De : Louda Ben Salah-Cazanas
Avec Aurélien Gabrielli, Louise Chevillotte, Saadia Bentaïeb, Jacques Nolot
Année : 2022
Pays : France
Genre : Drame, Romance
Résumé :
Labidi est un jeune d’aujourd’hui : il va de petites magouilles en jobs d’appoint, habite en colocation dans une chambre de bonne et se rêve écrivain. Mais sa rencontre avec Elisa l’oblige à repenser son train de vie au-dessus de ses moyens.
Avis :
Nouveau venu dans le paysage du cinéma français, Louda Ben Salah-Cazanas est un jeune réalisateur de trente-quatre ans, qui met en boite là son premier long-métrage. Après des études à Science-Po, Louda Ben Salah-Cazanas rencontre par hasard le scénariste et réalisateur Gilles Marchand qui va lui « apprendre » le cinéma. Dès lors, Louda Ben Salah-Cazanas se lance tout seul, et avant d’arriver avec ce premier film, il va tout d’abord passer par l’époque quasi-obligatoire du court-métrage. Entre 2015 et 2019, le jeune cinéaste va enchaîner les films, réalisant trois court qui seront bien reçus dans les festivals, ce qui va lui ouvrir les portes pour faire ce premier film.
Parmi les sorties des films français, il y avait en cette mi-Avril, « Le monde après nous« , qui me tentait énormément. Son titre poétique et son affiche qui envoyait quelque chose d’assez fort et de joli, me poussaient à aller voir cette première (puis j’adore aussi découvrir des premiers films), et je dois bien avouer que j’en ressors déçu. Porté pourtant par un bon bouche-à-oreille, « Le monde après nous« , même s’il contient en son sein de bons éléments, est un film qui me sera resté froid, austère, et devant lequel je me suis raccroché à peu de chose, si ce n’est sa dernière partie et son final, qui réhaussent le tout et surtout nous font sur l’instant oublier que pour arriver à ces émotions, on s’est quand même un peu ennuyé.
Labidi, la vingtaine, habite Paris. Labidi vit au jour le jour, enchaîne les petits boulots mal payés pour pouvoir survivre. En parallèle de ça, Labidi se rêve écrivain. Le jeune homme a déjà publié une nouvelle qui a été primée, et il est en plein dans l’écriture d’un roman qui s’annonce bien plus étoffé. Un jour comme un autre, Labidi rencontre Elisa, et il en tombe fou amoureux, au point de vivre au-dessus de ses moyens et de tout faire pour que son amoureuse soit le mieux possible. Or, son train de vie l’oblige à toujours en faire plus, et pourquoi pas l’espace d’un temps, jusqu’à ce que son roman soit achevé et publié, faire de petites magouilles. Bref, tout est bon pour Elisa…
Il y a des films desquels on ressort partagé, très partagé. Partagé entre un moment qui fut ennuyant, et devant lequel on n’a pas vraiment adhéré à tout ce qui nous a été raconté, partagé aussi et surtout, car entre les lignes et l’ennui, le film en question arrive à injecter de l’intérêt, puis il tient un certain charme et derrière ça encore, il arrive à parfaitement se rattraper dans ce dernier instant, en changeant son fusil d’épaule, ce qui le transforme et nous emporte l’espace de quelques minutes magiques. « Le monde après nous » est typiquement ce genre de film.
Il faut dire que l’histoire de ce genre d’écrivain qui survit comme il le peut, jonglant entre petits boulots mal payés, et petites arnaques à droite et à gauche, histoire d’avoir un train de vie plus haut qu’il ne devrait, a vraiment du mal à nous accrocher. Pourtant, « Le monde après nous » a une ambiance et un charme certain. Louda Ben Salah-Cazanas nous plonge dans un film qui visuellement parlant à de très belles qualités. Il y a quelque chose d’assez irréel qui s’échappe de ce film, comme si cette histoire et ces personnages se trouvaient dans les pages d’un vieux roman qu’on nous fera découvrir.
Malgré l’ennui et l’attente que le film procure, « Le monde après nous » est assez romanesque, et voir ce jeune couple, auquel il manque de l’émotion, se dépatouiller comme il le peut pour vivre a quelque chose de touchant, et au-delà de ça, pour certaines de ses situations, le film résonne comme le souvenir d’un temps où la jeunesse est un peu folle, où l’on se charme avec un plat de pâtes, surement dégueulasse et sans goût, mais qu’importe, puisqu’on est avec l’être aimé, et que l’on peut être capable de tout. Bref, derrière l’ennui, car ici certaines minutes ont bien l’air d’être plus longues qu’elles ne le devraient, il y a quelque chose qui fait qu’on reste coincé entre deux sentiments partagés.
Heureusement, Louda Ben Salah-Cazanas va rattraper son film en cours d’intrigue avec, dans sa dernière partie, un virage qu’on n’avait pas vu arriver et ce dernier va transformer ce « … monde après nous« . D’un coup l’émotion tapie dans l’ombre est là, et elle brille. D’un coup, les personnages, notamment Labidi, prennent de l’ampleur, et le film, au bout de cette transformation, finit par être sublime.
Partagé entre plusieurs sentiments, « Le monde après nous« , malgré ses défauts et ses personnages parfois austères en début de métrage, demeure un film qui est assez justement tenu par ses comédiens. Louda Ben Salah-Cazanas nous présente deux acteurs qu’on prend plaisir à découvrir, à commencer par Aurélien Gabrielli, qui malgré un personnage parfois froid et fermé, dégage quelque chose qui imprègne les images, et même si l’on s’ennuie, dans un sens contraire, on se plaît à suivre ce looser amoureux prêt à tout pour sa belle. L’autre comédien, qui tient un petit rôle, celui du meilleur ami, c’est Léon Cunha Da Costa. L’acteur tient un personnage très juste, assez drôle, un peu gauche et il fait du bien à cette histoire, notamment dans ses instants plus longs. Puis enfin, on l’avait déjà repérée dans « Benedetta » et « L’événement« , mais avec ce film, Louise Chevillotte confirme tout le talent et le bien qu’on pensait déjà d’elle. Et si elle aussi trouve un personnage parfois un peu froid et austère, elle arrive à nous toucher de par le naturel et la simplicité de son jeu.
La somme de tout ça fait que je ressors partagé de ce premier film signé Louda Ben Salah-Cazanas. Sans que ce soit un mauvais film, on ne peut pas dire qu’il soit incroyable et marquant non plus. Mélangeant bonnes idées et maladresse, belles choses, bonnes intentions, mais ennui et un manque d’émotion, malgré de l’empathie pour ce couple de loosers qui au bout du compte se trouvent être beaux, « Le monde après nous » sera finalement sauvé grâce à ce superbe final et le virage vers la fin, qui nous emmène ailleurs. Ainsi, ce premier film pour Louda Ben Salah-Cazanas restera confidentiel, mais il ouvre une porte et un œil et en conjuguant ses qualités et ses défauts, il y a quelque chose qui fait qu’on reste curieux d’un deuxième film pour ce jeune réalisateur, qui entre les lignes, fait de petites, mais jolies promesses.
Note : 10/20
Par Cinéted