mars 28, 2024

Une Mère – Duel Glaçant

De : Sylvie Audcoeur

Avec Karin Viard, Darren Muselet, Samir Guesmi, Farida Ouchani

Année : 2022

Pays : France

Genre : Drame, Thriller

Résumé :

Aline n’a jamais réussi à faire le deuil de son fils mort à 17 ans dans une rixe. Quand elle croise par hasard son agresseur, tout juste sorti de prison, elle décide d’échafauder un plan pour se venger. Aussi déterminée soit-elle, Aline commence à douter au fur et à mesure qu’elle apprend à connaître le jeune homme.

Avis :

Actrice française qui oscille entre le cinéma, la télévision et le théâtre depuis le début des années 90, Sylvie Audcoeur est de ces comédiennes qui sont discrètes. Ces comédiennes dont on n’entend quasiment jamais parler et pourtant, elles font leur petit bonhomme de chemin. Ainsi, que ce soit dans les trois catégories citées plus haut, Sylvie Audcoeur a été dirigée par de bons metteurs en scène, parmi lesquels on retrouve Claude Pinoteau, Christian Carion, Josiane Balasko, Toni Marshall, Denys Granier-Deferre, ou encore Guillaume Canet et Samuel Fuller. Bref, une bien belle carrière, qui prend aujourd’hui un nouveau tournant.

Si Sylvie Audcoeur a déjà une carrière derrière elle en tant que scénariste et autrice de pièces de théâtre, avec « Une mère« , elle passe un nouveau cap et se lance dans la réalisation, pour un premier film complexe, qui aborde les questions de la vengeance et du pardon. Tendu, meurtri, presque sans vie, « Une mère » est un film difficile, qui pose de bonnes questions et approche un sujet très intéressant. Et si le meurtrier d’un fils ressortait après seulement cinq années de prison. Et si la justice n’avait pas été assez dure. D’ailleurs, jusqu’à quel point peut-elle être dure, laxiste ou juste ? Et si vous tombiez par hasard sur le meurtrier de votre fils ? Voici quelques-unes des cordes du premier film de Sylvie Audcoeur, et c’est très bon.

Voilà six ans que la vie d’Aline s’est arrêtée. Six ans que son fils a été battu à mort par un jeune de la cité où ils habitaient. Six ans que le deuil est impossible. Un deuil qui est d’autant plus impossible, car la justice fut bien clémente envers le meurtrier de Sammy, le condamnant à neuf ans ferme. La vie a certes repris son cours, mais Aline vit avec cette perte, cette injustice et toutes les rancœurs qui vont avec. Un matin comme un autre, alors qu’elle fait des courses, elle découvre par hasard que Maxime, le meurtrier de son fils, est sorti de prison après cinq années. Cinq années seulement, cinq années pour lui avoir volé son fils à tout jamais… Pour Aline, s’en est trop et l’idée de faire justice soi-même s’impose à elle.

C’est un sujet bien difficile qu’a choisi d’explorer Sylvie Audcoeur pour son premier long-métrage. C’est un soir de 2018 que cette histoire lui est venue en tête, et c’est sur la table de sa cuisine qu’elle va en écrire le scénario. Un scénario compliqué, car la cinéaste va poser des mots et des scènes sur une souffrance insurmontable et nous entraîner dans une descente en enfer pour explorer un véritable cas de conscience. Jusqu’où peut-on aller par amour et désir de vengeance ? D’ailleurs, la vengeance est-elle la solution, surtout quand la justice n’est plus là, ou du moins aux yeux des victimes ?

Passionnant dans ce qu’il raconte, éprouvant, car le plan mis en œuvre par cette mère meurtrie est terrible, et ce dernier s’entrechoque à l’intérieur d’elle-même. Tuer une personne est sûrement facile quand on le pense, quand on le prépare et quand on reste dans la théorie, mais une fois que le personnage en arrive au fait, une fois que la machination se met en place, une fois que les éléments son réunis, et malgré la douleur, la haine, la pratique n’est peut-être pas si simple. Partant de ça, « Une mère » se pose comme un film lourd, qui grandit en tension, car Sylvie Audcoeur sait très bien jouer avec les émotions, les tensions et surtout le personnage de cette mère. Elle sait comment nous la présenter, comment poser ce dilemme, et comment créer de manière juste et imprévisible l’issue des événements qui se mettent en place. Va-t-elle aller jusqu’au bout ? Va-t-il « se laisser faire » ? Que va-t-il se passer, là, dans l’immédiateté et plus tard ? Bref, autant de questions, de ressentis et d’émotions que la jeune metteuse en scène aura parfaitement su accorder et tenir jusqu’à ce dernier et superbe plan final.

D’ailleurs, si l’on s’aventure du côté de la réalisation de Sylvie Audcoeur, ce premier film est parfaitement orchestré. Tenu par une ambiance meurtrie et avançant avec souffrance à chaque instant, la cinéaste laisse grandir sa tension, et nous entraîne avec froideur dans un film et une histoire aussi passionnante qu’elle est horrible. Ici, il y a peu d’espoir, et même si elle instaure un dialogue, et que ce dernier explore et explique beaucoup, Sylvie Audcoeur tient encore et toujours cette tension, qui fait qu’on ne sait jamais jusqu’où cette « … mère » va aller, et ça, c’est terrible.

« Une mère » qui est tenue par une très grande Karin Viard, qui décidément enchaîne les rôles qui sont tous à l’opposé les uns des autres. La mine sans vie, étouffée par la douleur et la haine, l’actrice compose un personnage presque terrifiant, d’autant plus qu’elle est compréhensible, touchante, pour ne pas dire attachante, alors même qu’elle se prépare à commettre un meurtre de sang-froid. Face à elle, on trouve ce diamant brut qu’est Darren Muselet. On avait découvert l’acteur bluffant en 2019 dans le très bon « Mon frère » de Julien Abraham, et il récidive ici avec un rôle complexe, qu’il empoigne et arrive à rendre aussi terrible (lui aussi) que touchant. Très sincèrement, ce face-à-face tout en tension fait une très grande partie de ce film et chacun des deux comédiens tient un personnage, derrière les horreurs et la douleur, assez superbe.

Ce premier film pour Sylvie Audcoeur se pose donc comme une belle réussite. La jeune réalisatrice impose un film qui a une vision de cinéma, une tension des émotions, un suspens qui reste intact et derrière ça, elle aborde, au travers de ses personnages, des sujets complexes et difficiles. Tenu par une grande Karin Viard et un tout aussi bon Darren Muselet, « Une mère » est assurément l’un des bons crus de cette semaine de cinéma.

Note : 15/20

Par Cinéted

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