Auteur : William T. Vollmann
Editeur : Le Cherche-Midi
Genre : Fantasy
Résumé :
Nous sommes au Xe siècle de notre ère. Une longue lignée de rois vikings s’apprête à franchir les océans de glace qui les séparent d’une terre mythique : le Vinland, sésame de tous les fantasmes dont l’Amérique sera le nom. Cinq cents ans avant Colomb, Erik le Rouge, Leif le Chanceux, Freydis Eiriksdottir et quelques autres vont être ainsi les premiers découvreurs du Nouveau Monde. Ils toucheront ce pays de cocagne, terre de lait, de miel et de légendes, avant d’en être chassés par ses habitants natifs, les redoutables Indiens Skreelings…
Avis :
Lorsqu’il s’agit d’en vanter les mérites, la réputation de certains romans les précède. Les superlatifs et l’encensement quasi unanime suggèrent à de véritables chefs d’œuvre en puissance. Avec La Tunique de glace, William T. Vollmann s’est vu auréolé de nombreux éloges sur l’ambition démesurée dont il fait preuve. Inaugurant le cycle des Sept rêves, le présent ouvrage dépeint une fresque-fleuve où il est question de se plonger aux confins historiques de l’Amérique, sous le prisme des Peuples du Nord. Un projet embryonnaire, presque expérimental, qui tient de la saga épique, du récit historique et de la mythologie scandinave.
D’emblée, La Tunique de glace décontenance par son approche qui fait la part belle à une entame enchaînant préface et digressions emphatiques. Là où l’on est censé s’immerger au cœur du Xe siècle, les premiers points de vue s’ancrent dans un contexte contemporain qui évoque la période initialement visée. Il s’en dégage alors une distanciation évidente avec le lecteur, élitiste, sinon hautaine dans la démarche. L’auteur ne se prive pas de se dédouaner d’éventuelles erreurs ou approximations grâce aux errances et flous historiques qui perdurent sur ladite époque. Au sortir de ce premier constat laborieux, la suite n’incite guère à changer d’avis sur le caractère surestimé de l’ouvrage.
En effet, William T. Vollmann fait s’enchaîner les séquences épisodiques où il évoque avec précipitation la genèse et les exploits de héros scandinaves. Même en ayant certaines connaissances sur le sujet, les faits et les protagonistes se succèdent si vite qu’on émet des doutes quant à la pertinence du récit. De même, l’écrivain affuble son histoire d’un style lourd qui semble reformuler d’anciens textes, sans imagination ni identité particulière. Tout est agencé pour creuser le clivage entre auteur et lecteur. À aucun moment, on ne parvient à se sentir concerné ou à s’impliquer dans une intrigue pompeuse qui tient davantage d’explications pseudo-pédagogiques, totalement dénuée de sa substance romanesque.
En cela, La Tunique de glace est dépourvu d’une structure narrative à proprement parler ; qu’il s’agisse de chapitres ou même des fondamentaux de la littérature. Les pages sont noircies et ne contiennent (presque) aucun paragraphe. À quelques exceptions prêtes, les lignes de dialogue sont également absentes. Là encore, l’ensemble manque de vie. Sans faire référence au contexte délétère ou à l’environnement, il se dégage de l’écriture une froideur peu commune qui suggère un traitement austère. Et ce ne sont pas les quelques envolées lyriques ou la prose métaphorique de certains passages qui modifient sensiblement cet état de fait.
Certes, le second « acte » s’appuie davantage sur le côté aventureux du propos avec l’exploration du Vinland. On apprécie également la découverte et l’approche ethnologique soignée des Indiens d’Amérique. Pour autant, les écueils et les errances constatées jusqu’alors persistent si bien que l’on demeure indifférent, sinon étranger, à la suite des évènements. En guise de remplissage, sans doute pour justifier de son travail de documentation, l’ouvrage se conclut par des notes historiques, un glossaire, une présentation des protagonistes, ainsi qu’une chronologie éparse des faits évoqués en amont de l’intrigue dépeinte.
Au final, La Tunique de glace s’avance comme une déception. Si certains saluent la témérité de l’auteur, on constate un style pénible à appréhender, voire condescendant à certains égards. Au sortir d’une lecture guère enthousiasmante, la narration s’arroge des airs élitistes et fait fi des bases mêmes de tout roman. On a davantage l’impression d’assister à un cours magistral lénifiant, amalgamée de manière douteuse avec la mythologie scandinave, qu’à une véritable histoire. Austère et prétentieux, le premier tome du cycle des Sept rêves affiche les atours d’un délire littéraire expérimental sans pour autant susciter l’intérêt ou se montrer original. Vraisemblablement, une œuvre alambiquée et verbeuse.
Note : 07/20
Par Dante