées techniques où la réalisation de films s’avère beaucoup plus fluides et dynamiques qu’auparavant. En soit, ce n’est pas un mal, mais le rendu manque de vie et d’énergie. À plusieurs reprises, on a l’impression de se retrouver face à une scène de théâtre. Néanmoins, de rares plans extérieurs viennent contredire cet a priori, comme cette excursion en mauvaise compagnie. Quant aux scènes nocturnes, elles sont sous-exploitées et guère du même acabit que celles de M le maudit, par exemple.
Au vu de l’intrigue et du milieu criminel dépeint, on pouvait s’attendre à une atmosphère pesante, semblable aux films noirs, comme évoqué précédemment. Cependant, le traitement s’oriente vers un ton léger, presque badin. Les atermoiements des journalistes ou les réparties incertaines de l’un d’entre eux, alcoolique notoire, rendent l’ensemble peu convaincant. Cela vaut aussi pour cette interprétation en dents de scie où les acteurs peinent à adopter la bonne intonation, la bonne réaction dans le timing imparti. Les traits forcés ou le décalage dans leurs comportements renforcent cette impression de se trouver davantage en présence d’une comédie qu’un film policier à part entière.
Un peu comme si le métrage demeurait ancré dans la période expressionniste, mais, qu’entre-temps, le charme du cinéma muet s’affublait d’apparats caricaturaux. Preuve en est avec une caractérisation tout aussi surfaite. Il n’y a qu’à contempler la présentation du panel de malfrats pour s’en convaincre. On tient là une brochette de clichés en puissance qui s’étend du jeune dandy au bandit de rue. Exposition d’autant plus inutile que la suite se concentre sur un antagoniste précis et non sur ses comparses. Cela sans compter que leur rôle respectif dans l’organisation n’est pas dépeint, à tout le moins trop évasif. L’approche est similaire avec les forces de l’ordre, les journalistes ou l’ingénue en détresse.
Au final, The Lawless Woman est un film relativement mineur dans l’histoire du cinéma et, plus spécifiquement, dans l’œuvre de Richard Thorpe. On est bien loin de ses productions épiques tels que Les Chevaliers de la Table ronde ou Ivanhoé. S’il n’est pas foncièrement mauvais, le présent métrage se contente d’une intrigue facile qui présente peu d’enjeux (et d’intérêt), tandis que l’aspect caricatural rend l’incursion poussive dans le domaine du polar. Alors que le cinéaste cherche encore ses marques dans les techniques de mise en scène du cinéma parlant, sa réalisation s’affuble d’une théâtralisation superficielle qui dessert son ambiance. Cela vaut aussi pour un jeu d’acteur inconstant et des personnages qui retiennent peu l’attention. Sans être insignifiant, un film anecdotique.
Note : 10/20
Par Dante