Titre Original : Ju-Rei
De : Kôji Shiraishi
Avec Eriko Kazuto, Mirai Ueno, Chinatsu Wakatsuki, Ichirô Ogura
Année : 2004
Pays : Japon
Genre : Horreur
Résumé :
De jeunes étudiantes sont assassinées après avoir aperçu une ombre mystérieuse…
Avis :
Sorti à la toute fin des années 90, The Ring de Hideo Nakata va vite devenir un film d’horreur culte. Il faut dire que tout s’y prête, le cinéaste arrivant à rendre une copie terrifiante mettant en avant la figure du Yurei. Il n’en fallait pas plus pour que le marché soit inondé de figures de ce genre et de nombreux réalisateurs ont voulu une part du gâteau. On peut donc citer Takashi Shimizu avec The Grudge qui est sorti en 2004 et qui continue aujourd’hui de faire des émules. Au milieu de tout ça, certains distributeurs peu scrupuleux ont cru bon de mettre en boîte les résidus de cette vague japonaise, en surfant sur une mode qui laisse des débris dans son ressac. C’est le cas de Ju-Rei la Malédiction de Kôji Shiraishi.
A l’envers
Si le cinéaste est aujourd’hui « connu » pour ses films gores sans filtre (Grotesque), il a voulu faire un film « malin » avec un Yurei qui attaque de pauvres adolescents. Son côté intelligent, il le trouve dans la construction de sa narration, puisque le film est monté à l’envers. On commence avec le chapitre dix, où des adolescentes dansent dans la rue en pleine nuit. A la fin de la session, elles se font attaquer par une ombre, qui est similaire à Sadako de Ring ou encore à la nana de The Grudge. Ce montage explique alors à rebours les origines du fantôme et les raisons de ses attaques. Sauf qu’au final, il n’y a pas vraiment de raison. Le dernier chapitre, le prologue, montre une séance de cinéma qui tourne mal et une légende autour d’une satanée ombre vengeresse. Rien de bien mirobolant ni même de malin.
On se rend vite compte que cette narration à rebours n’est qu’un cache misère. Le scénario est famélique. Il n’y a rien à raconter et on peut voir le film comme une succession de saynètes où des gens se font buter dans des conditions différentes. Et pour des raisons qui restent obscures. Car si au moins le fantôme tuait pour différents vices, on aurait pu avoir quelque chose à se mettre sous la dent, mais là, il n’y a rien de tout ça. On contemple alors de petits moments compilés, comme autant de courts-métrages ratés et pénibles. Le réalisateur ne prend même pas la peine de cacher la maigreur de son scénario avec des personnages attachants ou travaillés, puisque les morts du début de film reviennent par la suite, mais on ne les reconnait même pas, tant même leur prénom ne sont pas reconnaissables. Bref…
Plan fixe
Si le scénario est un puits sans fond de nullité, il en va de même avec la réalisation. C’est peut-être même pire. Ici, Kôji Shiraishi n’a pas forcément le budget de ses ambitions et il doit se limiter pour créer de l’horreur. Manque de bol, il faudra allier à ça un manque d’inventivité flagrant. Outre le fait que l’on voit une succession de petites scènes sans forcément de liant, le chapitrage aidant, on va aussi avoir droit à des plans fixes qui durent trois plombes. Le réalisateur se contente du minimum et pose sa caméra sur un trépieds, laissant alors ses comédiens se démerder face à des situations grotesques. On pense à ces pauvres danseuses filmées au niveau du buste et qui se font aspirer par le bas, disparaissant du champ de façon abrupte. Et que dire des dialogues insipides qui ne subissent même pas le fameux champ/contre-champ.
Le cinéaste ne s’emmerde même pas à faire des coupures dans son montage et préfère alors un plan large et fixe, ou une caméra qui fait des va-et-vient insupportables. En ce sens, on a vraiment la sensation de suivre un film amateur, plutôt qu’un vrai film taillé pour le cinéma. Il faut ajouter à cela un travail inexistant sur la lumière ou sur l’ambiance. Tout le film baigne dans un halo gris détestable, à croire que l’équipe technique n’avait pas le matos adéquat. Pire, on se retrouve avec des moments qui frôlent avec la qualité d’un caméscope maison, comme le réalisateur filmait ses vacances avec sa famille. Si le grain aurait pu rajouter un semblant d’ambiance malsaine, on a surtout la sensation de voir un type qui ne sait pas où il va.
Peau blafarde
Dans un contexte aussi particulier et sans intérêt, il est compliqué de susciter de la peur. Et le film de Kôji Shiraishi ne va pas aller au-delà de la médiocrité. C’est bien simple, le réalisateur utilise à chaque fois les mêmes rouages pour intégrer son fantôme, tant et si bien qu’au bout d’un moment, on n’en a plus rien à foutre. Le coup du grincement puis de l’apparition furtive, bouche ouverte, ça ne marche qu’une paire de fois, pas dix. Parfois, le moment se fait lent et pénible, comme le coup du gamin qui remonte le long d’un lit. Le cinéaste ne s’appuie pas sur des éléments tangibles et intéressants, préférant un frontal déguisé qui n’anème rien de bien. Pire, il va copier allègrement sur ses homologues dans l’espoir de plaire à une fanbase qui a déjà lâché son film depuis belle lurette.
Au final, Ju-Rei la Malédiction est certainement ce qui se fait de pire dans le moule des yurei japonais. Mal filmé, sans le sou, avec une histoire qui n’a aucun sens et des éléments de peur qui peuvent provenir de chez tonton André en vacances dans le Larzac, Kôji Shiraishi offre un film amateur dégueulasse, de son écriture jusqu’à sa qualité visuelle. Et nous autres, français, de se faire arnaquer par un joli steelbook dans une collection qui pousse toujours plus loin le film obscur tourné dans les tréfonds d’un Japon que tout le monde préfère oublier. Un joli vol.
Note : 01/20
Par AqME